Les rapports entre politique et économique ne sont pas une nouveauté mais ils sont devenus problématiques à la fin du XXème siècle : l'économie est-elle un instrument au service d'une politique ou la politique est-elle l'instrument au service d'une économie à développer ? Historiquement, l'économie fut au service du politique : le pouvoir se devait de maîtriser la richesse, nerf de la guerre et de la puissance. Mais cette logique s'est aujourd'hui inversée : l'émergence de la société de consommation au XXème siècle a pourtant fait de l'économie le premier objectif du politique.
Dans son ouvrage La Consommation, culture du quotidien , Victore Scardigli met en évidence trois logiques du social, trois ordres qui, dans l'histoire de l'humanité, se seraient succédés : l'ordre culturel, caractéristique des sociétés pré-industrielles visant à perpétuer, de manière statique, la culture qui les fonde ; l'ordre politique, ensuite, défini par la poursuite d'un projet de société meilleure ; l'ordre économique, enfin, dans lequel s'inscrivent nos sociétés industrielles et dont l'objectif ultime consiste dans le bonheur de l'individu par le progrès matériel. Au sein de cet ordre économique, Scardigli distingue à nouveau trois étapes qui correspondent à la réalisation progressive de ce modèle : les sociétés duelles où coexistent encore archaïsme et modernité ; les sociétés industrielles ou de production qui ont déjà basculé à l'intérieur de l'ordre économique sans que tous les liens soient cependant coupés avec l'ordre culturel ; les sociétés post-industrielles ou de consommation, enfin, définitivement ancrées dans l'ordre économique et où l'ordre culturel ne subsiste plus qu'à l'état de vestige.
Grâce à la grande transversale historique qu'il dessine, le schéma de Scardigli nous permet de mieux comprendre la spécificité de la civilisation qui est le nôtre et la nature de ce que nous nommons une société de consommation. Bien entendu, la dimension économique est l'une des dimensions obligées de toute collectivité qui se doit d'assurer la subsistance de ses membres. Mais jamais jusqu'à aujourd'hui cette dimension économique n'avait occupé ce rôle central qui fait d'elle l'alpha et l'oméga d'un projet collectif qui propose pour seule perspective d'avenir le bonheur par le progrès matériel, le « salut » par l'augmentation du bien-être. Telle est cette société de consommation dans laquelle nous vivons et qu'il est peut-être possible de définir comme celle à l'intérieur de laquelle l'objectif, à la fois de la collectivité et de chaque individu qui la compose, est l'augmentation de la production et de la consommation et qui mobilise donc à cette fin toutes les énergies et toutes les ressources. Ce n'est plus l'économie qui sert la société, mais la société qui sert l'économie. Croyance en la matérialité du bonheur, pensée magique et pourtant déspiritualisée, la vision économique du monde n'est qu'une illusion : l'homme n'est pas et ne sera jamais « unidimensionnel ». La crise économique et la misère sociale qu'elle engendrent ont fortifié : on a cru à l'impossibilité du bonheur et donc à sa nécessaire matérialité.
Il est pourtant aisé de répondre à la question du politique et de l'économique. S'interroger sur lequel doit servir l'autre est une mauvaise question. Il ne faut pas s'interroger sur « quel est le moyen ? »mais sur « quel est le but ? » : visons-nous contentement de la société ou le contentement de l'économie ? Et par cette dernière question, ne procède-t-on pas à une personnalisation de l'économie qui, entité abstraite, n'espère et ne réclame rien ? La raison nous impose la réponse : l'économie et le moyen et non la fin, elle ne peut prévaloir sur son but : l'homme. Aussi devons-nous rappeler que l'économie est d'abord politique et que malgrè son autonomisation puis sa prévalence idéologique face au politique, elle ne saurait oublier da légitimité politique.
La régulation est un droit économique qui répond donc aux exigences de l'économie, mais elle ne doit pour autant être vide d'objectifs politiques. Or aujourd'hui, ce n'est plus le politique qui saisit l'économie mais l'économie qui saisit le politique. Une longue évolution de la pensée économique a conduit à remettre en cause le rôle économique de l'État : il devait utiliser l'économie, puis la laisser s'autoréguler, ensuite la soutenir, puis à nouveau s'abstenir et enfin la réguler. La politique de régulation n'est alors pas autonome : elle est économiquement déterminée.
[...] SAMUELSON Diagrammatic Exposition of the Theory of Public Expenditure Review of Economics and Statistics, Pour approfondir ces questions, GREFFE Économie des politiques publiques, Précis Dalloz, 2e éd ; MARIS Éléments de politique économique, Privat, coll. Sociétas POLANYI La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps., Gallimard, bibl. Des Sciences Humaines p.102. POLANYI La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps., opus cité, Gallimard, p.98 ; MAZERES L'un et le multiple dans la dialectique marché-nation, in B. Stern (dir.), Marché et nation. Regards croisés, Montchrestien p.147 et s. [...]
[...] Pour la théorie du marché politique, comme le marché, écrit Tullock, l'État est conçu comme un mécanisme par lequel les hommes tentent de réaliser leurs objectifs. L'homme politique a ainsi pour but d'être réélu et non de maximiser l'intérêt général. Pour satisfaire des minorités d'électeurs, les représentants politiques multiplient les actions de redistribution et développer les équipements publics. Ce thème du marché politique est classique dans les théories des public choices. Hirshleiffer appliqua l'économie au politique. La démocratie ressemble en effet au marché : il est un contrat d'association d'individus rationnels qui se soumettent. [...]
[...] L'État totalitaire entend aussi contrôler le secteur économique privé. Le roi développe les polices économiques pour prévenir famines et émeutes, suivant en cela le Traité de police de Delamare. Une réglementation économique se développe et une administration économique se met en place (création du Conseil au commerce en 1164 et du corps d'inspection des manufactures en 1669) L'État contrôle aussi l'activité économique au niveau local par l'intermédiaire des corporations qui visent à une organisation de la fabrication garantissant la qualité des produits dans un contexte international concurrentiel, la fourniture des biens nécessaires aux populations et une solidarité au sein des métiers. [...]
[...] Or aujourd'hui, ce n'est plus le politique qui saisit l'économie mais l'économie qui saisit le politique. Une longue évolution de la pensée économique a conduit à remettre en cause le rôle économique de l'État : il devait utiliser l'économie, puis la laisser s'autoréguler, ensuite la soutenir, puis à nouveau s'abstenir et enfin la réguler La politique de régulation n'est alors pas autonome : elle est économiquement déterminée L'économie politisée : la tradition interventionniste L'État de l'Ancien régime se veut démiurge de l'économie : cette dernière est un instrument entre les mains du pouvoir. [...]
[...] En laissant faire le marché politique, un équilibre s ‘établissait avec un profit nul donc tout aux citoyens-consommateurs. Mais cela n'arrive pas du fait de l'impossibilité d'une démocratie réellement représentative. Arrow, inspiré par le paradoxe de Condorcet, a en effet démontré en 1963 l'impossibilité de choix collectifs rationnels à partir de choix individuels rationnels. Le vote ne permet donc pas de choisir des élus réellement représentatifs. Buchanan en déduit l'inefficacité du marché politique à la concurrence imparfaite du fait de l'intéressement des politiques face aux groupes de pression, des rentes des bureaucrates et politiques, du faible contrôle des citoyens du fait de programmes flous et d'élections trop espacées. [...]
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