État de droit, démocratie, état d'urgence, économie de guerre, guerre économique, guerre politique
La démocratie est promue dans l'éthique de la séparation des pouvoirs, du contrôle de la légalité administrative, du pluralisme politique, de la primauté du droit, de la protection et de la promotion des droits de l'homme et des libertés publiques. Ainsi appréhendée, la démocratie est progressivement biaisée par la permanence de l'état d'urgence. On assiste inopportunément à une démocratie mise à l'épreuve dans sa dimension matérielle et remise en cause dans sa dimension formelle.
Le monde contemporain révèle les mutations de la guerre. D'une guerre politique, idéologique et militaire, on passe progressivement à une forme d'affrontements « purement économiques », connue communément sous le vocable de guerre économique. Elle désigne un « combat entre les nations mues par leur volonté de puissance ». Dans ces conditions, la force de puissance d'un État se traduit par sa « capacité à modifier les conditions de la concurrence », à modifier les paramètres du jeu économique à son profit, et in fine à s'assurer de sa domination au plan économique, commercial, technologique et corrélativement politique. Cette nouvelle guerre à connotation économique remet en cause la démocratie dans son essence. Si la politique s'avère être une arme de guerre économique, le droit l'est aussi à bien des égards.
[...] L'otage de la plus grande entreprise de déstabilisation économique témoignage, JC Lattès p. Raymond Carré de malberg, La théorie générale de l'État, Paris, Dalloz p. Stéphanie Hennette Vauchez, L'état d'urgence comme nouvelle normalité politique?, Institut universitaire de France Droits & Libertés N° 198, Juillet 2022 pp Thierry S. Lapointe et Isabelle Masson, « Les relations entre le « politique » et « 'économique » dans le discours et les pratiques de la « guerre contre le terrorisme » », Cultures & Conflits 2004. [...]
[...] De plus, les régimes d'exception, suspensifs ou restrictifs de l'affirmation des droits ont la vie dure puisqu'ils la conservent longtemps après la conjoncture les ayant fait naître, ainsi qu'on le constate en France. Le Pouvoir finit par perpétuer ce qu'il avait promis n'être que temporaire. Dans ces conditions, on peut légitimement croire que l'état d'urgence semble devenir une nouvelle normalité politique, au point de s'ériger au rang de « nouveau paradigme de gouvernement ». Giorgio Agamben affirme percevoir le signe du retour à une souveraineté pure et à l'expression de l'essence même du politique, avant de conclure qu'on risque assister à « l'éclipse du droit contaminé par le politique »19. [...]
[...] La politique a toujours fait la guerre fut-elle économique. L'omniprésence de la politique dans la guerre économique traduit cette interdépendance et cette dialectique permanente entre l'économie et la politique. Ainsi, l'on peut affirmer avec Jean Marc Huissoud que « toute guerre est économique ; toute économie est politique »31. À l'observation, la guerre économique accompagne quasiment la guerre politique et idéologique. On peut même oser affirmer que tous les conflits sont économiques soient dans leurs causes, soient alors dans leurs conséquences. Aucun pays engagé dans un conflit quelconque ne saurait se désintéresser de l'aspect économique du conflit ou pour mieux le dire de la guerre économique. [...]
[...] En dernière analyse, il convient de retenir que les régimes d'urgence actuels entretiennent des relations floues avec la démocratie. Leur durée souvent excessive « inflige une distorsion grave à l'État de droit », fondement matriciel de la démocratie contemporaine. Si l'on admet que le terrorisme, de par son extension dans le temps, ne relève pas/plus d'une situation exceptionnelle, une démocratie véritable ne devrait-elle pas réintégrer cette criminalité dans le champ du droit commun ? À supposer qu'on parvienne à résoudre cet aspect le plus délicat de la vie nationale, une menace d'une autre nature et d'une ampleur insoupçonnée plane sur nos démocraties contemporaines, la guerre économique s'annonce et emporte sur son passage des contradictions profondes qui affectent négativement la souveraineté des États. [...]
[...] En même temps qu'il est proclamé et revendiqué partout en raison de sa capacité à normaliser juridiquement l'État, à cantonner la volonté des autorités publiques dans le strict respect du droit en vigueur et in fine à protéger les droits et libertés des individus contre les débordements éventuels du pouvoir, « sa concrétisation est loin d'avoir ces vertus qui lui sont généralement prêtées »5. Bien plus, l'état d'urgence atypique, parce que durable et permanent, que l'on traverse actuellement constitue un moment critique de l'État de droit. Face aux menaces imminentes que traverse les États contemporains ces derniers temps, l'État de « droit » se métamorphose progressivement en État « guerrier », ou en État de « sécurité » ou encore en État « policier ». Autant des qualificatifs pour rendre compte de cette dénaturation de l'État de droit. [...]
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