Modèle social européen, modèle danois, protection sociale, Stratégie Européenne pour l'Emploi, Méthode Ouverte de Coordination
« Il faut trouver le bon dosage entre l'équité et l'efficacité. Trop d'inégalités sociales créent de grands drames humains, mais trop de droits acquis pervertissent le système ». Cette phrase, prononcée par Peter Praet – ancien directeur de la banque de Belgique – lors de son accession au directoire de la Banque Centrale Européenne (BCE) en juin 2011, représente bien ce qu'entendent mettent en place les décideurs européens, c'est à dire un marché du travail libéralisé tout en sauvegardant la sécurité des travailleurs à tout moment de leur vie active. Cette alliance produisant un nouveau « modèle social européen ». Ce dernier est avant tout une marque de différenciation vis-à-vis des hypothétiques autres modèles (Etats-Unis, Royaume-Uni – qui ne serait donc plus européen…) qu'une véritable notion au contenu défini et homogène. En effet, il n'existe pas d'unicité au sein de l'Union Européenne (UE) dans cette matière qu'est le « social ». Si certains sociologues comme Esping-Andersen ont mis en évidence des catégories de système de protection sociale et de retraite (libéral, social-démocrate et conservateur), ce ne sont que des idéaux-types utiles à la compréhension mais ne pouvant contredire le fait qu'après de nouveaux élargissements (2004 et 2007) il est impossible de définir un « modèle social européen » . Dans le processus de construction européenne, la preuve en est la liberté des Etats en la matière, l'approche ne pouvant être que comparative puisqu'on ne peut parler d'intégration sociale européenne. Pour remédier à ce manque d'intégration dans la matière et afin d'accompagner le développement du marché intérieur, les Etats et les institutions européennes ont dû mettre en place une progressive coordination entre les différents systèmes. Celle-ci passe par des mécanismes créés au niveau européen cherchant à faire coordonner les Etats dans la mise en œuvre de politiques. Il en a été ainsi dans le domaine de l' « emploi » pour lequel une Stratégie Européenne pour l'Emploi (SSE) a été mise en place au Sommet de Luxembourg en novembre 1997 et est entrée en vigueur avec le Traité d'Amsterdam. A cette même époque naît ce que l'on a appelé la Stratégie de Lisbonne devant permettre de faire de l'Europe « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale » . Dans ce cadre a été créée la Méthode Ouverte de Coordination (MOC), devant servir d'instrument à cette stratégie, en mettant en place une méthode d'évaluation des Etats membres dans les matières dont n'a pas compétence l'UE.
[...] A ce titre, on peut d'ailleurs prendre l'exemple de l'Espagne qui avait fait des préceptes de la « flexicurité » danoise un véritable modèle, au point d'effilocher voire de rompre avec son système ancien permettant des interactions soutenues entre salariés/entreprises. Dans cette optique, plusieurs mesures avaient été mises en place, notamment en 2006, afin de limiter les montants et la durée alloués aux allocations chômage, ou encore de favoriser l'émergence du modèle work first devant progressivement se substituer aux fonctions de formations ou de requalifications, Catherine Vincent le résumant ainsi : « les performances du marché du travail espagnol ont été favorisées par des réformes structurelles, d'abord législatives puis contractuelles qui visaient à en accroître la flexibilité ». [...]
[...] Cet argument est fondamental en ce qui concerne l'éventuelle transformation de notre système majoritairement assis sur le travail à un système de protection universaliste (passer d'un Etat-Providence corporatiste conservateur à un régime social démocrate au sens d'Esping Andersen) De la même manière, le rapport de force entre les dirigeants et leurs salariés via les syndicats est radicalement différent dans les deux pays. Peut-on envisager d'appliquer le principe de « flexicurité » dans un pays ou les intermédiations entre le patronat et leurs salariés sont très peu importantes et fort peu consensuelles ? [...]
[...] Dans ce cadre, le modèle universel sera, ici, entendu, « comme celui où les dispositifs de protection sociale offrent à la population (presque) tout entière des prestations adéquates ». A ce titre, il est primordiale d'observer comment ce système se met en place et s'articule au Danemark, mais aussi de rendre compte des différentes réformes ayant impactés les fondements du modèle universel Ce système s'articule principalement par des règles qui ont été rassemblées sous ce vocable, la « flexicurité » Un système de protection sociale basé sur des fondements universels Si l'on se fonde sur la typologie d'Esping-Andersen des différents modèles d'Etat providence, le Danemark est un régime social-démocrate fondé sur l'universalisme et la « démarchandisation » des droits sociaux (droits maximum fortement institutionnalisés, universels et fondés sur l'impôt avec un haut niveau de protection et de redistribution). [...]
[...] Plusieurs référentiels se sont succédés concernant le marché du travail et sa meilleure organisation souhaitable. Ainsi, les années 90 ont vu un abandon de la thèse keynésienne du chômage involontaire et un retour à une conception néoclassique du chômage selon laquelle celui-ci serait dû essentiellement à un excès du coût du travail, un trop fort pouvoir des « insiders » (ceux qui ont un emploi) et au caractère désincitatif des prestations sociales. C'est le « tournant néo-libéral » analysé par Bruno Jobert et les chercheurs de son école. [...]
[...] Vers une adaptation du modèle de flexicurité ? Le modèle de « flexicurité » danois a été fortement battu en brèche depuis l'émergence de la crise en Europe, celui-ci n'ayant pas eu entièrement les effets escomptés face aux défis soulevés par la crise économique et politique. A ce titre, de nouvelles ambitions sont nées récemment dans nombre de pays européens afin de sauvegarder les principes fondamentaux de la « flexicurité », mais en y adjoignant de nouvelles mesures, censées prévenir les erreurs inhérentes au système évoqué auparavant. [...]
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