"Libéral, mais non coupable". Charles Gave a très justement résumé dans le titre de son nouveau livre le sentiment que les Français ont à l'égard du libéralisme: méfiance et rejet. Le pays de Montesquieu, Constant et Tocqueville est d'ailleurs le seul pays où libéral peut être considéré comme une insulte.
Toutefois, quand on analyse les idées libérales et leur influence au sein de la société française, on se rend compte qu'il existe une "fausse conscience", une mauvaise foi qui touche les évolutions libérales. Ce paradoxe tient avant tout aux confusions qui sont faites entre le libéralisme économique et politique.
Le libéralisme politique s'est construit en Angleterre au XVIIe siècle contre l'absolutisme et les tendances procatholiques des Stuart. Il s'articule autour de plusieurs idées-mères qui recouvrent les libertés individuelles, notamment les droits de l'homme, la limitation de la souveraineté grâce à un système de check and balances ou l'autonomie de la société civile. Le libéralisme économique défend la libre entreprise et la liberté du marché grâce à un ordre naturel qui conduit vers l'équilibre.
[...] Rousseau définissait la volonté générale comme la faculté de vouloir ce qui vaut pour tous. Ce test de l'universalisation, rejetée par Clifford Geertz, s'effectuait avec le concours de la raison pour Kant et par la volonté générale inerte à chaque individu dans la vision rousseauiste. Aussi, Rousseau attache autant d'importance à l'égalité qu'à la liberté. Or, l'égalité n'est pas le nivellement ou l'égalitarisme, mais il suppose que nul ne soit assez riche pour acheter la liberté d'un autre ou qu'un autre ne soit trop pauvre au point de devoir se vendre au premier. [...]
[...] Le libéralisme politique implique-t-il le libéralisme économique ? Libéral, mais non coupable. Charles Gave a très justement résumé dans le titre de son nouveau livre le sentiment que les Français ont à l'égard du libéralisme : méfiance et rejet. Le pays de Montesquieu, Constant et Tocqueville est d'ailleurs le seul pays où libéral peut être considéré comme une insulte. Toutefois, quand on analyse les idées libérales et leur influence au sein de la société française, on se rend compte qu'il existe une fausse conscience une mauvaise foi qui touchent les évolutions libérales. [...]
[...] Les subcultures catholiques ou communistes par exemple jouent un rôle important. En Italie ou aux Etats-Unis, la liberté prime sur l'efficacité, ce schéma étant inversé en France. Hegel, dans Principes de la philosophie du droit affirme que les nouvelles techniques de production permettent d'augmenter les richesses matérielles, toutefois, il ne pense pas que cette augmentation profite à tous. Tout d'abord puisque la classe inférieure sera privée des avantages spirituels de la société civile et les richesses risquent d'être concentrées dans les mains de quelques-uns. [...]
[...] Pour y répondre, il faut analyser les fondements du libéralisme politique et se demander si ce sont les mêmes que ceux du libéralisme économique. Les deux libéralismes semblent avoir les mêmes prémices et tendre vers les mêmes fins toutefois les moyens pour y parvenir diffèrent rendant les synergies peu voire pas évidentes (II). Les conditions et les fins recherchées par le libéralisme politique sont propices au développement du libéralisme économique Les princes me donnent prou s'ils ne m'ôtent rien, et me font assez de bien quand ils ne me font point de mal ; c'est tout ce que j'en demande Montaigne. [...]
[...] Sous l'impulsion de Thomas More, le mouvement des enclosures marque la fin des droits d'usage et reconnaît la propriété privée. Ce poème anonyme anti-enclosure du XVIIe siècle montre l'importance philosophique de la question : They hang the man, and flog the woman,/ That steals the goose from off the common;/ let the greater villain That steals the common from the goose. Le libéralisme des XVIIe et XVIIIe avait été critique des monopoles politiques et religieux, celui du XIXe siècle le sera des monopoles économiques. L'affirmation du pluralisme politique s'exprime par la recherche constante de la concurrence en économie. [...]
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