Une première chose, ce texte est la version papier d'un discours. Discours prononcé à l'occasion d'un séminaire sur les relations internationales à Lisbonne en juin 2006. Le symbole est d'autant plus grand qu'alors, personne n'imaginait qu'un traité y serait signé deux ans et demi plus tard par les chefs d'Etat des pays membres de l'Union pour contourner l'échec de l'intégration politique européenne signifiée par les refus populaires français et néerlandais de la ratification au traité constitutionnel européen. Celui qui prononce ici ce discours est professeur à Sciences Po, chercheur au CERI : Bertrand Badie. Sa thèse : comment le cas de l'Europe actuelle illustre bien la fin de la logique de puissance au profit d'une politique de méta-puissance qui dépasse les logiques territoriales de l'Etat-Nation?
Deux aspects me paraissent primordiaux dans l'étude approfondie de ce texte ; il s'agit d'abord du caractère oral de la démonstration et ensuite de la subjectivité de celui qui la porte. Le discours requiert en effet un certain type de rhétorique, une clarté, une simplification parfois, une synthèse peut-être exagérée, qu'il va maintenant falloir apprécier et critiquer. Enfin, il faut prendre en compte ce qui détermine les modes de réflexions de Bertrand Badie. Il s'agit tout aussi bien de son savoir, ses recherches, ses idées et idéaux, mais aussi de sa « qualité » d'Européen et de Français qui transpire dans ce discours. Ce seront les deux angles d'approche qui vont être adoptés dans le développement qui suit.
[...] Une politique qu'il dit d'emblée être passée de la puissance à la grandeur, qui plutôt que de partager le gouvernement, voire l'oppression, entre 192 États, encadre et facilite les interactions entre 6 milliards d'hommes. Pour aller plus en profondeur dans le propos de Me Badie, il faut d'abord étudier la progression de sa démonstration. Et sa démonstration est ordonnancée entre rappel historique et théorique dans un premier temps, et état des lieux aujourd'hui dans un second. Si on s'attarde sur la première partie, on se doit de distinguer les trois débats historiques sur la puissance qu'il met en exergue : d'abord, il présente le cas de Hobbes et sa théorisation en 1851 dans le Léviathan de la puissance souveraine de l'État pour protéger de l'inéluctabilité de l'insécurité internationale. [...]
[...] Il voit en l'Europe la forme aujourd'hui la plus aboutie de puissance minimale Plus de guerres intérieures, moins de guerres extérieures : l'Europe aurait gagné en autonomie. Les puissances européennes sont contestées par l'émancipation des anciens états satellites de l'URSS. La puissance européenne a de fait était remplacé selon lui par cette puissance minimale, méta-puissance innovante qu'il résume en quatre points : D'abord, l'Europe a joué le rôle de laboratoire de l'intégration régionale, démontrant les vertus de ce système pour assurer la paix. [...]
[...] La création d'un marché unique en Europe a bien créé les conditions d'une paix durable qui donnent du crédit aux propos de Me Badie sur l'affaiblissement de la puissance des États européens au profit d'une simple influence et d'une intégration de ces États. Ce qui est, en revanche, très relatif, c'est le succès de cette intégration qu'il considère total alors que les Européens en 2005 et à nouveau il y a quelques jours ont témoigné par leur abstention de leur insatisfaction vis-à-vis des modalités de cette intégration régionale innovante. [...]
[...] Et, l'éveil des Nations de 1848 montre bien que la violence incontrôlée par les États ne signifie pas nécessairement la remise en cause de l'idée de Nation. Cela étant l'intégration sociale internationale en tant que rétablissant un équilibre dans l'accès aux biens et en tant que nécessaire à la reconnaissance, au respect et à la dignité de tous est une des nécessités de notre temps sans conteste. Mais c'est dans le libéralisme économique que Bertrand Badie voit la source première de cette intégration. [...]
[...] Et il considère aujourd'hui que la puissance par la force et les alliances a montré ses failles alors que l'influence par l'intégration a montré ses vertus. Ainsi, il déclare qu'il nous faudrait fonder le système international sur la généralisation de l'intégration en suivant le chemin tracé par l'Europe. C'est là que l'interpelle un autre participant du séminaire quant à la place qu'il verrait dans ce nouveau système international intégré pour les puissances émergentes et quant à la dimension universaliste de son propos. [...]
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