"Un nouveau modèle économique" (titre original : "Developpement as Freedom") l'ouvrage que le prix Nobel d'économie en 1998 Amartya Sen a écrit en 2003, débute par le constat accablant de la concomitance d'une croissance sans précédent des richesses au cours du siècle passé et de la persistance d'une pauvreté endémique, caractérisée par l'absence de "capacité de vivre la vie que l'on a raison de souhaiter" alors que les théories et les tentatives d'aides au développement se sont développées depuis plusieurs décennies.
La vie d'Amartya Sen est marquée par la double culture d'un natif du Bangladesh en 1933, ayant débuté ses études en Inde avant de les achever dans les universités les plus prestigieuses d'Occident, dont il deviendra plus tard l'une des grandes figures (professeur à Harvard et directeur du Trinity College de Cambridge).
Après avoir concentré ses recherches sur la théorie économique du choix des techniques et de la croissance, il se tourne vers deux autres domaines : la théorie du bien-être et celle du choix collectif. Mais ce sont ses recherches sur développement humain, la pauvreté et la famine qui le font reconnaître et dans lesquelles il est le plus impliqué, ayant participé à la conception de l'IDH et étant conseiller du développement humain au PNUD.
Sen applique à la lettre l'une des thèses majeures de son livre : la nécessité du débat public dans la quête du développement. En effet, il affirme dans sa préface concevoir son livre comme une « offre au domaine et au débat publics » et non pas comme un travail de conseil économique pour les dirigeants politiques, fondé par ailleurs sur des conférences à la Banque Mondiale en 1996. Quant au fond, Sen opère une véritable petite « révolution » dans la conception du développement : le « développement comme liberté ».
[...] En accord avec le modèle libéral occidental et notamment américain, les théories du développement qui ont émergées dans la seconde moitié du XXème siècle reposent sur des objectifs de croissance économique et industrielle. Ce modèle mesure le niveau de développement d'un pays selon l'unique critère des richesses qu'il est capable de générer (PIB). Les pays du Sud tels que les pays Africains et Asiatiques étant des pays ayant échoué à s'enrichir, ils sont donc selon leur définition du développement des pays non développés, ou en développement Le consensus de Washington désigne l'ensemble des réformes alors recommandées aux États pauvres surendettés, tend ainsi à leur imposer une stricte discipline budgétaire et donc une diminution des dépenses publiques, la promotion des exportations et à libéralisation du commerce extérieur, ceci dans le but de faire décoller leur croissance économique, autrement dit leur PIB/tête. [...]
[...] Ainsi l'économie optimale vers laquelle doivent tendre les pays est celle dans laquelle personne ne peut voir sa liberté accrue sans porter atteinte à la liberté de tous les autres (p. 161). De la même manière, en substituant liberté à utilité, l'auteur remet en cause la présomption d'égoïsme d'Arrow-Debreu, qui stipule que les individus ne sont mûs que par la recherche de leur propre utilité, sans aucune autre considération. Si le choix de l'économie de marché pose ainsi de nouveaux problèmes tels que la distorsion de la concurrence, l'auteur nous montre qu'une intervention étatique peut parvenir à préserver un cadre à la fois efficace économiquement, et éthique. [...]
[...] Sen est une approche nouvelle du concept de développement, qui ne serait pas purement économique mais qui prendrait en considération la Liberté envisagée sous la forme des capacités dont disposent les personnes d'accomplir ce qu'elles ont raison de vouloir accomplir Cette démarche reflète bien la volonté d'A. Sen d'apporter une dimension morale et éthique aux réponses faites aux problèmes actuels qui jusqu'ici étaient souvent considérés comme des problèmes purement économiques. La naissance de nouveaux indicateurs du développement comme l'IDH (indicateur de développement humain, programme des nations unis en 1990) montre d'ailleurs bien la réussite de cette volonté de conciliation de l'économie, de la morale et de l'éthique. [...]
[...] Mais pour l'auteur, les humains sont aussi menés par des normes et valeurs universelles telles que le sens de la justice et la capacité à concevoir le bien (John Rawls), qui ont permis le développement de nos sociétés. Il prend ainsi l'exemple du capitalisme qui est de plus en plus critiqué pour son exacerbation de l'égoïsme. En réalité, ce système est fondé sur des normes et des valeurs, c'est ce qu'il appelle l'éthique du capitalisme (p.343). Celle-ci implique un changement des normes comportementales, élément clé de cette démarche vers une société meilleure. C'est ce manque de valeurs capitalistes qui ont provoqué la chute du système communiste par exemple. [...]
[...] Ainsi, Sen propose une ouverture des prêts bancaires pour des projets d'entreprise, par exemple le micro-crédit développé par le Grameen Bank au Bangladesh. Il est certain que les femmes obtiennent d'aussi bons résultats que les hommes dès qu'elles en ont l'occasion. Il faut aussi, selon l'auteur, ouvrir le secteur de l'agriculture, et plus particulièrement celui de l'environnement, aux femmes. Donc, le développement d'un grand nombre de pays passe, entre autres, par la reconnaissance des droits des femmes et de leur rôle d'agent, cette reconnaissance faisant partie du système de normes socio-culturelles des pays. [...]
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