Directive, européenne, offres, publiques, acquisition
Longtemps attendue, la directive n°2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition avait pour ambition de constituer « l'un des principaux piliers de la réforme économique renforçant la compétitivité des entreprises européennes »1.
Initiée dès 1989, avec une première proposition émanant de la Commission, l'idée d'une harmonisation entre les Etats membres du régime juridique des offres publiques d'acquisition (OPA)
par voie de directive avait d'abord été bien accueillie. Acte adopté par les institutions européennes liant les Etats membres destinataires quant au résultat à atteindre, tout en leur laissant le choix des moyens et de la forme, la directive est apparue comme un instrument juridique privilégié dans un contexte où l'harmonisation communautaire –au moins minimale– s'imposait d'autant plus que les disparités nationales de réglementation s'avéraient considérables. Alors que les OPA se multipliaient
en Europe et dans le monde, il s'agissait, comme l'indiquaient les premiers considérants du texte de 1989, de soutenir ce « phénomène positif qui provoque une sélection, par le marché, des entreprises
les plus compétitives et une restructuration indispensable pour faire face à la concurrence internationale »2. Ces opérations devaient ainsi jouer un rôle central dans le rapprochement entre les entreprises des divers pays membres, avec pour objectif de créer de véritables « champions » européens, à même d'affronter leurs homologues américains ou japonais. Pourtant, à cette proposition initiale ambitieuse du 19 janvier 1989, modifiée le 10 septembre 1990, a été substitué le 7 février 1996
un nouveau projet, lui même rejeté par le Parlement européen le 4 juillet 2001, avant que le dossier ne soit relancé sous les auspices d'un groupe d'experts de haut niveau en droit des sociétés, présidé par Jaap Winter… !
L'histoire législative de ce texte, finalement adopté au terme de quatorze années de négociation, en souligne la nature paradoxale : à chaque nouveau projet, la défiance croissante envers une
réglementation communautaire des offres publiques se trouvait contrebalancée par le besoin d'aplanir la disparité des règles nationales. La mise en place d'un cadre juridique harmonisé pour le
déroulement des OPA apparaissait tout aussi nécessaire qu'impossible.
Nécessaire d'abord, car entre les pays membres de l'Union européenne, les actionnaires minoritaires connaissaient des différences de traitement notables, tandis que la panoplie des mesures de défense disponibles à l'encontre d'une OPA hostile pouvait varier du tout au tout. A titre d'exemple, la prise de contrôle de Gucci par le Groupe PPR via l'acquisition de 42% de Gucci, société de droit néerlandais, sans que les actionnaires minoritaires aient eu le droit de bénéficier d'une
protection légale quelconque par le biais d'un rachat de leurs titres ou de tout autre procédé équivalent3, a beaucoup étonné en France. En droit français, les actionnaires minoritaires auraient au contraire bénéficié d'une pleine protection, car le Groupe PPR aurait été tenu de lancer une offre publique sur la totalité du capital de Gucci, tandis que cette dernière n'aurait pas été en mesure de procéder à une augmentation préférentielle de capital dans les conditions où elle fut décidée.
Impossible ensuite car, précisément, aussi choquantes fussent-elles du fait des inégalités qu'elles créent, ces différences de contenu des droits internes sur des aspects tels que l'offre obligatoire (ex. Pays-Bas), les mesures de défense anti-OPA (ex. Allemagne), l'offre publique de retrait (ex. Finlande)ou les recours des actionnaires minoritaires (ex. Luxembourg)4, reflétaient des approches fondamentalement divergentes entres différentes communautés nationales dans un secteur aussi sensible politiquement que le droit des sociétés. En ce sens, bien qu'elle fut basée sur le même
fondement juridique5 que les projets précédents, la dernière proposition de la Commission, base du
texte adopté en 2004, a été présentée comme une directive autonome et propre à la matière boursière.
La directive OPA n'est donc pas formellement incluse dans les directives d'harmonisation du droit des
sociétés, « ce qu'il est d'ailleurs permis de regretter compte tenu de l'étroite imbrication des deux
domaines »6.
Compromis entre des exigences contraires, la directive n°2004/25/CE constitue ainsi la base d'un
système de régulation économique et financière complexe, soulevant deux problèmes fondamentaux.
Sur le plan économique, l'articulation entre des dispositions de droit boursier et de droit des sociétés
opérée par la directive pose le problème de l'équilibre entre dirigeants et actionnaires, oscillant entre,
d'une part, des règles de déroulement des offres favorables aux actionnaires (notamment minoritaires)
et, d'autre part, un encadrement plus ou moins strict des mesures de défense anti-OPA favorables aux dirigeants. Sur le plan politique, le chevauchement de normes de droit communautaire et de dispositions nationales au coeur de la directive pose le problème de l'équilibre entre harmonisation européenne et réglementation nationale, oscillant entre, d'une part, un droit communautaire nécessaire à l'efficacité des OPA transfrontières et, d'autre part, des droits nationaux reflétant différentes conceptions du droit des sociétés et des intérêts qu'il vise à protéger.
[...] En effet, quelle est l'autorité compétente pour contrôler le déroulement de l'offre lorsque l'opération présente des éléments de rattachement à plusieurs pays ? De même, quel est le droit applicable à cette opération ? Conscient que la détermination de l'autorité compétente et la fixation du droit applicable sont nécessaires pour assurer le succès d'une offre publique internationale, le législateur communautaire traite de cette question à l'article au libellé très général. Aux termes de l'article chaque Etat Membre se doit de désigner une ou plusieurs autorités nationales veillant au respect des dispositions de la directive et contrôlant tous les aspects d'une offre publique.34 La détermination de la nature juridique de ces entités est néanmoins laissée à la libre appréciation des Etats. [...]
[...] De ce fait, les détenteurs de titres de la société visée qui appartiennent à la même catégorie doivent bénéficier d'un traitement équivalent et, si une personne acquiert le contrôle d'une société, les autres détenteurs de titres doivent être protégés en vertu de l'article a. Ils doivent Directive OPA, art. 1-1. Directive OPA, art. b D. CARREAU, H. [...]
[...] Carreau et Letréguilly, les OPA ne devraientelles pas être réservées aux sociétés elles mêmes opéables ? Cette question revêt une acuité particulière en cas d'OPA hostiles ou inamicales émanant d'initiateurs à statut particulier et protégé13, avec tous les aspects discriminatoires qu'impliquent de telles opérations. Si cet aspect n'est pas réglé par la directive OPA, celle-ci a toutefois permis une avancée dans le sens d'un plus grand équilibre dans le traitement de l'attaque et de la défense en établissant une définition communautaire de l'action de concert14. [...]
[...] La protection impérative des actionnaires minoritaires (Article Au-delà de la protection qui leur est garantie au titre des principes généraux, les actionnaires dans leur ensemble, et les actionnaires minoritaires en particulier bénéficient d'une série de droits dérivés du principe du traitement équivalent prévu à l'article les protégeant lorsque le contrôle de leur société a été pris. Ce principe est conforté par deux types de règles : les premières imposent une obligation l'initiateur de l'offre les secondes garantissent des droits spécifiques aux actionnaires a. Obligations pesant sur l'offrant : offre obligatoire et prix équitable Clairement située dans l'optique du City Code on Take-Over and Mergers britannique, la directive communautaire de 2004 sur les OPA prévoit, à côté des offres volontaires de droit commun, l'existence d'offres obligatoires automatiquement déclenchées lorsque certains pourcentages de participation financière sont franchis. [...]
[...] IUn instrument d'harmonisation créant un socle de règles communes favorables aux actionnaires pour le déroulement des offres publiques Comprenant une série de normes impératives minimales s'imposant aux Etats-membres, la directive OPA répond d'abord à une double nécessité : communautariser le droit des OPA en Europe dans une optique de protection des actionnaires minoritaires Un instrument de communautarisation du droit des OPA en Europe Le droit des OPA en Europe se trouve communautarisé de deux manières : via l'instauration d'un cadre juridique qui jette les bases d'une harmonisation européenne en la matière d'une part via le vaste champ d'application de la directive d'autre part Un cadre juridique jetant les bases d'une harmonisation européenne a. Méthode d'élaboration L'un des premiers traits importants de cette directive est qu'elle a en partie été élaborée hors du circuit politique classique, via l'intervention d'experts de haut niveau en droit des sociétés. [...]
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