Inefficace ou tout puissant, la place du politique dans l'économie est analysée de façon différente selon les courants politiques ou les moments. Il n'est pas rare que l'on entende les deux analyses formulées par le même courant : lorsqu'il est au pouvoir et lorsqu'il ne l'est pas.
La croissance fait partie des objectifs traditionnels de la politique économique (Cf. « carré magique » de Kaldor). Mais, alors que dans les années 1950 à 1970, les politiques de croissance visaient avant tout un objectif de court terme – l'animation conjoncturelle de l'économie – elles semblent désormais avoir changé de nature. On évoque en effet de plus en plus fréquemment un objectif d'élévation de la croissance de long terme, c'est-à-dire du potentiel de croissance. C'est là l'objectif explicite de la « stratégie de Lisbonne » mise en œuvre à partir de 2000 à l'échelon européen. C'est encore le cas en France ou le Président de la République a chargé une commission de « libérer » la croissance, comme si celle-ci était aujourd'hui entravée par des facteurs – structurels – l'empêchant d'atteindre un niveau supérieur.
Ce questionnement sur la croissance de long terme est avant tout une problématique européenne : elle est née du constat que l'Europe connaît, depuis près de deux décennies une croissance plus faible que la croissance mondiale, la tendance s'accentuant depuis l'essor des pays émergents : Chine, Inde, Brésil et dans une moindre mesure, Russie. Plus grave encore, l'Europe connaît un décrochage de son niveau de PIB par tête par rapport à celui des Etats-Unis : de 80% de celui des Américains dans les années 1980, celui-ci est aujourd'hui retombé à 70%.
Le constat d'un tel écart pose une double question : la politique économique peut-elle contribuer à la combler et si oui, quels instruments doit-elle mobiliser pour le faire ?
Nous répondrons à cette double interrogation en deux temps : l'objectif d'une augmentation de la croissance à long terme renvoie implicitement à une situation dans laquelle celle-ci serait limitée par des problèmes d'ordre structurel (1) ; pour autant, la mise en œuvre d'une politique de croissance en Europe ne peut se limiter à des mesures structurelles ce qui implique une profonde évolution du gouvernement économique européen (2).
[...] La politique économique permet-elle d'agir sur la croissance à long terme ? Inefficace ou tout puissant, la place du politique dans l'économie est analysée de façon différente selon les courants politiques ou les moments. Il n'est pas rare que l'on entende les deux analyses formulées par le même courant : lorsqu'il est au pouvoir et lorsqu'il ne l'est pas. La croissance fait partie des objectifs traditionnels de la politique économique (Cf. [...]
[...] Les politiques structurelles ne doivent pas exercer un effet d'éviction sur les politiques à visée conjoncturelle Les politiques structurelles peuvent avoir un effet récessionniste à court terme et à long terme - la limitation du rôle de l‘Etat providence, lorsqu'elle n'est pas accompagnée d'un fort dynamisme économique ce qui est le cas en Europe aurait plutôt tendance à déprimer la demande (constitution d'épargne de précaution) ; - Une analyse en termes d'« effets d'hystérésis souligne le rôle des politiques conjoncturelles dans la formation de la croissance à long terme. Effet d'hystérésis : situation dans laquelle l'effet persiste lorsque la cause a disparu. Souvent utilisé pour qualifier la situation de chômeurs ayant perdu leur emploi pour cause d'insuffisance de demande et dont l'employabilité se dégrade au fur et à mesure que dure la période de chômage ; il en résulte une baisse de la main-d'œuvre employée, très préjudiciable à la croissance de long terme. [...]
[...] Les conditions auxquelles une politique de croissance serait susceptible d'être efficace supposent une évolution profonde de l'organisation économique de l'Europe Les politiques de croissance mises en œuvre en Europe ont échoué, pour le moment, à effectuer le rattrapage qu'elles se proposaient d'effectuer vis-à-vis de l'économie américaine : 8 années après Lisbonne, l'Europe n'est toujours pas l'« économie la plus compétitive qu'elle ambitionnait d'être. Peut-être cet échec est-il à mettre sur le compte d'insuffisances spécifiques apparues dans la gestion des politiques économiques au sein de l'Union européenne. [...]
[...] Une politique équilibrée d'accroissement de la croissance à long terme en Europe appelle une évolution de sa gouvernance économique La méthode utilisée pour mettre en œuvre les réformes structurelles en Europe a montré ses limites - la stratégie de Lisbonne n'a abouti qu'à des résultats très modestes en raison d'une méthode très peu contraignante - les réformes structurelles sont aujourd'hui motivées essentiellement par une concurrence sociale entre Etats européens qui est un jeu à somme nulle (ainsi, la baisse du coût du travail opérée en Allemagne lui a-t-elle permis d'améliorer sa croissance, mais au détriment de la croissance de la France ou de l'Italie auxquelles l'Allemagne a pris l'essentiel des parts de marché gagnées au cours des dernières années : l'impact au niveau de l'ensemble de l'Union européenne est nul, voire légèrement négatif selon une étude de l'OFCE) La gestion macroéconomique de la zone euro est beaucoup moins dynamique que celle des Etats-Unis ou du Royaume-Uni - politique budgétaire : pacte de stabilité dont la dimension de croissance est contestable - politique monétaire : absence d'objectif de croissance pour la BCE, contrairement à la Réserve fédérale. Conclusion Après notre analyse, nous pouvons affirmer que la mise en œuvre d'une politique de croissance suppose de la part de l'Europe un surcroît de pragmatisme et une plus grande cohérence entre les différents volets conjoncturel et structurel de ses politiques économiques comme nous l'avons développé. [...]
[...] L'objectif d'une augmentation de la croissance à long terme en Europe renvoie implicitement à l'existence de freins structurels à la croissance Deux types de facteurs structurels sont aujourd'hui mis en avant pour expliquer la faiblesse de la croissance européenne : - ceux qui relèvent du rôle joué par l'Etat dans l'économie dont l'intervention économique résultant de l'Etat providence mis en place après la Seconde Guerre mondiale est de plus en plus vivement contesté ; - ceux relevant, au contraire, de l'insuffisance du rôle joué par l'Etat dans la production ou l'incitation à la production - de certains biens censés améliorer le niveau de la croissance à long terme. A. L'Etat providence est de plus en plus souvent présenté comme un obstacle à la croissance Depuis une vingtaine d'années, l'Etat social est remis en cause dans toutes ses dimensions : - le point de départ de ce mouvement de contestation est le tournant libéral pris par les Etats-Unis et le Royaume-Uni dès le début des années 1980. [...]
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