Quel est le rôle des nations dans la construction européenne ? On a tendance à penser que Bruxelles a une pensée propre, des intérêts propres destructeurs des nations. Or, c'est faux. Entre le Conseil européen, le Conseil de l'Union européenne, la renégociation des traités, et même via les parlementaires européens, l'UE est née des forces et des faiblesses des États. Diplomate et chercheur, habitué des coulisses bruxellois et adepte des théories de l'intégration, lire l'ouvrage de Maxime Lefebvre a été un réel plaisir ne serait-ce que pour l'esthétique et la pratique. La finalité de son ouvrage est assez simple. En utilisant l'histoire, mais aussi sa pratique et son expérience professionnelle comme ambassadeur, Maxime Lefebvre espère « réincarner l'Europe par les nations ». Il ne s'agit pas de remonter à la Tour de Babel, à Ernest Renan ou Victor pour expliquer le rôle contemporain des nations dans l'UE, mais bien d'admettre le constat de Vivien Schmidt, spécialiste outre-Atlantique de la construction européenne. De manière adroite Schmidt et Lefebvre s'accordent que « la nation n'a plus que la politique sans les politiques (politics without policies), quand l'Europe fait les politiques sans la politique (policies without politics) » (page 10 de l'ouvrage). Les nations existent, leurs valeurs et particularités perdurent, mais se transforment, se façonnent par rapport à l'européanisation certes, mais aussi avec l'urbanisation, à la déchristianisation, à la globalisation, etc. C'est vraiment une « fédération d'États-nations » pour reprendre l'expression de Jean-Louis Quermonne et de Jacques Delors. En proposant une lecture « systémique », « holistique » du rôle des nations, Maxime Lefebvre ajoute de manière synthétique et réfléchie les rôles contemporains (et leurs explications) dans le projet européen.
[...] D'autres alternatives sont sérieusement discutées en coulisse depuis 2007 comme le budget propre le zone euro ou encore tripler les fonds de la politique de voisinage afin d'anticiper les adhésions des nouveaux États et éviter de déséquilibres à venir. Dans tous les cas, une progression notable sur le budget européen sera déterminée par le dépassement des intérêts nationaux avec un budget propre et une décision commune d'orienter les politiques européennes soit de manière libérale ou alors d'adopter une attitude plus keynésienne. Malheureusement, ces prérequis demeurent encore utopiques. Réincarner l'Europe pour les nations incite aussi à aborder une des finalités là géopolitiques de l'Union, peser sur le monde ensemble. [...]
[...] Sa typologie des États ayant structuré ce concept propose plusieurs catégories d'États dans l'UE. Tout d'abord l'importance des États forts, centralisés, portés sur l'intergouvernementalisme et avec de fortes et anciennes identités. Ce sont l'Espagne, la France et le Royaume-Uni qui finalement restent les plus réticents à l'intégration et ont des projets assez tranchés sur le projet européen (grand marché unique britannique contre promotion d'une Europe politique française). Bruxelles doit rester une affaire des gouvernements et de personnalités fortes. Les pays fédéraux et régionalisés comme l'Italie et bien sur l'Allemagne ; qui sont des jeunes nations, qui connaissent très bien au niveau national l'art des coalitions et ont créé leurs systèmes politiques sur plusieurs niveaux. [...]
[...] Il faut donc cherche une solution médiane et le bricolage et un changement institutionnel dont personne, et surtout les citoyens ne pourraient comprendre. À cette fin, Maxime Lefebvre préconise par exemple de politiser davantage les électeurs européens afin justement de structurer une vie publique européenne intelligible et compréhensible. En plus d'une réelle clarification des compétences, Lefebvre estime aussi qu'il faudrait définir la solidarité européenne comme la libre circulation des biens, services, capitaux, des hommes, mais aussi des idées. De ces propositions découlera une définition commune et partagée pour une Europe différenciée Cette différenciation de l'intégration serait fondée sur deux piliers ; la volonté des nations et la capacité de ces dernières à accepter, apprécier le changement. [...]
[...] Les compromis entre compétition et solidarité jalonnent le processus d'intégration. La CECA, le marché unique, la politique régionale (cohésion économique, sociale et territoriale de l'Union), le système monétaire européen, le rabais britannique pour sauver la PAC française, l'abandon du Deutschemark à Berlin, mais une Banque Centrale Européenne indépendante et installée à Francfort, etc. Bien sûr, Maxime Lefebvre analyse en détail la crise de la zone euro depuis 2008. La crise financière américaine, les dysfonctionnements et les déséquilibres macroéconomiques de l'UEM, le manque de coordination entre les États, les bulles spéculatives immobilières en Espagne ou en Irlande, ont presque eu raison de la monnaie unique. [...]
[...] Ce dilemme compétition et solidarité se retrouve aussi dans les négociations du budget européen (un peu moins de 1000 milliards d'euros et à peu près du PIB européen). Si Lefebvre, retrace succinctement l'historique des négociations budgétaires européennes qui ont toujours été complexes, quid de l'Europe de la relance ? Si le budget européen est l'expression la plus tangible de la solidarité européenne pour Lefebvre, l'exemple des négociations 2014-2020 a montré avant tout que le compromis était bancal, que finalement le budget pouvait aussi être un instrument de communication pour les chefs de gouvernement au niveau national (l'exemple le plus probant serait les prestations de David Cameron et le rabais britannique). [...]
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