La vague de suicides au sein de l'entreprise France Telecom a ravivé le débat très prégnant en France sur les privatisations et leur opportunité. La privatisation, au sens général, désigne toute mesure faisant passer une activité ou une institution de la sphère publique à la sphère privée. La privatisation est régie par la Constitution qui à son article 34 donne compétence de principe au législateur pour fixer les règles en matière de privatisation et nationalisation. Par la suite, les privatisations ont été encadrées par des décisions du Conseil Constitutionnel, du 16 janvier 1982 et du 26 juin 1986.
La tradition française en termes d'action publique économique est une tradition d'interventionnisme fort issue notamment du colbertisme et de l'école du droit public de Bordeaux. La doctrine s'est ainsi longtemps prononcée en faveur de la protection des biens affectés au service public à l'instar de M.Hauriou : « toute la domanialité publique repose sur l'idée d'affectation des choses à l'utilité publique, l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité… prennent la figure d'institutions purement juridiques, dictées par la nécessité de l'affectation des choses à l'utilité publique et d'ailleurs mesurées dans leur portée sur l'utilité de l'affectation ». Pourtant, à partir des années 1980, la France a connu plusieurs vagues de privatisations de ses entreprises publiques qui ont concerné certaines des plus renommées : Aéroports de Paris, France Télécom, EDF, Thales…
Il s'agit dès lors de s'interroger sur les processus qui ont conduit à ces privatisations et la façon dont elles ont été menées. En effet, les privatisations des entreprises publiques françaises ont pu être considérées comme une véritable révolution culturelle, économique et politique. Cette révolution a bien évidemment nécessité des adaptations du droit français pour gérer le statut de ces nouvelles entités, de leur personnel, de leurs biens…
[...] Ainsi, l'idée est qu'en abandonnant son contrôle des entreprises publiques dans un secteur, l'Etat se condamne à avoir moins de poids dans ce secteur (et notamment dans les secteurs stratégiques). Par conséquent, l'Etat ne sera plus en mesure de mettre en œuvre de véritable politique dans ce secteur : contrôle, direction, planification, influence stratégique Cet abandon du pouvoir de l'Etat est porteur de lourdes conséquences dans la mesure où il peut être synonyme d'un abandon de l'intérêt général dans les décisions de gouvernance de l'entreprise au profit de logiques autonomes de pure gestion, essentiellement économiques. [...]
[...] Conclusion On l'a vu, la question des privatisations est une question complexe, car elle soulève des enjeux politiques, économiques, sociaux, et juridiques. Il est évident que les privatisations engendrent une perte de contrôle de l'Etat sur les entreprises privatisées. Toutefois, on a voulu démontrer ici que cette perte d'influence est encadrée et que l'Etat dispose d'outils efficaces pour préserver une influence certaine. De même, les inquiétudes sur un potentiel recul de la domanialité publique face au marché doivent être nuancées. [...]
[...] Pourquoi privatiser une entreprise publique ? Les privatisations d'entreprises publiques peuvent être définies comme le transfert, au profit du secteur privé, du contrôle exercé, directement ou indirectement, par les pouvoirs publics sur une organisation de moyens humains, matériels et immatériels, vouée à l'exercice, d'une activité économique Cette notion de privatisation restant très complexe, on conservera dans un souci de synthèse, une vision strictement patrimoniale qui définit la privatisation essentiellement comme le transfert majoritaire de la propriété d'une entreprise publique vers le secteur privé. [...]
[...] Il faudrait y ajouter des enjeux politiques et économiques (mondialisation, retour de la pensée économique libérale) qui ont joué un rôle fondamental. Toutefois, l'approche juridique permet d'approcher globalement le phénomène et de saisir les racines du processus. Cela permet également de confirmer notre première analyse qui était de montrer que les privatisations des entreprises publiques étaient synonymes pour les Etats d'un abandon de leur influence déterminante sur certaines de leurs entreprises publiques. Il s'agit maintenant de présenter comment ces privatisations sont encadrées en termes juridiques : la puissance publique est-elle maître de ce processus ? [...]
[...] De ce fait, même si les biens du domaine public de France Telecom ont été déclassés et transférés à titre gratuit à la société anonyme France Telecom, l'Etat conserve un pouvoir de contrôle sur le devenir de ces biens. En effet, la société France Telecom est tenue de respecter certaines exigences du fait du service public dont elle est responsable. Concrètement, la loi du 26 Juillet 1996, donne le pouvoir à l'Etat de s'opposer à une cession d'un élément d'infrastructure des réseaux de télécommunication qui serait nécessaire à la bonne exécution par France Telecom de ses obligations en termes de service public. On retrouve une démarche similaire avec La poste. [...]
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