« Aspirée par le vide. » Telle serait, d'après Nicolas Baverez, la situation de l'Europe aujourd'hui. Le « vieux continent » ferait, de nos jours, face à une rupture majeure se caractérisant par l'achèvement de quatre cycles différents. Et l'auteur de La France qui tombe d'ajouter que ceux-ci seraient, à la fois, le cycle historique de la colonisation européenne, le cycle idéologique né de l'affrontement entre capitalisme libéral et totalitarisme communiste, le cycle géostratégique issu de la Guerre Froide ainsi que le cycle économique et social de la régulation keynésienne. Ce vide dans lequel s'enfoncerait l'Europe serait polymorphe. En effet au vide économique, que la croissance molle, le chômage de masse et le déficit de réformes pourtant nécessaires mais éternellement repoussées, se cumuleraient les vides scientifique, avec la fuite des cerveaux aux Etats-Unis d'Amérique, institutionnel, du fait du système européen à de nombreux égards inefficace, opaque et illégitime, et le vide stratégique.
Force est de constater que l'Europe vit une période trouble et ne profite guère, à l'exception notable notamment du Royaume-Uni, de la croissance mondiale pourtant si dynamique depuis quelques années déjà. Dans ce contexte difficile, l'Europe s'avère-t-elle être une terre ouverte ? Ce qui la caractérise, est-ce l'ouverture généralisée ou plutôt le cloisonnement et le repli que la fermeture protectionniste, que d'aucuns considèrent comme la panacée, suppose ?
Si l'Europe constitue, aujourd'hui, un ensemble ouvert (I), il convient, néanmoins, de souligner que cette ouverture est, à bien des égards, lacunaire (II).
[...] N'est-ce pas la transposition au plan communautaire de la préférence nationale tant vantée par l'extrême droite ? La tentation du repli parait, en Europe, grande. L'ouverture de l'Europe est, donc, relative. Elle parait, tout d'abord, essentiellement interne : elle concerne principalement les Etats et ressortissants européens. Concernant les questions institutionnelles et de citoyenneté, l'Europe est bien une terre ouverte. Même s'il faut se garder des généralisations hâtives et excessives, s'agissant de sujets tels que la politique migratoire ou l'économie, il semble qu'il faille nuancer cette ouverture européenne. Pis, l'on peut remarquer une tendance grandissante au repli. [...]
[...] Telle est la vision de l'Europe dans La puissance et la faiblesse, l'ouvrage de Kagan. Cette fermeture relative et progressive serait la rationalisation de l'impuissance du vieux continent. Cette tendance au recroquevillement s'observe, également, dans le domaine économique. Economiquement, plusieurs éléments conduisent à cette conclusion. Certains de ses éléments sont structurels. Les politiques sectorielles mises en place au niveau communautaire témoignent d'un souci permanent, de la part des Européens, de se mettre à l'abri de la confrontation internationale. Ainsi, la politique agricole commune, entérinée en 1962, et la politique commune concernant la pêche constituent des obstacles au libre- échange. [...]
[...] Cet effacement des frontières internes de l'Europe s'est concrétisé à la suite de nombreux traités de droit communautaire tels ceux de la CECA (communauté européenne du charbon et de l'acier) et de l'EURATOM (énergie atomique), que le Traité de Rome (1957) instituant la CEE (communauté économique européenne) ainsi que ceux qui suivirent. Conformément à la théorie du doux commerce dont le mot d'ordre est trade, not invade ! l'Europe s'est pacifiée grâce au développement du commerce. La libre circulation non seulement des biens et services mais aussi des personnes a conduit à apaiser l'Europe. [...]
[...] Les deux logiques à l'œuvre au sein de l'Union sont la logique de l'intégration, menant à une Europe supranationale, ainsi que celle de la coopération, menant à une Europe confédérale où les Etats jouent un rôle de premier plan. Ce processus dynamique et imprévisible s'apparente, d'après Jean- Louis Quermonne, à un fédéralisme intergouvernemental L'Union européenne constitue un système institutionnel sui generis. Si l'Europe se trouve être une terre ouverte, cette ouverture est lacunaire et d'une ampleur relativement limitée. Cette tendance au cloisonnement est non seulement d'ordre migratoire, politique ou militaire mais aussi économique. [...]
[...] En 2005, dix nouveaux entrants, dont Chypre, la République Tchèque, la République slovaque, la Slovénie ou la Pologne, se sont installés au sein de cette construction inédite, des points de vue historique, politique ou institutionnel, que représente l'Union européenne. L' Europe kidnappée à la fin de la deuxième Guerre mondiale par l'impérialisme communiste, selon l'expression de Milan Kundera, a pu s'intégrer à l'Europe occidentale. Ne s'agit-il pas, en l'espèce, d'une terre ouverte ? Economique, cette ouverture présente, également, des atours plus institutionnels et politiques. [...]
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