Le déclin de la responsabilité politique en Europe

Résumé du document

On observe en effet un déplacement du jeu du principe de la responsabilité politique, et les pratiques politiques développées par les Etats européens ont permis de produire des effets plus ou moins identiques à ceux d'une mise en jeu formelle de la responsabilité. Par ailleurs, le renouveau des procédures de mise en jeu de la responsabilité pénale des gouvernants, qui se distingue par son type de sanction mais qui poursuit souvent des objectifs politiques, montre bien la volonté de rendre effectif le principe-même de responsabilité.
Si la responsabilité politique en tant que "norme d'habilitation" a montré ses limites ( I ), la responsabilité politique en tant que "norme de comportement" a acquis une place prépondérante ( II )...

Extraits

[...] La pratique scandinave de la responsabilité politique se caractérise en effet par un haut degré de respect des procédures parlementaires et un refus des dérives, qui doit beaucoup aux comportements. Au Danemark, les Gouvernements sont toujours renversés conformément aux règles constitutionnelles, et les comportements favorisent les respects des règles de responsabilité politique. La pratique norvégienne a développé des usages qui ont pu être qualifiés de "tendance volontariste à la rationalisation", fondée sur une "déontologie parlementaire très élaborée", et qui s'explique par l'impossibilité de recourir à le dissolution : les comportements ont donc dû se modeler afin d'éviter les blocages. [...]

[...] De plus, même lorsqu'il existe des procédures formelles, celles-ci sont rarement utilisées, ou le sont d'une manière détournée, et leur usage reste dans une certaine mesure imprévisible. La responsabilité politique n'est jamais qu'imparfaitement saisie par le droit, et certains facteurs de nature politique restent impossibles à encadrer juridiquement. Toutefois, le déclin de la responsabilité politique doit être relativisé. On observe en effet un déplacement du jeu du principe de la responsabilité politique, et les pratiques politiques développées par les Etats européens ont permis de produire des effets plus ou moins identiques à ceux d'une mise en jeu formelle de la responsabilité. [...]

[...] Si ces procédés aboutissent finalement à renvoyer démocratiquement les parlementaires devant les électeurs, ils sont entachés par des "manoeuvres partitocratiques" qui n'ont plus rien à voir avoir la mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement. L'inefficacité des procédures formelles résulte donc à la fois de leurs insuffisances, leur non-usage ou leur détournement, mais est dûe également en grande partie à leur trop grande rigidité. La rigidité des procédures rationalisées La rigidité des procédures de mise en jeu de la responsabilité politique résulte de la rationalisation des régimes parlementaires actuels. [...]

[...] Tout semble donc affaire de culture politique et d'appréciation personnelle. Si la France est souvent "la dernière de la classe" (refus du Gouvernement Jospin de démissionner pour l'incendie de la paillote "Chez Francis"), dans d'autres pays, le sentiment de responsabilité des Ministres est beaucoup plus fort : ainsi, des Ministres belges ont démissionné suite à la découverte des affaires de dioxine, et une Ministre scandinave a fait de même suite à un scandale lié à l'utilisation personnelle d'une carte de crédit officielle. [...]

[...] Les régimes de rationalisation maximale ont adopté le modèle allemand de "censure constructive", qui était déjà pratiqué en Norvège : l'adoption d'une motion de censure ne peut provoquer la démission du Gouvernement qu'à la condition de proposer simultanément une majorité alternative et un successeur au chef du Gouvernement. Dans le cas contraire, la motion est considérée comme rejetée. Le Gouvernement n'est donc pas obligé de démissionner en cas de "majorité négative" résultant de l'addition de plusieurs oppositions manifestées sur la base de motions différentes. Ce système a été adopté par l'Espagne et la Belgique. La Pologne s'est également inspirée de ce modèle, mais l'élection d'un nouveau chef de Gouvernement par la Diète en cas d'un vote de défiance n'est qu'une faculté, et pas une obligation. [...]