Cette affirmation de Michel Aglietta, bien que peut-être sévère, a au moins pour mérite de refléter en grande partie ce que la plupart des économistes reconnaissent aujourd'hui : après coup, la crise de la zone euro ne semble que peu surprendre tant les bases de la construction de l'Union monétaire européenne (UEM) nous semblent aujourd'hui fragiles. Cette crise a donc été - comme bien d'autres avant elle - riche d'enseignements pour les pays de la zone euro.
Après la crise du capitalisme financiarisé des années 2007-2008, le monde a en effet assisté au printemps 2010 au deuxième acte de la crise, celui de la dette souveraine cette-fois ci. L'épicentre de la crise se trouvait sur le vieux continent. La défiance des investisseurs devant l'ampleur des déficits publics, qui avait d'abord concerné la Grèce, s'est étendue progressivement à d'autres pays européens comme l'Espagne, le Portugal ou l'Irlande, rendant ainsi de plus en plus problématique le financement de ces pays. Les attaques se sont ensuite portées sur l'euro qui a vu son cours fortement baisser vis-à-vis du dollar. Ces turbulences ont rappelé combien la construction d'une zone monétaire demeure un processus fragile et quelle était l'ampleur de la « déficience congénitale » de la zone euro.
Ce bref descriptif de la récente crise européenne demeure en effet suffisant pour comprendre deux enseignements essentiels de cette crise : d'une part les pays européens semblent avoir été incapables de prévenir le choc subi dans un premier temps par la Grèce et d'autre part les leaders de la zone euro semblent également avoir été incapables d'empêcher la contagion de cette crise aux autres pays membres et à l'euro lui-même. Ces deux constatations doivent ainsi constituer deux grands axes de réflexion car ils soulignent chacun un grand nombre de déficiences de l'UEM.
La première constatation regroupe en effet elle-même bien des aspects. La déficience de surveillance et l'incapacité de prévenir exante cette crise d'abord de dette souveraine, relève ainsi de plusieurs défaillances dans le système « euro ». Comment en est-on arrivé à des situations budgétaires aussi catastrophiques ? D'une part, tandis que les mécanismes et organismes de surveillance des budgets étatiques souverains semblent avoir failli dans leur rôle, le partage de la monnaie commune a créé un véritable mécanisme de « protection illusoire » permettant aux Etats membres de financer leur dette « à bas prix » quelles qu'ont été alors leur situation économique. Par conséquent, les dettes et déficits pour certains pays n'ont fait que croitre ces dernières décennies. Mais comment expliquer dès lors que certains pays aient été affectés plus que d'autres ? Cette question souligne bien le fait qu'en réalité, ces problèmes budgétaires sont liés à des déficiences plus profondes affectant la nature même de l'UEM. En effet, celle-ci s'avère « non-optimale » c'est-à-dire qu'il n'existe pas de mécanismes d'ajustements entre ses Etats-membres se substituant à la perte de leur taux de change suite à l'adoption de la monnaie commune. Ainsi, tandis que l'UEM manquait crucialement de politiques structurelles ou de stratégie macroéconomique globale viable, les différents chocs « asymétriques » subis par les pays européens n'ont fait quasiment que s'additionner, créant de véritables dissymétries au sein de la zone euro. Certains pays ont ainsi vu leur déficit courant et donc leur besoin de financement croitre, tandis que d'autres accumuler les excédents. Les « excédents des uns créant les déficits des autres », au final, les situations budgétaires se sont-elles mêmes gravement déséquilibrées (...)
[...] Privée d'un gouvernement économique qui lui soit propre et qui aurait pu prendre des résolutions d'un ton unitaire, la zone euro s'est résolue à prendre des mesures ressemblant davantage à des compromis entre intérêts généraux et particuliers de ses Etats membres. Les dispositifs mis en place par les gouvernements de la zone euro s'articulent principalement autour de deux axes. Il s'agit d'une part de cibler la déficience d'un mécanisme de résolution et de gestion de la crise avec la création d'un fond de stabilisation financière. Mais il s'agit également pour l'ensemble des pays européens se trouvant dans une situation budgétaire délicate, de redresser leur finance publique : les politiques de rigueur sont ainsi désormais à l'ordre du jour. [...]
[...] Or si les pays membres de l'Union monétaire affichent un minimum de volonté à corriger leur comportement, il ne semble pas encore que ce soit à l'ordre du jour sur les marchés financiers. SINSSsijjidsinnSINN H-W et KOLL Bibliographie Ouvrages FAUGERE Jean-Pierre, Economie européenne 2nd édition, Presses de Sciences po et Dalloz, amphi 2002 DE GRAUWE Paul, The Economics of Monetary IntegrationOuvrages, Oxford University Press SINN H-W et KOLL R., The euro interest Rates and European Economic Growth, Cesito Forum, TROTIGNON Jerome et YVARS Bernard, Economie monétaire européenne : chocs et politique économique en UEM, Hachette Article AGLIETTA Michel, La longue crise de l'Europe Le Monde Mai 2010 SINN Hans-Werner, Die Bedeutung des Gewahrleinstungestzes fur Deutschland und Europa Ifo-Schnelldienst mais 2010 ARTUS Patrick, Quelle solution autre que des politiques économiques restrictives ? [...]
[...] Mais quel qu'en soient les raisons, un système de surveillance qui permet de fournir aussi longtemps des évaluations aussi éloignées de la réalité et ce pour de multiples raisons ne pouvait être qu'à (moyen) terme dommageable pour la zone euro. Face à tous ces dysfonctionnements, le PSC n'était donc pas loin d'être snobé par la plupart des pays membres de l'Union et a été jusqu'à allégrement piétiné par l'Allemagne et la France en 2004 : on a en effet assisté à un gel de procédure de sanction contre ces deux pays par ECOFIN d'abord, puis un abandon total de la procédure par la cours de justice européenne. [...]
[...] Ces turbulences ont rappelé combien la construction d'une zone monétaire demeure un processus fragile et quelle était l'ampleur de la déficience congénitale de la zone euro. Ce bref descriptif de la récente crise européenne demeure en effet suffisant pour comprendre deux enseignements essentiels de cette crise : d'une part les pays européens semblent avoir été incapables de prévenir le choc subi dans un premier temps par la Grèce et d'autre part les leaders de la zone euro semblent également avoir été incapables d'empêcher la contagion de cette crise aux autres pays membres et à l'euro lui-même. [...]
[...] Cela n'a pas été le cas pour d'autres pays. L'Italie par exemple, qui possède aujourd'hui l'une des dettes les plus élevés de la zone euro, n'a pas pu déprécier sa devise pour compenser les effets de l'apparition de la Chine et d'autres concurrents asiatiques dans ses domaines d'activités économiques de prédilection (textile, chaussure etc.). Elle n'a pas pu non plus réagir par des accords salariaux qui ne sont pas dans ses pratiques. La fixité du taux de change et la rigidité des taux d'inflation en l'absence de stratégie macroéconomique globale et de politique structurelle commune au sein de la zone euro, a induit des périodes persistantes de compétitivité dégradée et de baisse de croissance dans certains pays, alors que d'autres ont pu réagir plus rapidement, parce qu'ils ont eu l'habitude d'un ajustement plus rapide des salaires. [...]
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