La définition d'une identité européenne fondée sur des valeurs communes est indispensable, puisqu'elle permet d'affirmer la cohérence du projet européen, de lui donner un sens ainsi que de légitimer l'action publique. Cependant, la question d'une hostilité vis-à-vis du processus d'intégration européenne est désormais d'une actualité évidente. Le double « non » français et néerlandais, au projet de constitution européenne en 2005, puis le « non » irlandais au traité simplifié de Lisbonne en juin 2008 révèlent les écueils à l'instauration d'une identité européenne. Pour la première fois de son histoire, la construction européenne connaît une phase de ralentissement, due au désintérêt des électorats et de certains de ses dirigeants. Si les mouvements d'opposition sont largement fonction des perspectives stratégiques ouvertes par un tel positionnement dans les différents contextes nationaux, ils ne forment cependant pas une nouvelle mouvance transnationale dans la mesure où ils sont issus de cultures politiques particulières. La critique de la construction européenne demeure ainsi un phénomène national profondément enraciné dans des traditions distinctes.
Il convient dès lors de se pencher plus précisément sur la question d'identité européenne, qui demeure une notion ambigüe. Diverses visions du « fait » européen s'entremêlent sans pour autant se superposer et posent avec acuité la question de la définition de l'identité européenne. Cette dernière n'est pas une identité de genre mémorielle, ethnique ou religieuse, mais une identité politique dans le sens où elle est plus composite et plus complexe. Cette notion ne correspond en aucun cas à une valeur innée, mais plutôt à un construit, sur la base d'interactions entre citoyens. L'identité européenne est un ensemble de valeurs diverses issues d'un mélange de cultures, de religions et de philosophie, mais aussi d'une pratique particulière du politique, qui font la personnalité commune des Européens. Le contexte actuel du processus de construction européenne conduit les citoyens comme les responsables politiques à s'interroger sur l'avenir des organisations fondées sur l'adéquation entre état, nation et territoire.
[...] - BINNEMA H., CRUM B., CAIANI M., COMAN R., DELLA PORTA D., DELMOTTE F., HARMSEN R., HASTINGS M., HEINE S., HENDERSON K., LACROIX J., LECONTE C., PETTAI V., PILET J-B., ROGER A., ROSENBERG O., VAN HAUTE E Les résistances à l'Europe : Cultures nationales, idéologies et stratégies d'acteurs, Bruxelles, Éditions de l'université de Bruxelles. Article - NABLI B., Identité européenne et communauté politique Revue internationale et stratégique 2007/2, Nº 66, p. 37-46. Documents électroniques - CNRS [Centre National de la Recherche Scientifique]. In CNRS. Site du CNRS. L'identité européenne en questions [En ligne] http://www2.cnrs.fr/presse/thema/15.htm (page consultée le 17 octobre 2008) - Le Figaro. [...]
[...] Étant donné que l'hypothèse de l'émergence d'une identité européenne se pose, il sied d'examiner les interactions qui s'enchevêtrent entre plusieurs sources possibles d'identification et d'évaluer la réceptivité des citoyens à celles-ci. La composition même de l'Europe, faite de multiples cultures ancrées dans des traditions nationales variées, pose la question centrale des bases à partir desquelles une identité européenne pourrait acquérir une certaine autorité face à des identités nationales plus anciennes. La nature concrète des éléments susceptibles de constituer la base de cette identité nouvelle ne se laisse pas aisément appréhender. Au sein d'une Union européenne composite, comment définir une identité supranationale commune dans le respect des identités nationales ? [...]
[...] Florence Delmotte propose alors d'analyser cette résistance de l'habitus social national et de déceler les conditions d'un éventuel dépassement de cet écueil à l'établissement d'une conscience européenne. Dans un premier temps, les peuples européens fonderaient leur identité nationale démocratique à partir d'éléments culturels ou métapolitiques homogènes. On aurait alors une certaine unité dans les identités nationales démocratiques des peuples européens. Deuxièmement, Florence Delmotte, s'appuyant sur l'analyse sociologique de Georg Simmel, établit une relation entre les conflits militaires et le processus de formation d'une identité au niveau national, étant donné que la guerre nécessite une centralisation des hommes. [...]
[...] Jean-François Mattei s'interroge sur le processus de construction identitaire européen dans le sens où il considère l'Europe comme oublieuse et parfois honteuse de son passé. Les plus grands esprits du siècle passé, de Paul Valéry à Simone Weil, ont dénoncé l'amnésie d'une civilisation vouée à la guerre et au commerce, mais indifférente à sa culture. Quand Camus écrivait que secret de l'Europe, c'est qu'elle n'aime plus la il pressentait qu'elle ne s'aime pas elle-même, car son identité lui est aussi révolue que son histoire en dépit des appels réitérés, et univoques, à son devoir de mémoire L'Union européenne, malgré des efforts de commémoration politique, semble ainsi privilégier son économie que sa propre culture. [...]
[...] Ainsi, les notions d'égalité, de respect et de tolérance, de liberté, de créativité et d'ouverture ainsi que de séparation des pouvoirs supposent le respect par la communauté politique européenne de la démocratie et de l'État de droit. Ces idéaux s'inscrivent comme des vecteurs d'une citoyenneté européenne. La création de l'identité européenne est un phénomène complexe qui suppose une inscription dans la durée. Les identités ne sont pas immuables, mais toujours reformées sous l'effet d'influences croisées. Dès lors, un réajustement constant des repères individuels et collectifs traduit la notion d'identification à l'Europe. Ainsi, une identité européenne pourrait, à long terme émerger d'un processus de confrontation des différentes références nationales. [...]
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