« Les Roms, citoyens européens, devenus expulsables » titrait Le Monde de mai 2008. Cet article montre toute l'ambiguïté qui réside dans la notion de citoyenneté européenne et dans les droits politiques et sociaux qui y sont associés. L'article 17 du Traité instituant la Communauté européenne donne la définition légale de la citoyenneté européenne : « il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas ». Toute personne ayant la nationalité d'un État membre de l'Union européenne est par conséquent citoyen de l'Union. D'une manière générale, la citoyenneté européenne s'appuie sur le concept abstrait de citoyen. Le citoyen se définit juridiquement comme étant le membre d'un Etat, du point de vue de ses droits et de ses devoirs. Depuis l'Antiquité, d'abord avec la République puis l'empire romain, la citoyenneté constitue un lien politique et juridique, exprimant la solidarité entre membres d'un même Etat. Ceux-ci s'inscrivent ainsi dans la perspective d'une communauté de destin politique puisqu'ils sont appelés à partager les mêmes droits et à exercer les mêmes devoirs. Dans la tradition politique occidentale, la citoyenneté vise en effet à la fois à limiter l'autorité publique et à définir le mode par lequel le ressortissant d'une communauté politique participe à l'élaboration de la loi. Elle est étroitement liée à une exigence de représentation démocratique. Ainsi, l'on comprend comment, dans les temps modernes, lors de l'édification de confédérations ou de fédérations comme les Etats-Unis ou la Suisse, la définition et l'institutionnalisation d'une citoyenneté commune furent des actes fondateurs primordiaux et essentiels ; ferments d'une unité politique à venir. Dès lors, en ce début de XXIème siècle marqué par le défi de la construction européenne et par les difficultés que rencontrent les Européens à effectuer la synthèse de leurs valeurs et de leurs aspirations et à les cristalliser en un projet politique commun, il apparaît nécessaire de s'interroger sur la notion de citoyenneté européenne, véritable « problématique [institutionnelle], politique et philosophique » pour une société post-nationale. Si la notion de citoyenneté européenne n'apparaît pour la première fois qu'en 1992 dans le Traité de Maastricht, il ne s'agit pourtant pas d'une idée nouvelle. Sans en avoir encore véritablement le nom, le citoyen européen fait son apparition dès 1979, lorsqu'il élit pour la première fois le Parlement Européen. Jusque là il n'avait encore qu'un statut économique, mais la possibilité introduite en 1976 d'élire le Parlement Européen permet d'opérer un glissement du sujet économique au sujet politique. Mais comment est née cette idée de l'inscrire dans un traité communautaire ? On trouve la première interrogation véritable concernant la citoyenneté européenne dans le rapport Tindemans sur l'Union Européenne, transmis au Conseil européen le 29 décembre 1975. Léo Tindemans, homme politique démocrate-chrétien Belge, écrit un rapport en 75 où il traite de l'avenir politique de l'Union. Avant-gardiste, il affirme la nécessité de rapprocher l'Union du citoyen par l'établissement de droits communs et réciproques à l'échelle européenne. Il visait à ce que « l'Union Européenne soit ressentie dans la vie quotidienne » et à ce que les politiques communes soient autant de réponses aux aspirations des citoyens. L'accroissement de la proximité de l'UE engendrerait d'après lui le processus de création d'une véritable identité européenne et une adhésion aux progrès de l'Europe. Mais le rapport Tindemans, peut être trop avant-gardiste et remis au Conseil dans un contexte de crise économique et politique en Europe ne refit surface jusqu'au sommet de Fontainebleau. Dès 1984, le Conseil européen de Fontainebleau charge un comité ad hoc « Europe des Citoyens », dit Comité Adonnino de faire des suggestions pour l'amélioration du fonctionnement de la coopération européenne, et notamment sur cette question de la citoyenneté. Ce travail aboutit à deux rapports, parus en 1985 et qui proposent l'approfondissement et l'introduction de nouveaux droits du citoyen européen. Le Conseil européen de Milan des 28 et 29 juin 1985 approuve ensuite les propositions contenues dans le deuxième rapport, dont celles relatives à l'adoption du drapeau et de l'hymne de la Communauté européenne. Toutefois, jusqu'au début des années 90, on parle d'une « Europe des citoyens » (A people's Europe) qui recherche la proximité, et par ce biais, la création d'une identité. Mais cette « Europe du quotidien » reste floue et dépourvue de substance juridique et politique puisqu'elle n'est inscrite dans aucun traité. S'impose dès lors la nécessité de subsumer les différentes discussions sur les droits des européens « sous l'enseigne d'un status civitatis commun » (Magnette). C'est dans les années 90-91, à la veille du Traité de Maastricht, que dans un contexte de refondation du projet politique européen, la citoyenneté européenne est vue sous un autre angle, notamment par la création de la CIG en 1990. Le gouvernement Espagnol, dans un mémorandum de 1990 intitulé Vers une citoyenneté européenne la reconnaît comme étant l'outil servant à combler le déficit démocratique alors que François Mitterrand et Helmut Kohl dans une lettre adressée à la présidence le 10 décembre 1990, la définissent comme étant la base de la légitimité démocratique européenne. Ainsi, et malgré les réticences d'un certain nombre de pays qui y voient une résonance trop forte, la notion de citoyenneté de l'Union voit enfin le jour le 7 février 1992, date de la signature du traité de Maastricht. Le Traité de Maastricht élève alors la citoyenneté européenne au statut de « pilier de l'union politique ». L'Article 8 lui est consacré. Composé de cinq points, il reprend les principes d'attribution de la citoyenneté et les droits politiques, économiques et sociaux des citoyens. Ce sont aujourd'hui les articles 17 à 22 du Traité instituant la Communauté Européenne (TCE) qui font la synthèse de ces droits déclinables en trois catégories. Le Traité sur l'Union européenne reconnaît aux citoyens européens un certain nombre de droits. Certains sont nouveaux, d'autres ne font que réaffirmer des droits déjà consacrés. Au nombre des premiers, on compte les droits politiques qui seront complétés par les droits sociaux et économiques pour finalement aboutir au sommet de Nice en décembre 2000 où a été approuvé la Charte des Droits fondamentaux qui confirme les droits et libertés traditionnellement reconnus en Europe (notamment par la Convention européenne des droits de l'Homme de 1950) tout en les modernisant. Néanmoins, la citoyenneté ne se présente que comme un élément d'un processus d'intégration qui de fonctionnel ne parvient que difficilement à se transformer en processus politique et répond avant tout à la volonté de jalonner ce processus de symboles qui favorisent la dynamique d'intégration. En créant une citoyenneté européenne les chefs d'Etat et de gouvernement ont néanmoins mobilisé un symbole particulièrement fort qui consacre l'institutionnalisation d'une appartenance politique supranationale inédite et dont la portée dépasse le contenu formel de sa définition dans le traité de Maastricht. En "restituant" une place au citoyen au sein du dispositif communautaire, la création d'une citoyenneté européenne a de la sorte attirée l'attention sur les limites du processus d'intégration passive adopté jusqu'alors. Elle a reposé avec plus d'insistance la question du projet politique européen, que l'on peut illustrer par le titre du tableau de Paul Gauguin : "D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous".
Il convient alors de se demander tous à quels objectifs répond l'institution de la citoyenneté européenne ? Constituent-ils un réel levier dans l'avancée de la construction européenne ? Sont-ils associés à ces interrogations les enjeux représentés par la construction d'un véritable « espace public européen », la mise en œuvre d'une meilleure gouvernance de l'UE et le dépassement de l'identité nationale et du cadre de l'État- nation ? Si la citoyenneté européenne répond par différents droits à des objectifs clairement indiqués (I), Le problème de la multiappartenance et de la multiallégeance à différents espaces politiques (local, régional, national et communautaire) le relatif manque d'intérêt et de participation des citoyens pour la seule élection politique européenne à laquelle les citoyens européens peuvent directement participer crée des difficultés pour organiser la délibération des citoyens européens. Cependant ces difficultés n'effacent pas le besoin de doter l'Union d'une volonté collective qui, au-delà de la citoyenneté en Europe, passe par un renforcement de la dimension participative de la citoyenneté européenne (II).
[...] Néanmoins, des limites subsistent dans cette nouvelle citoyenneté active et de ce fait, au final, la citoyenneté européenne comporterait toujours des éléments d'une dimension passive, mais qui seraient associés à la volonté collective. [...]
[...] C'est l'envie de faire naître une nation européenne. Dès lors qu'il y a une citoyenneté européenne, on peut espérer un éveil de la conscience européenne. En créant des droits, des symboles, on cherche à rapprocher les citoyens de l'Union et à créer un sentiment d'appartenance à un socle de valeurs communes. Mais la citoyenneté européenne découlant de la nationalité d'un Etat membre, il semble difficile qu'elle accouche d'un sentiment européen. En effet puisqu'on ne peut pas avoir juste la citoyenneté européenne, alors comment peut-on se sentir juste européen ? [...]
[...] Ce travail aboutit à deux rapports, parus en 1985 et qui proposent l'approfondissement et l'introduction de nouveaux droits du citoyen européen. Le Conseil européen de Milan des 28 et 29 juin 1985 approuve ensuite les propositions contenues dans le deuxième rapport, dont celles relatives à l'adoption du drapeau et de l'hymne de la Communauté européenne. Toutefois, jusqu'au début des années 90, on parle d'une Europe des citoyens people's Europe) qui recherchent la proximité, et par ce biais, la création d'une identité. [...]
[...] Finalement, la citoyenneté européenne rapproche certes le citoyen de l'Union européenne, mais seulement de son organe le plus faible, le Parlement européen. De plus, cela peut paraître assez paradoxal de chercher à rapprocher l'individu de ses institutions par une citoyenneté créée par le haut, institutionnellement, et non sur la base de revendications directes des citoyens. Mais même si les résultats de l'instauration de cette citoyenneté européenne semblent pour l'instant limités, c'est déjà un énorme saut qualitatif que de l'évoquer dans un traité, et on peut espérer que ce soit le premier pas vers un véritable espace politique européen, dans lequel le citoyen européen trouverait enfin sa place. [...]
[...] Son champ d'application concerne le droit de l'Union européenne et les mesures nationales de mise en œuvre de ce droit. Sa portée juridique est strictement encadrée, les droits, les libertés et les principes de la Charte étant interprétés conformément aux dispositions générales de son titre VII et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions (art TUE). Malgré ces précisions, un protocole spécifique annexé au traité énonce que Lorqu'une disposition de la Charte fait référence aux pratiques et aux droits nationaux, elle ne s'applique à la Pologne ou au Royaume-Uni que dans la mesure où les droits et principes qu'elle contient sont reconnus dans le droit ou les pratiques de ces deux Etats. [...]
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