Pour évaluer les arguments en présence nous commencerons par étudier la question d'un point de vue démographique et économique; puis nous envisagerons les arguments d'ordre politique qui s'affrontent sur le sujet. Enfin nous montrerons que la question ne peut se réduire à un débat technique sur l'utilité ou l'opportunité de l'immigration en Europe mais doit prendre en compte le point de vue des pays d'origine et le problème du développement
[...] Ils ne peuvent justifier à eux seuls la réouverture des frontières européennes. S'agissant de la situation des régimes de retraite, l'argument démo- économique peut être relativisé dans la mesure où l'équilibre de ces systèmes dépend de variables démographiques, mais aussi de variables économiques (productivité) et institutionnelles (âge de la retraite, fixation des pensions et des cotisations). Surtout, l'ouverture des frontières ne doit pas être considérée comme un remède miracle aux déséquilibres des systèmes de retraite dans la mesure où le recours à l'immigration ne fait que différer les échéances sans les annuler: les immigrés qui cotiseraient pour nos systèmes de retraite accumuleraient eux- mêmes des droits à perception d'une pension qu'il faudrait honorer dans quelques décennies. [...]
[...] Les difficultés éventuelles que rencontrent ces immigrés ne sont pas liées à l'immigration clandestine, mais à une situation économique dégradée, conduisant au chômage des populations les moins qualifiés, concentrées dans certaines zones géographiques. En revanche, la multiplication des contrôles au faciès insécurise toute personne ayant l'aspect d'un immigré, les restrictions trop nombreuses conduisent à un repli sur les communautés, etc . Les arguments politiques en faveur d'une fermeture des frontières de l'Europe sont donc à la fois irréalistes (la fermeture totale est impossible) et vecteurs d'effets pervers. Ils fournissent surtout à la classe politique européenne l'occasion d'afficher une certaine fermeté. [...]
[...] Les effets négatifs et positifs sont en l'occurrence mêlés. Le départ d'une partie de la population d'âge actif d'un pays, souvent la mieux formée, peut avoir un impact négatif en créant des pénuries de main d'oeuvre ( par exemple dans l'agriculture) ou en aggravant certaines carences (manque de médecins, d'ingénieurs, etc . L'idée que les migrations permettraient de résoudre les déséquilibres démographiques mondiaux par le biais de la mobilité de la main d'oeuvre (les pays d'accueil absorbant les "excédents" des pays d'origine) et conduiraient ainsi à favoriser la prospérité économique pour tous est donc trop simple, en raison des caractéristiques des migrants (jeunes, souvent de sexe masculin et plus diplômés que la moyenne de la population). [...]
[...] Si la population européenne vieillit, l'allongement de la vie s'accompagne en effet d'une amélioration des conditions de santé à âge égal. Le seuil à partir duquel on devient "vieux" est alors relatif et doit être mis en perspective historique (cf. P. Bourdelais). Une population jeune ne garantit pas par ailleurs la prospérité économique, comme le montre le contre-exemple évident des pays sous-développés à population jeune; les analyses économiques montrent l'importance de la formation de la population d'âge actif (le capital humain). On ne peut donc confondre quantité et qualité, vieillissement démographique et déclin économique. [...]
[...] Les frontières de l'Europe ne peuvent être totalement fermées si l'Europe continue à respecter les droits de l'homme. La pression migratoire existe, même si elle n'est pas assimilable à une invasion. Face à ces constats, il semble réaliste de prôner une ouverture assumée des frontières européennes, qui permettrait de supprimer les effets pervers des politiques de fermeture et de contrôle, et qui s'inscrirait dans une politique de coopération internationale et d'aide au développement contribuant à réduire les inégalités entre les pays. [...]
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