Dans la conquête des cœurs et des esprits, la guerre - et la soumission arbitraire qu'elle véhicule - a longtemps été le moyen privilégié pour contraindre un peuple à partager ses idéaux et ses valeurs. Mais l'Histoire regorge d'exemples où des identités bafouées de façon coercitive ont su se remodeler et s'unir pour chasser l'étranger dominateur. L'Europe, au XIX°s, n'a-t-elle pas tenté de contrôler le Monde en colonisant par la force la moitié de la planète avant de sombrer dans des conflits de libération nationale qu'aucune arme ne pouvait vaincre.
Durant la guerre froide, l'impossibilité de départager les protagonistes par un conflit armé direct a transformé cette guerre en un conflit idéologique, les deux blocs rivalisant de moyens détournés pour asseoir leur domination. C'est alors que l'influence culturelle devint un vecteur de puissance en matière de relations internationales dont l'américain Joseph Nye en 1990 en a été le premier concepteur (dans son ouvrage « Bound to lead ») : c'est ce qu'on appelle le concept du « soft power » (la conversion par la séduction) et du « hard power » (la conversion par les armes). La diplomatie américaine est la seule à manier avec brio à la fois la politique du « soft power » et celle du « hard power » avec une préférence pour chacun des deux derniers présidents : l'ancien président Clinton privilégiait le « soft » alors que l'actuel président J.W. Bush met en avant une politique de séduction par les armes : l'exemple le plus frappant étant la guerre en Irak dont le but officiel était d'imposer la démocratie et donc par la même, le modèle sociétal américain (même si les justifications de la guerre en Irak ne sont pas seulement d'ordre idéologique). Ainsi, au vue de l'échec de l'invasion américaine en Irak, dont tout le monde s'accorde à dire (les conséquences et les coûts humains, matériels, financiers dépassant tout ce que nous pouvons imaginer), il semblerait que la politique de bâton ait trouvé ses limites dans le contexte actuel de mondialisation exacerbée. La tendance aujourd'hui serait de privilégier les politiques dites de séductions (qui disposent d'un meilleur rapport coûts-avantages) pour obtenir d'un pays qu'il partage les idées et valeurs que nous entendons défendre.
A l'heure actuelle, la culture a atteint une dimension qu'elle n'avait encore jamais pu égaler ceci grâce à la mondialisation que nous pouvons définir de la façon suivante « La mondialisation se caractérise par la multiplication, l'accélération et l'intensification des interactions économiques, politiques, sociales et culturelles entre les acteurs des différentes parties du monde qui y participent de façon variable » . Nous parvenons aisément à faire une analogie entre le domaine économique et financier et le domaine culturel dans le contexte de mondialisation. En effet, la mondialisation économique et financière va créer ce que l'on pourrait qualifier un « hyperempire » (selon la formule de J.Attali). Celui-ci est issu de la marche triomphante du libéralisme économique portée par la révolution des technologies permettant d'atteindre et d'interroger le marché de façon instantanée. Ainsi, le marché a véritablement englobé le monde si bien qu'on utilise le terme de globalisation pour définir la mondialisation des échanges économiques et financiers. Le marché, en tant que fiction et en tant que représentation virtuelle, s'est hissé au dessus de toutes instances politiques (Etats, Organisations internationales,….). Ainsi, il se régule par lui-même et n'a d'autres buts que d'intensifier les flux économiques et financiers en rejetant toutes entraves à leur diffusion. Par conséquent, à terme, il unifiera le monde autour d'un marché planétaire et sans Etat : c'est ce qu'il appelle « l'hyperempire ». « Ce marché mondial unifié et sans Etats restera durablement fidèle aux valeurs du cœur californien » (c'est-à-dire du système Hollywood). C'est ici qu'intervient la culture car ce marché charriera des valeurs et des idées. Si le marché a pu s'analyser dans les premiers temps de son histoire sur une échelle nationale voir continentale, il a rapidement évolué vers le niveau d'analyse global. De même, la culture ne peut plus, à l'heure de la mondialisation, s'entendre sur le plan purement national. Ainsi, suivant le même processus que le marché, va émerger une culture que J.Tardif qualifie à son tour « d'hyperculture globalisante ». Celle-ci n'est pas une culture globale mais plutôt « un répertoire de symboles et de signes qui offrent un système d'identification différent et mouvant » . Tout comme « l'hyperempire qui structure tout marché », « l'hyperculture est une construction symbolique qui exerce le rôle structurant de toute culture » . Ainsi, toutes les cultures se trouvent subordonnées à cette matrice à des degrés différents. La révolution des technologies à travers l'espace médiatisé permet aux cultures d'être immédiatement perceptibles par les individus quelque soit leur lieu géographique. Ce qui fait de l'espace médiatique globalisé un nouveau champ stratégique aussi important que l'espace militarisé : d'où une problématique nouvelle qui apparaît qui est celle de la recherche d'une sécurité culturelle au même titre que la sécurité militaire qui permettent de sauvegarder toute identité.
Ainsi, dans le contexte de mondialisation, comment l'Europe peut-elle assurer sa sécurité culturelle ? Quelle posture doit-elle adopter pour disposer de cette sécurité et quelles relations doit-elle entretenir avec le système Hollywood ? Aura-t-elle une influence sur l'hyper culture globalisante ?
Pour répondre à ces questions, nous allons tout d'abord étudier la culture en tant que fondement de l'identité européenne, d'où la nécessité de défendre la culture européenne (ou voir plus loin « l'hyperculture européenne ») dans le contexte de mondialisation (I), puis nous examinerons comment la culture française se situe face aux nouveaux enjeux et pourquoi elle peut être au centre de cette communauté culturelle (II).
[...] Le nombre d'utilisateurs d'Iinternet est de 169 millions en Europe contre 234[6] millions aux États-Unis et au Canada. De plus, le nombre de sites web européens n'atteint pas le tiers de celui des sites américains. Ensuite, les sites web les plus fréquemment visités par les Européens sont presque tous américains, les seules exceptions étant les sites de prestataires de services. Enfin, les nouvelles technologies représentent un défi culturel, en particulier linguistique. Actuellement environ du contenu sur Internet est en anglais. [...]
[...] Aura-t-elle une influence sur l'hyper culture globalisante ? Pour répondre à ces questions, nous allons tout d'abord étudier la culture en tant que fondement de l'identité européenne, d'où la nécessité de défendre la culture européenne (ou voir plus loin l'hyperculture européenne dans le contexte de mondialisation puis nous examinerons comment la culture française se situe face aux nouveaux enjeux et pourquoi elle peut être au centre de cette communauté culturelle (II). I. La culture, une dimension essentielle de l'identité européenne Il a fallu attendre près de quarante années, celles qui séparent le Traité de Rome de celui de Maastricht, pour que la culture soit considérée comme une dimension essentielle de l'identité européenne. [...]
[...] Cette nouvelle forme sera dénommée l'hyperculture européenne B. Une hyperculture européenne comme réponse à l'hégémonie du système Hollywood Pour être une grande puissance et pouvoir prétendre jouer un rôle sur la scène internationale, il faut disposer d'une puissance économique et politique, d'une puissance militaire et d'une puissance culturelle. L'Europe est une grande puissance économique, elle est en passe d'être une puissance politique et militaire (c'est un long processus mais elle y parviendra), mais elle n'est pas encore une puissance culturelle au sens ou sa culture rayonne très peu à l'étranger comparativement à la culture véhiculée par le système hollywoodien. [...]
[...] La déferlante d'une armée de fabricants et de commerçants en produits culturels venue des États-Unis d'Amérique inondant le marché européen face aux intellectuels européens totalement étrangers a u monde des affaires créée une distorsion dont l'Europe culturelle en est la victime. L'œuvre aujourd'hui ne sert plus des valeurs ; elle alimente un marché. Il y a désormais une " industrie culturelle Elle constitue même la principale force de frappe de l'économie américaine (en tant que premier poste des exportations). Si bien que la menace d'une hyperculture globalisante modelée par l'écrasante prépondérance de la culture audiovisuelle américaine pèse comme une épée de Damoclès sur l'identité européenne. Aujourd'hui c'est l'enjeu essentiel que doit relever l'Europe si elle veut assurer sa sécurité. [...]
[...] Ainsi naîtra l'hyperculture européenne ne s'érigeant non pas contre le système Hollywood, mais en concurrent sur un marché désormais planétaire, qui serait l'étendard d'une civilisation, apte à influer sur un même piédestal que le système Hollywood l'hyperculture globalisante Si l'Europe continue d'ignorer ce que les États-Unis ont si bien compris, elle mettrait en péril la place qu'elle entend tenir dans le monde. Tardif (Jean), Les rapports entre les cultures à l'ère de la mondialisation lettre novembre-décembre 2006, disponible sur . [...]
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