Les grandes difficultés financières de l'entreprise Alstom, qui en mars 2003 accuse une perte record de 1,38 milliards d'euros pour l'exercice 2002-2003, ne laissent personne, en France, indifférent. Alstom est en effet considérée à l'époque comme un des fleurons de l'industrie française, opérant dans des secteurs de pointe – énergie, transports ferroviaire, marine - employant 118 000 personnes dans le monde dont environ 62 000 en Europe et 30 000 en France. Pour sauver l'entreprise de la faillite et éviter une grave crise sociale, le gouvernement français décide alors d'intervenir, en concluant le 2 août 2003 un plan de sauvetage de 2,8 milliards d'euros, avec trente-deux établissements financiers.
La Commission se saisit de l'affaire dès qu'elle apprend l'existence de cet accord, par la presse, et menace immédiatement la France d'une injonction de suspension de l'aide. Le droit communautaire de la concurrence, en effet, interdit en principe les aides d'Etat aux entreprises. Le mois de septembre 2003, période la plus tendue de « l'affaire Alstom », constitue alors un véritable bras de fer entre la France et la Commission, et voit s'affronter les tenants d'une politique industrielle et les partisans d'une politique de concurrence libre et non faussée. Le raisonnement juridique quasi-inflexible de la Commission est dénoncé de toutes parts, y compris au sein de la Commission, et nourrit un débat sur le bien-fondé de la politique communautaire des aides d'Etat, qui semble mettre l'analyse économique au second plan, et se démarquer largement des autres branches du droit de la concurrence. La décision finale de la Commission sur l'affaire Alstom, rendue le 7 juillet 2004, semble d'ailleurs ambiguë : si elle est bien conforme aux textes régissant le droit des aides d'Etat ainsi qu'à la jurisprudence, elle présente certaines faiblesses qui peuvent être rattachées aux critiques plus larges de la politique communautaire des aides d'Etat, dont une réforme exhaustive a d'ailleurs été mise en place au lendemain de l'affaire Alstom. On peut donc se demander en quoi l'affaire Alstom a été révélatrice des contradictions de la politique communautaire des aides d'Etats.
En premier lieu, l'affaire Alstom constitue un exemple classique de l'application des dispositions communautaires en matière d'aides d'Etat, que ce soit à travers l'analyse, effectuée par la Commission, de l'aide au regard de l'article 167 du Traité constitutionnel, ou à travers le déroulement de la procédure conformément à l'article 168. Pourtant, malgré la conformité de la procédure avec les règles régissant le droit communautaire de la concurrence, l'affaire Alstom a eu un impact important sur la relance d'un débat doctrinal sur la politique suivie par la Commission en matière d'aides d'Etat, et a précédé et partiellement inspiré la réforme de la politique des aides d'Etat, notamment en ce qui concerne les nouvelles lignes directrices relatives aux aides au sauvetage et à la restructuration.
[...] Le principe essentiel d'interdiction des aides d'Etat est réaffirmé, et les possibilités de dérogation sont soumises à des règles plus strictes. Cette fermeté accrue entre sans doute dans la logique générale applicable à toutes les aides d'Etat, qui préconise, dans les objectifs du plan d'action, des aides d'Etat moins nombreuses et plus ciblées On peut là aussi regretter que l'attitude de la Commission vis-à-vis des aides à la restructuration des entreprises en difficulté relève d'une appréciation politique plus que d'une application des objectifs du Traité. [...]
[...] Dans l'arrêt Le Levant du 22 février 2006, le Tribunal de première instance des Communautés européennes, après avoir rappelé les quatre critères cumulatifs distincts pour interdire une aide d'Etat, a considéré que le critère d'affectation de la concurrence n'avait pas été pris en compte par la décision de la Commission, et l'a annulée en conséquence. La Commission n'avait pas, en effet, défini le marché susceptible d'être affecté par l'aide, ni examiné les effets de l'aide sur la concurrence à l'intérieur de ce marché. Dans l'affaire Alstom, comme étudié précédemment l'analyse de fond de la Commission est très faible. [...]
[...] Cette affaire constitue-t-elle un exemple banal de l'application de la politique communautaire du contrôle des aides d'Etat, ou au contraire un exemple original qui ne correspond pas à l'application antérieure de cette politique par la Commission ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire d'analyser l'infraction au Traité dont est l'objet l'affaire Alstom le plan de sauvetage adopté par l'Etat français à l'égard de l'entreprise, considéré comme une aide d'Etat - au regard des dispositions communautaires et des décisions jurisprudentielles portant sur ce type d'infraction, avant d'analyser les raisons de la compatibilité des aides avec le marché commun et la conformité de la procédure au Traité et au règlement d'application. [...]
[...] En quoi cette réforme répond-elle aux critiques doctrinales sur la politique de contrôle des aides d'Etat ? Quelles modifications majeures induit-elle pour la mise en œuvre de cette politique ? Le besoin de réforme du contrôle des aides d'Etat : les avancées depuis l'affaire Alstom Deux grands textes de réforme des aides d'Etat ont suivi de près l'affaire Alstom : le Plan d'action dans le domaine des aides d'Etat publié le 7 juin 2005, visant à moderniser la politique des aides d'Etat, et les nouvelles lignes directrices en matière d'aide à la restructuration des entreprises en difficulté, adoptées le 7 juillet 2004 et entrées en vigueur le 10 octobre 2004. [...]
[...] La politique communautaire de contrôle des aides d'Etat. Le cas de l'Affaire Alstom Introduction Les grandes difficultés financières de l'entreprise Alstom, qui en mars 2003 accuse une perte record de 1,38 milliards d'euros pour l'exercice 2002-2003, ne laissent personne, en France, indifférent. Alstom est en effet considérée à l'époque comme un des fleurons de l'industrie française, opérant dans des secteurs de pointe énergie, transports ferroviaire, marine - employant personnes dans le monde dont environ en Europe et en France. Pour sauver l'entreprise de la faillite et éviter une grave crise sociale, le gouvernement français décide alors d'intervenir, en concluant le 2 août 2003 un plan de sauvetage de 2,8 milliards d'euros, avec trente-deux établissements financiers. [...]
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