Toute élection se joue sur des thèmes spécifiques, des problèmes particuliers qui peuvent se transformer en enjeux. Butler et Stokes ont expliqué que pour qu'un problème social devienne un enjeu, il est nécessaire que les électeurs aient un avis tranché déterminé sur la question et il faut également qu'ils perçoivent des différences nettes entre les candidats quant à leur position sur ce problème. Ainsi, on comprend que, si ces conditions sont réunies, un vote peut être déterminé par un enjeu spécifique à l'élection concernée : ce phénomène a été étudié par les chercheurs Nie, Verba et Petrovick qui l'ont dénommé « le vote sur enjeu » ou encore le « issue voting ». Le vote sur enjeu s'est développé au cours des dernières décennies dans la mesure où on assiste à une progressive individualisation et politisation de l'électorat qui est plus informé et donc à même de prendre plus facilement en compte des enjeux politiques transpartisans.
Le développement de ce vote sur enjeu nous amène à nous demander s'il a existé, s'il a joué un rôle dans les dernières élections importantes c'est-à-dire les élections parlementaires européennes qui ont eu lieu du 4 au 7 juin 2009 ; on peut s'interroger sur l'existence d'un enjeu proprement européen qui aurait guidé le vote des électeurs : aux élections européennes de 2009, peut-on parler d'un vote sur l'enjeu européen ?
[...] Il s'agit donc de déterminer si ces conditions sont remplies. B. qui ne parvient pas à s'affirmer comme enjeu politique réel Nous avons donc vu qu'il existait une logique sociale de refus de l'Europe mais pour que la question européenne se transforme en réel enjeu politique, il est nécessaire de prouver l'existence d'une logique politique du refus de l'Europe. En guise de remarque préliminaire, on rappellera que le traité de Maastricht devait donner une connotation nettement politique à la construction européenne or le référendum de 1992 en France a montré l'existence d'une importante opposition quant à cette nouvelle dimension politique de non), ce qui nous amène vraiment à nous poser la question de l'intégration européenne en tant qu'enjeu politique à proprement parler. [...]
[...] Par ailleurs, les deux chercheurs ont constaté que l'attitude européenne est fortement structurée par la proximité partisane selon une logique d'opposition aux extrêmes : l'hostilité à l'égard de l'Europe est concentrée aux extrêmes surtout à droite pour le Front National de Le Pen et le Mouvement Pour la France de Philippe de Villiers et de façon un peu moins marquée pour le Parti Communiste Français et le Mouvement Des Citoyens de Chevènement, alors que les partis plus modérés sont de façon générale moins hostiles à l'intégration européenne (bien que l'on constate que les partis les plus européens comme les Verts et l'UDF ont un taux conséquent de partisans hostiles à l'Europe De ce fait, la question de l'Europe ne semble pas être en concordance avec les clivages politiques traditionnels puisque l'hostilité envers l'Europe caractérise aussi bien l'extrême gauche que l'extrême droite et que les partis les plus européens contiennent une part non négligeable de partisans hostiles à l'Europe. Ainsi, d'après Cautrès et Denni, l'attitude européenne n'est pas un enjeu proprement politique en 1997 puisqu'elle se détache du cadre politique traditionnel. Ces résultats se retrouvent également en 2002 lors des élections présidentielles françaises, ce qui a été mis en évidence par les travaux de Céline Bélot et Bruno Cautrès. [...]
[...] En réalité, si le taux de participation atteint 90,4% et 90,7% en Belgique et au Luxembourg, cela ne vient que du caractère obligatoire du vote dans ces deux pays ; quant à l'Italie, le taux d'abstention y est faible car l'importance du vote y est très ancrée bien qu'il ne soit pas obligatoire, de même pour le Danemark où cette tradition existe également et où la participation aux élections européennes a aussi été favorisée par le fait que le même jour avait lieu un référendum sur l'ordre de succession au trône, par ailleurs on remarque une participation en hausse en Estonie, ce qui vient du fait que le vote par internet venait d'être mis en place et donc a favorisé la participation aux élections. En revanche, le taux d'abstention reste élevé en Grèce qui souffrait de problèmes politiques importants au moment des élections et au Royaume-Uni où les électeurs n'ont jamais vraiment compris les enjeux européens ni ressenti d'identité européenne. [...]
[...] Des résultats ne témoignant pas d'un enjeu proprement européen Les résultats des élections européennes de 2009 ne vont pas dans le sens du triomphe d'un véritable enjeu européen. Certes ces élections ont abouti à une incontestable domination de la droite : la gauche n'a obtenu que 29,2% de tous les suffrages exprimés au niveau de l' Union, ce qui constitue son plus faible résultat depuis les premières élections du Parlement Européen en 1979 et montre un net recul par rapport à 2004 où elle avait obtenu 33,3%. [...]
[...] De ce fait le ressenti de la dégradation de l'environnement socio-économique par les électeurs les a poussés à utiliser les élections européennes comme un moyen de sanctionner les gouvernements : le succès de la droite cache l'existence d'un vote de sanction qui a fait que les partis de droite ont vu reculer leurs scores dans 8 pays sur 14 et ont été les plus sanctionnés dans les gouvernements de coalition gauche/droite. Ainsi, l'existence d'un important vote de sanction au cours des élections européennes de 2009 montre que ces élections ne se sont pas jouées sur un enjeu européen à proprement parler. [...]
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