Avec la création des communautés européennes (la Communauté du Charbon et de l'Acier en 1951, la Communauté Économique Européenne et l'Euratom en 1957), six pays de l'Europe occidentale (la France, l'Italie, la République Fédérale d'Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Belgique) ont mis en commun certaines de leurs ressources pour accompagner la reconstruction de leurs espaces. Cependant, en rassemblant leurs richesses, ces Etats ont aussi rassemblé leurs problèmes. Grâce à la création d'un espace économique unique, le marché commun, et l'effacement des frontières, ces pays ont pu se reconstruire et s'enrichir par la disparition des tarifs douaniers pour les marchandises et la circulation facile des facteurs de production, mais ce n'est ici qu'une partie de l'économie.
En effet, une partie non négligeable des échanges s'avèrent être "invisibles", "cachés" : la fameuse économie souterraine. Dans un pays comme la France, celle-ci représente entre 7% et 14% du Produit Intérieur Brut (PIB) selon les estimations (chiffres de la Commission Européenne en 1998). En ce qui concerne l'Union Européenne, l'estimation grimpe jusqu'à 16% du PIB.
[...] D'où une forte opposition des États membres quant à mettre en œuvre une politique totalement intégrée de lutte contre le crime organisé : ce serait donner à l'UE un trop grand pouvoir coercitif alors que, d'une part, sa légitimité démocratique reste à prouver (davantage que pour les États), et que, d'autre part, ce serait, pour le coup, vider l'État de toute substance. Mais n'est-ce pas là le but ultime de l'UE : faire disparaître l'État au profit d'une entité supranationale (encore non identifiée) ? On peut donc voir à travers la politique de lutte contre le crime organisé une autre insuffisance du traité de Lisbonne, à savoir de ne pas être entièrement cohérent avec le projet européen. [...]
[...] Dès lors, au lieu d'avoir pour toute politique de lutte contre le crime organisé un simple compromis entre les 27 différentes politiques nationales additionnées les unes aux autres, en ôtant aux unes les dispositions qui pourraient aller à l'encontre des autres (et qui sont généralement les mesures les plus efficaces, les plus concrètes et les plus structurelles, car les mieux adaptées aux pays les ayant adoptées), nous obtiendrons une politique plus consensuelle, mise en place dans un cadre juridique davantage légitime et démocratique, transcendant de loin les simples politiques nationales pour stimuler la coopération interétatique. Dès lors, avec une procédure décisionnelle plus flexible, les orientations stipulées dans le traité de Lisbonne seront susceptibles d'être mises en œuvre plus aisément en ce qui concerne la lutte contre le crime organisé, par exemple le renforcement d'Europol et d'Eurojust, la création d'un tribunal pénal européen ou même une utopique harmonisation des systèmes pénaux dans les différents États membres. [...]
[...] Ainsi, la manière de lutter contre le crime organisé en Europe n'est pas explicitement précisée : la tâche en revient aux institutions et à leurs décisions. Pourtant, c'est surtout du côté du partage de la souveraineté entre États membres et Union européenne que la problématique reste intensément vivace. Si les cellules anticriminelles sont en grande partie nationales, elles entendent bien le rester ! Ainsi, même s'il en incombait à la Commission de proposer un projet de règlement (ou de directive) portant sur un système pénal européen, ou sur la création d'une institution policière supranationale dotée de moyens conséquents, il ne serait pas surprenant d'assister à une levée de boucliers des États membres représentés au Conseil, tant cette compétence est délicate à aborder. [...]
[...] Effectivement, si l'ouverture des frontières et le partage de la souveraineté accroissent et dynamisent la coopération entre les États membres, les entreprises, voire tout simplement entre les citoyens, elle fait de même avec les organisations criminelles, dont les activités peuvent désormais plus facilement dépasser le cadre national pour se transnationaliser. Les réponses apportées à cette économie souterraine se doivent de ne plus être limitées au cadre national, mais bien être intégrées dans un fonctionnement supranational. Quelques outils existent d'ores et déjà aujourd'hui : la coopération judiciaire et policière, le fameux "Troisième Pilier" de l'Union Européenne, mise en place par le Traité de Maastricht (1992) et renforcée par le Traité d'Amsterdam (1999), assure la majeure partie de la lutte contre le crime organisé à l'intérieur de l'UE. [...]
[...] Néanmoins, c'est dans cet avantage que se trouve hélas également l'insuffisance majeure du traité de Lisbonne. En effet, si la communautarisation des affaires intérieures constitue indubitablement une avancée pour la lutte contre le crime organisé, la quasi-absence de moyens concrets pour la réaliser demeure problématique. Le traité ne prévoit en effet aucune institution particulière de mise en relation entre les services de la Commission et du Conseil dont l'objectif est de lutter contre la criminalité organisée, ou encore d'échéance quant au renforcement des institutions existantes (Europol et Eurojust principalement). [...]
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