Aujourd'hui, dans l'opinion occidentale, les chefs de grandes entreprises ont ceci de commun aux hommes politiques qu'on leur prête volontiers une certaine puissance dans la prise de décision, que cela soit à l'échelle nationale ou mondiale. Autrefois regroupés sous le terme de « patronat », ces « chefs » n'ont jamais borné leur influence à leur entreprise et, plus généralement, à l'économie seule. Inversement, l'État a toujours considéré de près l'importance de ce groupe professionnel. Les liens entre l'activité économique et les engagements politiques du patronat se sont multipliés au fil des siècles, tandis que la question de l'intervention de l'État dans l'économie s'est exprimée de multiples façons dans le temps et dans l'espace.
« Le patronat, écrit François Ceyrac, est l'un des plus surs garants de la démocratie ». Si elle est contestable, cette affirmation exprime bien cependant l'ampleur du rôle que les patrons ont joué dans les bouleversements politiques du XIXe et du XXe siècle, tout particulièrement en Europe et aux États-Unis. C'est à cette époque que les pays européens, forts de leurs changements politiques, économiques, culturels et sociaux internes, cherchent à être reconnus sur la scène internationale. Alors que certains historiens caractérisent cette période de « deuxième Révolution industrielle », la fin du XIXe est marquée par un jeu d'alliances qui divise l'Europe politiquement et économiquement et qui mène, entre 1914 et la fin des années 1940, à deux conflits mondiaux. Ces deux guerres ont bouleversé l'économie, imposant aux entreprises européennes et américaines l'intervention étroite de l'État. Cette dernière ne s'est pas bornée aux guerres, puisque les quelques années les séparant ont été caractérisées par une crise économique nécessitant là encore une coopération entre industrie et politique.
[...] Citoyens avant d'être patrons, le même sentiment patriotique les unis contre l'ennemi. L'historien Jean Garrigues rappelle, dans Les patrons et la politique, les mots d'Édouard de Rothschild, fils d'Alphonse de Rothschild : Tout le pays est uni dans une seule pensée, celle de repousser l'envahisseur. Alors que la guerre qui s'installe dans les pays européens semble durer, l'économie doit suivre que cela soit dans l'armement ou pour les ressources de l'Arrière Dans tous les pays impliqués dans le conflit, l'effort de guerre s'avère bien plus laborieux qu'il n'était espéré, et nécessite très vite la mise en place d'une coordination de la production des entreprises. [...]
[...] En France, l'influence patronale se ressent tout particulièrement en juin 1924. Une nouvelle Chambre dominée par la gauche est élue, réunissant socialistes et radicaux et présidée par Herriot. Cependant, ce gouvernement fait très vite face à des difficultés financières. Alors que certains membres de la Chambre comptent sur le milieu des affaires, celui-ci se montre très hostile à leur politique, notamment au renouvellement des bons du Trésor et à la remise en question de certains de leurs acquis. Utilisant son influence et sa nouvelle organisation, les grands financiers et les industriels font tomber le cartel des gauches en contraignant Herriot à révéler qu'il a crevé le plafond des avances Celui-ci est renversé très vite par le Sénat, ce qui donne suite à de nouveaux gouvernements tout aussi bancals. [...]
[...] C'est donc tout naturellement la première à convertir son économie en économie de guerre, dirigée par Walther Rathenau dans le département des matières premières. Industriel à la tête d'une société d'aluminium nommée AEG, Rathenau déclare dès 1914 : l'activité économique n'est plus une responsabilité privée, mais une responsabilité d'État Le mot est lancé. Alors que l'Allemagne est la plus avancée dans la coopération entre ses industries et sa politique, elle est suivie par les autres pays d'Europe et même, en 1917, par les États-Unis. [...]
[...] En effet, il est difficile de refuser l'idée que dans la résistance, les patrons privilégiaient parfois leurs intérêts privés. Lorsque certains d'entre eux appellent à refuser le STO demandé par l'Allemagne, c'est bien plus afin de préserver leur main d'œuvre alors peu nombreuse en France que dans un réel but de résistance. La plupart des entreprises françaises produisent pour l'armée allemande à partir de 1940, leurs liens économiques étant officialisés par toute une série de contrats. À la Libération, les pays européens ressortent de la guerre plus faibles que jamais. [...]
[...] La révolution bolchevique qu'a connue la Russie ne peut faire que les encourager dans cette idée. La coopération du gouvernement et du patronat durant la guerre s'est avérée non seulement nécessaire, mais aussi efficace. Tandis que certains patrons ont pu faire durant cette période l'expérience du pouvoir politique et comptent préserver cette influence, l'État semble désirer garder lui aussi sa mainmise sur l'économie. Durant les années 1920, le patronat est divisé et hésite entre un retour au libéralisme ou prolonger le système de coopération commencé durant la guerre. [...]
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