L'un des dossiers communautaires les plus sensibles du moment est actuellement en discussion au Parlement européen et sera l'objet du Conseil Télécommunications des 6-8 juin prochains. Il s'agit de la troisième et dernière directive postale (proposée par la Commission le 18-10-2006) qui vise à ouvrir la totalité du marché postal à la concurrence d'ici à 2009. L'enjeu est de taille, au vu de l'importance économique du secteur postal. Celui-ci représentait en 2004 un chiffre d'affaires de 90 milliards d'euros (soit près de 1% du PIB européen), 5 millions d'emplois directs et indirects, et 135 milliards d'envois par an. Le processus de libéralisation postale a été enclenché il y a quinze ans, mais aujourd'hui cette libéralisation est particulièrement controversée, car elle propose d'ouvrir à la concurrence le monopole des opérateurs historiques sur le petit courrier (lettres inférieures à 50 grammes). Face à ce dossier particulièrement sensible, on peut se demander quels enjeux la libéralisation du courrier représente pour les opérateurs postaux des différents Etats-membres, et comment ces opérateurs organisent leur stratégie de lobbying en conséquence. Cette réflexion sera appuyée par l'analyse du cas de La Poste, opérateur historique français particulièrement préoccupé par la libéralisation du petit courrier. Une première partie examinera le processus de libéralisation du courrier, et les conséquences qui s'ensuivent pour les entreprises du secteur postal. Dans un deuxième temps, la position et la stratégie de lobbying du groupe La Poste seront analysées à la lumière des enjeux définis en première partie.
[...] Elle considère que la libéralisation entraînera des suppressions d'emploi à la Poste, et que les emplois créés par les nouveaux entrants seront plus précaires. En agitant le spectre de la destruction d'emplois, elle vise sans doute à toucher l'opinion publique et les hommes politiques français[3]. Elle s'appuie d'ailleurs sur l'exemple concret de la Grande-Bretagne, où emplois ont été supprimés en 2005 et 2006 - ce qui tend à relativiser l'enthousiasme de Royal Mail sur les bénéfices de la libéralisation. Le troisième volet de la position de la Poste consiste à réclamer plus d'études d'impact de la part de la Commission pour mieux évaluer l'adéquation entre les mécanismes de financement de l'OSU et la possibilité concrète d'assurer l'OSU. [...]
[...] Dans son interview à Euractiv, M. Forceville s'appuie d'ailleurs sur cette étude pour dénoncer les mécanismes de financement proposés par la Commission : Nous avons fait réaliser, avec d'autres postes européennes, une étude par un cabinet anglo-saxon qu'on ne peut pas taxer d'antilibéral. Celle-ci conclut que, dans un environnement concurrentiel, il n'y a pas de mode de financement qui soit parfaitement adéquat. Aujourd'hui, alors que les ministres des télécommunications vont débattre du projet de directive les 6-8 juin prochain, certaines rumeurs circulent sur la conclusion d'un compromis entre les 27 pour repousser à 2011 l'ouverture totale du marché à la concurrence. [...]
[...] Cette action est importante car elle donne partiellement tort à la Commission, l'étude se montrant réservée sur les mécanismes de financement proposées dans la directive : le fait que certains mécanismes aient bien fonctionné dans d'autres industries y compris ceux proposés par la Commission n'implique pas qu'ils seraient tout aussi efficaces s'ils étaient appliqués au secteur postal. Les spécificités du secteur postal ainsi que les caractéristiques particulières de tel ou tel marché national influencent fortement la pertinence / efficacité d'un mécanisme comme moyen de financement du service universel. La publication de cette étude a contribué à conforter voire renforcer le scepticisme de certains députés européens quant à la capacité du projet de directive à maintenir le service universel. [...]
[...] Aujourd'hui d'ailleurs, de nombreux amendements sur la date d'ouverture totale à la concurrence ont été déposés, d'où la réflexion de J.P. Forceville : Nous pensons que s'il doit y avoir un report au-delà de 2009, ce moratoire doit être utilisé pour approfondir la réflexion sur les modes de financement et l'impact social. On retrouve dans cette phrase les deux préoccupations de la Poste analysées précédemment. Cette position est-elle bien défendue par le groupe ? Aura-t- elle un impact sur la version finale de la directive ? [...]
[...] La position du groupe La Poste : les dangers d'une libéralisation non accompagnée d'un mécanisme viable de financement du service universel Le groupe La Poste est le deuxième plus gros opérateur postal en Europe, après Deutsche Post, avec en 2006 un chiffre d'affaires de 19,3 milliards d'euros et collaborateurs. Il s'est montré particulièrement sceptique sur la libéralisation du courrier telle que proposée par le projet de troisième directive, en mettant notamment l'accent sur les dangers d'une libéralisation non accompagnée d'un mécanisme viable de financement de l'OSU. La position de la Poste est d'ailleurs soutenue par le gouvernement français. Cette position s'articule en trois temps. [...]
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