Le 4 juillet 1990, Georges Iacovou, ministre des Affaires étrangères et représentant le gouvernement de la République chypriote, dépose une demande d'adhésion à la Communauté économique européenne au nom de toute l'île. Il souligne que « c'est une déclaration de confiance dans les valeurs et les institutions européennes pour la recherche d'une solution au problème chypriote et que le conflit doit être résolu selon les principes européens et les règles de la démocratie et du droit ». A défaut, si l'adhésion ne permet pas le règlement de la question chypriote, l'appartenance à l'Union est considérée comme un moyen de se protéger d'une invasion de la Turquie qui demeure un sujet de crainte pour la communauté grecque de l'île. Conscient de cela, le président Glafcos Clérides souligne clairement que « dans le cas où l'adhésion de l'île se matérialise, la Turquie devra abandonner tous ses desseins expansionnistes qu'elle a sur l'île. Parce qu'intervenir dans un pays qui est un membre de l'Union européenne est impossible à envisager ».
En répondant favorablement en 1993 à la candidature de Chypre puis en confirmant cette réponse par la suite, la Commission européenne reconnaît qu'elle a aussi des intérêts à faire valoir dans l'adhésion de Chypre à l'Union Européenne.
La situation de Chypre comporte effectivement plusieurs avantages pour l'Europe : en premier lieu, du point de vue stratégique, car l'île est située à quelques kilomètres des zones énergétiques du Moyen-Orient mais aussi de la mer Caspienne. Le contrôle de ces zones en serait donc d'autant plus garantit.
Sur un plan économique l'Union européenne peut avoir intérêt à faire adhérer la République de Chypre, non pas à cause du marché insulaire très étroit qui lui est offert, mais à cause du rôle de plaque tournante commerciale et financière qu'elle joue.
Ensuite, du point de vue du contrôle des flux migratoires, l'adhésion de Chypre comporte un certain intérêt : beaucoup de Kurdes, d'Irakiens et d'Egyptiens semblent passer par Chypre pour gagner l'Europe vers l'Angleterre ou l'Italie. Ainsi, la mise aux normes européennes de Chypre en matière de politique d'immigration permettrait à terme de mieux contrôler ces filières d'immigration clandestine. Mais pour que la « porte d'entrée chypriote » à l'Union européenne soit parfaitement contrôlée du point de vue migratoire, il faudrait que le Nord de l'île soit lui aussi intégré dans l'Union européenne.
Du point de vue diplomatique, l'adhésion de Chypre est vue par la Commission comme un acte très favorable pour l'Union européenne. Les excellentes relations qu'entretiennent les Chypriotes avec les pays de la région constituent un argument de poids pour Chypre dans son processus d'intégration. Les Chypriotes ont déjà d'ailleurs montré leur capacité à favoriser le dialogue israélo-arabe. Comme, par exemple, lors d'une réunion tenue les 3 et 4 juin 1998 à Palerme en Italie dans le cadre de la conférence euro méditerranéenne, où le ministre des Affaires étrangères chypriote, M. Cassoulides, réussit à réunir au cours d'une même séance les représentants syriens et israéliens.
Enfin, un des derniers mobiles qui a poussé la Commission à accepter la candidature de Chypre réside dans le fait que la réunification de l'île pourrait être permise par le processus d'adhésion, ce qui constituerait un succès diplomatique.
A noter aussi que la décision de la Commission d'accueillir favorablement la demande de Chypre en 1993, intervient dans un contexte particulier : à ce moment là, le conflit Yougoslave, avec ses épisodes Croates et Bosniaques, montre l'impuissance de l'Union européenne à résoudre des conflits à sa périphérie. D'autre part, le traité de Maastricht ratifié en 1992 par les parlements ou les électeurs des Etats membres de l'Union européenne prévoit la mise en place d'une politique extérieure et de sécurité commune. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que la perspective d'une réunification permise par le processus d'adhésion de Chypre soit vue à l'intérieur de la Commission comme un acte important pour la PESC et une manière de rattraper les errements de l'Union européenne en Yougoslavie. Afin de faciliter cette réunification, la Commission européenne semble compter sur le pouvoir d'attraction que l'Europe peut exercer sur les Chypriotes turcs en proie aux difficultés économiques.
Ainsi, le souhait formulé par les Européens de négocier l'adhésion de Chypre au sein de l'Union européenne avec une délégation composée de Chypriotes grecs et de Chypriotes turcs souligne d'autant plus cette volonté de se servir de l'adhésion comme catalyseur de la réunification.
Ainsi, et contrairement aux pays candidats d'Europe centrale et orientale dont la candidature s'est principalement heurtée à des difficultés économiques (A), celle de Chypre soulève essentiellement le problème politique de la division de l'île entre les deux communautés grecque et turque (B). Sans se pencher sur le si oui ou non l'UE a bien fait d'accepter Chypre divisée en son sein, je tenterais d'exposer les 2 aspects précités qui expliquent la situation inédite et complexe dans laquelle se trouve l'UE encore aujourd'hui.
[...] Chypre devient officiellement colonie britannique en 1925. > Les accords de Zurich et de Londres, en février 1959, proclament l'indépendance de la République de Chypre, le 16 août 1960. Sa constitution n'est pas fondée sur le principe de la répartition des pouvoirs au prorata des deux communautés. Le président et le vice-président de la République, respectivement un Grec et un Turc élu chacun par sa communauté, disposent d'un droit de veto en matière de politique extérieure et de défense. La communauté turque, représentant de la population, dispose de trois ministres sur sept membres du gouvernement et de des sièges au parlement, dans la police et l'administration et de des effectifs de la garde nationale, comprenant 2000 soldats. [...]
[...] Tout espoir de voir un jour une île de Chypre réunifiée membre de l'UE a-t-il disparu avec l'échec du plan Annan ? Ce qui semble désormais probable, c'est que le règlement de la question chypriote passe des mains des Nations Unies à celles de l'UE. Le plan Annan qui tentait de mettre fin à 30 années de division de Chypre est en effet bel et bien enterré même si la plupart de ses dispositions restent une base de travail pour l'avenir. [...]
[...] Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, soumet son plan de réunification de l'île, "révisé et amendé". La Commission européenne a qualifié de "percée historique" cette nouvelle série de négociations, qui permettait d'espérer l'entrée dans l'UE d'une île réunifiée au 1er mai 2004. Les précédentes négociations, qui avaient été ouvertes pour la première fois en janvier 2002, avaient échoué. En mars 2003, le plan Annan était resté lettre morte après le refus de Denktash d'un projet de référendum, alors que la partie grecque avait accepté le texte. [...]
[...] Denktasch a quitter la table de négociation onusienne en novembre 2000 et a déclarer qu'il ne reviendrait qu'une fois Etat reconnu, ralentissant le cours des négociations qui étaient déjà au plus bas niveau. De plus, de 1997 à 2002 aucun pourparler direct n'a eu lieu entre les dirigeants respectifs des 2 communautés, empêchant toute sorte de résolution du problème. Comme responsable de cet état de fait, les instances aussi bien européennes qu'internationales ont montré du doigt une fois de plus M. [...]
[...] Il convient enfin de rappeler que Chypre constitue un important centre offshore : la faible fiscalité appliquée aux entreprises étrangères lui permet d'enregistrer environ firmes, dont un tiers viennent globalement de l'Union européenne. Selon les estimations, les ressources offshore représenteraient 5 à du PIB. Même s'il est par définition difficile de déterminer une proportion précise en raison à la fois du secret bancaire et de l'opacité qui a entouré les activités concernées, on peut retenir l'évaluation moyenne de du PIB. [...]
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