Les États, la religion et la laïcité dans l’Europe d’aujourd’hui

Résumé du document

Les caricatures de Mahommet, publiées dans l'un des principaux journaux danois Jyllands- Posten, le 30 septembre 2005 ont donné naissance à une crise internationale de grande ampleur. En effet, ces caricatures qui ont ensuite été reprises par de nombreux journaux à travers le monde ont créé l'indignation des communautés musulmanes qui ont réagi plus ou moins violemment à ce qu'elles considéraient comme une véritable offense.

Plus récemment, la controverse concernant le port de la burqa, c'est-à-dire le voile intégral pour les femmes, dans les lieux publics a enflammé la France. Ainsi, on le voit, la religion est très régulièrement au centre du débat des pays européens, et met en exergue le fait que les communautés religieuses savent se faire entendre sur la scène publique. Nous envisagerons ici l'Europe comme un continent s'étendant du Portugal à l'Ouest, à la Russie à l'Est (même si le territoire russe fait également partie de l'Asie). Au Sud, la mer Méditerranée et le détroit de Gibraltar séparent l'Europe de l'Afrique.

Pour revenir sur les termes du sujet, en tout premier lieu l'Etat est une forme d'organisation juridique et politique de la société, cette dernière devenant alors une communauté de citoyens ou de sujets. L'Etat est traditionnellement défini comme étant composé d'un territoire, d'une population et d'un gouvernement.

Concernant la laïcité, pour Bernard STASI, homme politique français, elle « suppose l'indépendance du pouvoir politique ainsi que des différentes options spirituelles ou religieuses. Celles-ci n'ont pas d'emprise sur l'Etat et ce dernier n'en a pas sur elles ». En d'autres termes, la laïcité suppose la séparation entre l'Etat, c'est-à-dire le politique, et la religion. Nous nous interrogeons donc dans ce devoir sur les liens qui unissent les États européens avec la religion.

Toutefois, Francis Messner, spécialiste du droit des religions au Centre de recherche "Politique, religion, institutions et société: mutations européennes" nous précise que le droit européen n'ignore pas le fait religieux, mais n'a pas de compétences en la matière. Les statuts juridiques des cultes relèvent des droits nationaux. On va donc étudier les religions au sein de l'Europe, tout en dissociant les différents pays qui composent cet ensemble géographique.

L'Europe semble vivre sur une base chrétienne, même si ces racines ne font pas l'unanimité. La religion dominante est le christianisme, lui-même divisé en trois grandes confessions : le protestantisme, l'orthodoxie et le catholicisme. Pour situer ces religions géographiquement, l'Europe du Nord est à tendance protestante (Royaume-Uni, Scandinavie, Pays-Bas, All. du Nord), l'Europe de l'Est est à tendance orthodoxe (Grèce, Russie, Ukraine, Roumanie, Serbie, Arménie) et, finalement, l'Europe du Sud, de l'ouest et du centre ainsi que la Pologne sont majoritairement catholiques.

Aujourd'hui, l'Europe est globalement laïque, c'est-à-dire que, formellement, les sphères religieuse et politique sont indépendantes l'une de l'autre. Toutefois, les acceptations du terme « laïcité » sont diverses et les États européens ont des rapports différents à la religion, entre religion d'État et sécularisation.

Extraits

[...] Le système éducatif s'est finalement formé sur le compromis d'une éducation à la segmentation limitée où l'école publique demeure majoritaire. Ce refus de la segmentation du système éducatif rencontre différentes versions. Parallèlement à la version laïque en France, on observe des versions laïco- religieuses en Italie, en Grèce ou au Danemark et religieuse en Irlande. Les versions laïco-religieuses mêlent deux conceptions de la société. La conception sécularisée qui s'impose dans tous les Etats européens et la conception de la religion dominante avec laquelle s'est construit l'Etat et qui participe à la définition d'une hypothétique identité nationale. [...]

[...] Les approches contemporaines des sociologues de la religion préfèrent observer les appartenances que les individus revendiquent dans une perspective pluraliste. A. Capelle-Pogacean, P. Michel et E. Pace montrent ainsi dans Religion et identité en Europe, L'épreuve du pluriel, que des Français se disent membres d'une religion alors que croient en une existence de Dieu certaines ou probable et se disent sans religion Ces résultats peuvent sembler contradictoires au vu de la religion catholique qui s'appuie sur un dogme clairement défini mais ils témoignent en fait de l'état des croyances contemporaines. [...]

[...] Les Etats européens, interactions entre sphères religieuse et politique L'Europe semble avoir une tradition commune chrétienne. Pour René Rémond, le christianisme a bel et bien façonné le continent européen Il s'interroge donc : plutôt que de nier l'évidence, ne serait-il pas préférable de l'admettre, en rappelant, outre ce que le christianisme a apporté à l'Europe, les erreurs qu'il a pu commettre ? Toutefois, cette idée de racines chrétiennes fait débat, en témoigne la rédaction de la Constitution avortée de Valéry Giscard d'Estaing, où les politiciens débâtaient pour savoir s'il fallait faire une référence à la chrétienté dans le préambule de la Constitution. [...]

[...] En Espagne, notamment, la Constitution de 1978 marque la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Toutefois, l'enseignement y est catholique et c'est l'Etat qui le finance, de même qu'il subvient aux besoins de l'Eglise catholique. Trois autres cultes sont reconnus, le judaïsme, l'islam et le protestantisme. Si l'Eglise catholique est donc très prégnante dans la société espagnole, ses rapports avec l'Etat se sont récemment compliqués, en raison notamment du gouvernement Zapatero qui, entre autres, en 2005, a supprimé l'enseignement religieux obligatoire au baccalauréat et a envisagé la légalisation du mariage homosexuel. [...]

[...] Au contraire, la majorité des Etats européens tentent de reconnaître aux religions leur juste place dans la société. Ainsi, le débat français porté par Régis Debray sur l'introduction d'un enseignement sur les religions à l'école s'inscrit dans la perspective d'une laïcité européenne. Les réadaptations du rapport entre Etat et religions A travers l'éducation, on a vu que les Etats tentent de s'imposer en Europe comme des organes régulateurs du religieux. Le temps de l'affrontement explicite entre Eglise et Etat semble dépassé dès lors que les Etats nations sont fortement constitués et ce sur une base laïque. [...]