Depuis la chute du mur de Berlin, l'Union Européenne a aimanté les espérances des peuples de l'Est, elle est devenue leur terre promise. Pourtant il n'a pas fallu attendre l'écroulement du monde communiste pour que l'Europe devienne objet de convoitise. Presque dès sa création elle a attiré les candidatures: le Royaume-Uni d'abord qui n'a pas réussi à torpiller la toute jeune CEE en créant une zone de libre échange concurrente, puis l'Irlande qui cherchait à se démarquer de son grand voisin, puis la Grèce en 1980 qui s'efforçait de sortir du sous-développement, puis l'Espagne et le Portugal en 1986, restés trop longtemps à l'écart de l'histoire européenne, et enfin dernièrement les anciens pays de l'AELE, l'Autriche, la Finlande et la Suède. Mais les candidatures ne cessent d'affluer: Chypre, Malte, la Turquie, sans oublier les PECO (pays d'Europe centrale et orientale).
L'Union Européenne (UE) séduit, elle attire les aspirants. Toutefois, les élargissements ne sont pas une mince affaire, d'autant que l'UE a ses propres problèmes à résoudre, notamment celui de l'approfondissement. L'approfondissement revêt trois formes: le renforcement des institutions garantissant l'efficacité des prises de décisions, l'élargissement du nombre de politiques menées en commun (défense, sécurité...), et enfin le rapprochement des sociétés et des économies des pays membres.
Or, un tel programme est semble-t-il incompatible avec l'élargissement du nombre de pays membres. En effet, la loi du nombre semble condamner le maintien d'une forte intégration: plus les musiciens sont nombreux, plus le morceau est difficile à jouer. Pourtant, à y regarder de plus près, ce dilemme entre élargissement et approfondissement est en grande partie un faux dilemme. Les débats qui ont été soulevés à propos des conséquences institutionnelles ou économiques de l'élargissement cachent en fait un débat beaucoup plus profond concernant l'orientation que doit prendre la construction européenne (fedération, confédération ou structure encore plus lâche).
Certes, l'élargissement de l'Europe se traduira par une aggravation des disparités au sein de l'UE, mais l'application d'une Europe à géométrie variable peut résoudre ce problème, géométrie variable qui doit cependant rester transitoire et servir d'étape à une plus forte intégration, celle-ci étant l'objectif principal à poursuivre.
[...] Se contentant de participer tous au marché commun, les États membres choisiraient de se joindre aux activités qui promouvraient le mieux leurs intérêts propres sans aucune considération pour la cohésion communautaire. La juxtaposition d'un marché intérieur unique, auquel tous participeraient, et d'une intégration différenciée selon les domaines aura des effets pervers tout à fait préjudiciables au bon fonctionnement des institutions européennes (tout pays qui ne participe pas à un élément intégrateur ne peut voter sur les problèmes qui y sont afférents, or cette exclusion est parfois délicate, notamment au parlement européen) et de l'économie européenne. [...]
[...] Cette différenciation au sein de l'UE n'a guère de chance de se résorber dans l'avenir, elle aura au contraire tendance à s'aggraver du fait de l'élargissement à des pays (principalement les pays de l'Europe centrale, mais également les pays méditerranéens) bien plus pauvres que la moyenne européenne. L'intégration à brève échéance de ces pays constitue en fait le vrai défi pour l'UE. II. En effet, l'élargissement aux pays de l'AELE n'a pas été un grand défi pour l'UE dans la mesure où ces pays jouissent d'un niveau de vie élevé et sont capables de participer à l'ensemble des activités de l'Union sans dérogation. [...]
[...] Dès lors que les pays ont choisi de mettre en place un grand marché, l'objectif de la convergence s'impose naturellement. Mais l'Europe n'est pas qu'un marché, elle est aussi une organisation internationale originale qui doit se réformer sous peine de perdre son originalité. À partir du moment où l'élargissement est considéré comme inéluctable, des modifications institutionnelles s'imposent afin de garantir l'efficacité du processus décisionnel. Toutefois la réforme en profondeur des institutions a été reportée et sera débattue lorsque se tiendra la Conférence intergouvernementale de 1996. [...]
[...] Tel est en tout cas la volonté de l'Allemagne qui défend en même temps l'élargissement de l'Union Européenne à l'Est, et l'approfondissement de la construction européenne. Un projet politique ambitieux résout donc le faux dilemme élargissement ou approfondissement. Notes 1 Professeur émérite à l'université de Lille Pierre Maillet a écrit un article dans la Revue du Marché Commun et de l'Union européenne portant sur l'organisation de la géométrie variable Les PECO adopteront sans doute le cadre communautaire directement sans passer par une législation nationale, adoption pas facile car elle se fera dans un délai très court Elisabeth Guigou a exposé dans son livre Pour les Européens l'idée d'une présidence de l'Union qui assurait la visibilité de l'Europe à l'extérieur et consoliderait la cohésion de l'Union Majorité pondérée par un nombre de voix accordé à chaque État en fonction de leur population ou en fonction de l'importance d'un sujet pour les intérêts d'un États. [...]
[...] L'élargissement aux pays de l'AELE s'est donc accompli dans le cadre institutionnel existant, lequel prévu pour 6 membres à l'origine a été étendu à 12 puis à 15. Cette extension du cadre institutionnel ne s'est cependant pas réalisée sans problèmes. Il en effet, donné lieu à des tensions à propos de la détermination de la minorité de blocage au sein du Conseil. Ce débat a été déclenché par le Royaume Uni qui craignait de voir les grands pays être mis en échec par les petits pays, crainte qui masquait en fait l'irréductible opposition britannique à tout approfondissement de l'UE dans un sens fédéral. [...]
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