Plusieurs voies éminentes, parmi lesquelles celles du pape Jean-Paul II et de hauts responsables des institutions européennes et nationales, se sont élevées récemment en faveur de l'inscription, dans la future Constitution de l'Union européenne, d'une référence explicite aux racines chrétiennes de l'Europe. Le débat enflammé soulevé par cette requête met en lumière les enjeux de la relation entre l'Europe et l'Eglise de Rome. Jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale, l'Eglise catholique est restée pendant de nombreux siècles essentiellement européenne, avant de s'étendre à d'autres régions du monde, sans pour autant perdre son emprise sur le vieux continent. Pour preuve son engagement appuyé dans la construction européenne naissante. Les nombreuses prises de position du pape Pie XII (1939- 1958) en faveur d'un projet d'intégration du continent peuvent intriguer, au vu de la règle de réserve que s'est fixée le Vatican : par l'article 24 du Traité de Latran, l'Eglise catholique affirme en effet sa volonté de rester extérieure aux « rivalités temporelles ». Si l'on y ajoute les initiatives de nombreux dirigeants de partis catholiques dans le but affiché de participer à la construction européenne, la question se pose : L'Eglise catholique a-t-elle outrepassé sa fonction spirituelle pour influer sur le processus politique de la construction européenne aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale ? C'est ce qu'ont affirmé les partisans de la thèse d'une « Europe vaticane », désignant par là un possible complot ourdi par le Saint-Siège pour imposer un modèle européen semblable à un nouveau Saint-Empire, avec la complicité des partis démocrates-chrétiens au pouvoir. Pour établir la plausibilité de ce « complot », il convient donc de se poser la question suivante : Quelle est l'étendue de l'influence catholique dans les débuts de la construction européenne, dans la période qui s'étend de la fin du deuxième conflit mondial à la signature du Traité de Rome ?
L'influence de la position chrétienne (nécessité d'une paix durable et des efforts de réconciliation) sur le projet européen naissant, ne serait-ce qu'au travers des hommes chrétiens qui en furent les initiateurs, est un fait établi, de même que l'enthousiasme qu'il suscite auprès du Saint-Siège. Cependant, il convient de revoir à la baisse l'influence que l'on a prêtée au Vatican dans le processus de négociation des différents accords qui ont vu le jour durant les années 50.
[...] Si l'enthousiasme du Vatican a pu faire penser à une collaboration plus poussée avec la démocratie chrétienne dans un but stratégique, la thèse d'une Europe vaticane n'est pas prouvée par des faits flagrants. Il faut d'ailleurs noter que la ferveur européenne d'un Adenauer tend à s'émousser à partir de 1955, une fois l'Allemagne fédérale rétablie dans ses droits de pleine souveraineté extérieure et intérieure : les intérêts nationaux semblent dominer une supposée inféodation au Vatican. Cependant, l'influence de l'Eglise dans le processus européen ne saurait être minimisée : à tout le moins, les initiatives du Vatican ont contribué à créer un climat de dialogue favorable à l'émergence de valeurs qui n'avaient jusque là pas leur place en politique, telles que la charité ou la fraternité. [...]
[...] Un nouvel Office catholique d'information pour les problèmes européens (O.C.I.P.E) est créé, et semble promis à un plus bel avenir que le Secrétariat qu'il remplace. L'Osservatore Romano du 27 mars 57 présente la signature des accords comme l'un des faits les plus significatifs de l'histoire de Rome. Pie XII n'hésite alors plus à s'engager publiquement pour la défense de la liberté de l'Europe encore libre, et pour la libéralisation de la partie de l'Europe qui l'a perdue initiant ainsi le thème que la papauté n'abandonnera pas après la mort de Pie XII : l'ouverture du dialogue avec la chrétienté de l'Est Un enthousiasme papal trop débordant ? [...]
[...] A partir de la création du Conseil de l'Europe à l'été 1949, le Vatican multiplie les initiatives pour sensibiliser les catholiques à la cause de l'union européenne. La hiérarchie suit : on peut ainsi noter la Déclaration sur la paix de l'Assemblée des cardinaux et archevêques en France le 14 juin 1950, en faveur de l'idée européenne. La création d'un Secrétariat catholique pour les problèmes européens (S.C.P.E) vient confirmer la volonté de la diplomatie vaticane de tenir un rôle de premier plan dans l'idée naissante d'une intégration européenne. [...]
[...] Nous suivons ici l'analyse faite par Philippe Chenaux sur le sujet (cf. Biblio.). Jusqu'en 1949, l'idée européenne séduit les autorités ecclésiales et se forge parfois au sein même des cercles de réflexion catholiques. Mais la position du Vatican n'est pas uniforme et enthousiaste comme elle a pu l'être par la suite. L'ambiguïté dont il a fait preuve durant cette période invalide pour nous la possibilité d'un complot orchestré du sommet de la hiérarchie romaine. De multiples initiatives, éparses et peu coordonnées, témoignent cependant d'une forte sensibilité européenne dans les milieux catholiques. [...]
[...] C'est ce qu'ont affirmé les partisans de la thèse d'une Europe vaticane désignant par là un possible complot ourdi par le Saint-Siège pour imposer un modèle européen semblable à un nouveau Saint-Empire, avec la complicité des partis démocrates-chrétiens au pouvoir. Pour établir la plausibilité de ce complot il convient donc de se poser la question suivante : Quelle est l'étendue de l'influence catholique dans les débuts de la construction européenne, dans la période qui s'étend de la fin du deuxième conflit mondial à la signature du Traité de Rome ? [...]
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