"L’Etat-providence", François-Xavier Mérien (2003)

Résumé du document

L'Etat-gendarme correspond à une rationalisation et une objectivation du droit au secours public, qui marque la transition entre une solidarité subjective (la charité) à une solidarité objective. Le terme d'Etat-gendarme permet de circonscrire une nouvelle fonction de l'Etat moderne : améliorer le bien-être public. La société est obligée de créer des équivalents fonctionnels des anciennes sources d'intégration (travail, famille, Eglise) affaiblies par la révolution industrielle, l'urbanisation, le progrès technique.

Les institutions sont intervenues à la suite de la crise des éléments d'intégration primaires en raison de leur impuissance à prendre en charge l'ensemble des individus et la totalité des risques, mais aussi dans l'objectif de stabiliser la paix, notamment en Europe. L'Etat-providence assure le respect de droits universels ; sa caractéristique principale est qu'il permet l'accès aux ressources de première nécessité à moindre coût.

Extraits

[...] Les droits de la pauvreté sont établis. La révolution libérale s'oppose toutefois à toute forme d'assistance : le pauvre est apparenté au paresseux (Fable des abeilles (1714) de Bernard de Mandeville). Pour Tocqueville, dans Mémoires sur le paupérisme la charité crée une classe oisive et paresseuse, vivant aux dépens de la classe industrielle et travaillante L'influence de Malthus (1798) conduit à la réforme des Poor Laws en Angleterre en 1834. En Angleterre se développent, à la suite de la Révolution Industrielle, les sociétés de secours mutuels, mais elles restent principalement ouvertes aux ouvriers les plus qualifiés ; elles connaitront d'autre part des difficultés de financement par la faiblesse des adhérents. [...]

[...] La dualisation croissante des marchés du travail dans les pays de type corporatistes risque d'aboutir à des Etats-providence sans travail (Andersen). Les difficultés posées concernent surtout le financement. L'Etat social allemand est en crise et le chômage augmente dans la plupart des PDEM, et particulièrement en Allemagne. De plus, l'indépendance de la Bundesbank ainsi que la gestion communautaire de la politique monétaire en Europe interdisent le recours à la dévaluation (compétitive) ; autant de faits qui ont pour conséquence d'accroître le poids que l'Etat-providence doit et devra supporter. [...]

[...] Les réformes de l'état-providence Vers un nouvel Etat-providence ? Décentralisation et privatisation sont les maîtres mots du courant libéral, surtout en période de crise. Si les orientations des pays anglo-saxons ont pris cette voie, il n'en est pas de même pour le reste des pays européens, notamment la France et l'Allemagne, qui ont renouvelé, au cours des années 1990, l'Etat-social. Ces nouveaux modèles ont toutefois puisé leur inspiration dans les indications libérales, notamment en termes de décentralisation : ainsi la délégation locale de la gestion des systèmes de protection sociale est un trait commun à la totalité des pays développés. [...]

[...] On distingue une forme minimaliste correspondant aux systèmes Anglais ou Irlandais et une version forte observée dans les pays scandinaves. Dans sa version minimale, le modèle libéral consiste en un contrôle strict des indemnités attribuées uniquement aux plus bas revenus. Au-delà d'un certain niveau de revenus, toute aide est refusée ; le secteur associatif est développé ; l'Etat préfère encourager le marché plutôt que de s'y substituer. - Le modèle social-démocrate (ou modèle libéral fort) : la couverture des besoins est large et universelle ; la plupart des prestations offertes sont uniformes. Le système est fortement redistributif. [...]

[...] Il est indispensable de distinguer des idéaux-types (wébériens) de l'Etat-providence pour les étudier. On distingue ainsi plusieurs oppositions : - Modèle résiduel/institutionnel : la distinction a été faite par H.Wilensky et C.Lebeaux dans Industrial society and social welfare (1965). Le modèle résiduel s'adresse aux couches les plus démunies de la société et gère uniquement les défaillances des solidarités primaires. Le modèle institutionnel correspond à une correction du marché, qui n'est pas suffisant : il s'agit de fournir à chacun les possibilités de se réaliser pleinement. [...]