L'Empire du Moindre Mal, Essai sur la Civilisation Libérale, est d'après son auteur, un « travail théorique » sur le libéralisme, d'où la forme en quelque sorte « brute » du texte, agrémenté de nombreuses notes en bas de pages et en fin de chapitre. Jean-Claude Michéa est agrégé de philosophie et enseigne dans un lycée un Montpellier. Il a pendant un temps été membre du Parti Communiste, avant de s'en détacher après avoir pris conscience du caractère autoritaire de cette idéologie. Néanmoins homme de gauche, ses idéaux de rapprochent du socialisme de George Orwell, refusant tout totalitarisme. Il se tient cependant à distance des grands partis de gauche, qui selon lui se sont éloignés du monde populaire et prolétaire. L'Empire du Moindre Mal est une critique radicale du projet libéral apparu au XVIIE et XVIIIe siècles. La thèse centrale de cet essai, part de l'affirmation, très contestée, qu'il n'existe pas de différence entre le libéralisme politique et le libéralisme économique, le second étant la conséquence logique du premier. L'incipit de l'ouvrage donne les clés pour comprendre le titre du livre mais également la thèse de son auteur.
[...] Mais même à supposer que l'Etat soit neutre, cela lui permet-il d'être juste ? Un point intéressant est fait sur les premières critiques du socialisme à l'encontre du libéralisme, selon laquelle, une société juste ne signifie pas société décente. Michéa développe la réponse formulée par Frédéric Bastriat, dont les propos peuvent être résumés de la sorte : c'est à l'Economie de nous rendre heureux et, dans la foulée, fraternels et bons (p51). C'est ainsi que l'auteur met en avant le lien entre libéralismes politique et économique, constituant la modernité. [...]
[...] Ainsi le libéralisme sous sa forme contemporaine est, si l'on suit la logique de l'auteur, à l'origine du malaise de la civilisation, pour reprendre une idée développée par S. Freud. La faute du libéralisme est en fait d'oublier qu'il n'est que l'empire du moindre mal. Comme Michéa le souligne, le libéralisme au départ se présentait comme la moins mauvaise solution pour apporter la paix et la prospérité aux individus, le libéralisme originel entendait être un pessimisme de l'intelligence (p.198). Le dernier chapitre de cet ouvrage développe un point très intéressant. [...]
[...] Ce qui devait être considéré uniquement comme la moins mauvaise des solutions est aujourd'hui présentée comme la meilleure. La référence à l'œuvre de Huxley n'est donc pas neutre, la société que l'on veut ériger comme la meilleure devient la pire imaginable pour les hommes. Michéa met en lumière une curieuse contradiction (p.200), le libéralisme part du postulat que les hommes ne peuvent discerner le bien et sont par nature égoïstes, mais dans les faits, les politiques libérales mettent tout en œuvre pour permettre l'émergence de ces caractéristiques, comme si en réalité ils voulaient forger l'homme selon une image donnée. [...]
[...] Dans cette perspective, la conservation de soi devient centrale, d'où le fait que le libéralisme soit aussi fortement associé à l'individualisme, même si ce point n'est pas réellement développé dans l'ouvrage. La cause des affrontements violents entre les hommes, est la prétention à détenir la vérité sur le bien et la volonté de l'imposer aux autres. C'est la raison pour laquelle selon Michéa, il est indispensable que l'Etat soit neutre. Chacun recherche son propre bonheur, c'est le droit en tant qu'instance régulatrice qui leur permet de vivre ensemble. Le libéralisme économique se constitue de la même manière, par l'idée que le marché et le droit sont capables d'apporter l'harmonie. [...]
[...] C'est ce qui doit permettre à une société libérale de se développer et de diffuser l'harmonie en son sein. Cependant, dans une pure logique libérale, l'Etat doit s'interdire tout jugement de valeur. Comme il l'indique c'est ici, cependant, que les ennuis du libéralisme politique commencent (p38). Car dans ce cas, comment expliquer qu'une société libérale puisse par exemple empêcher un individu de se nuire à lui-même (Ibid). Il donne l'exemple de la prostitution qui, si elle est pratiquée volontairement, doit être considérée comme une activité professionnelle comme une autre. [...]
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