Démocratie, économie de marché, transitions est-européennes, révolutions de 1989, centralisation, socialisme d'État, collectivisme, planification, libéralisme politique, rapport Khrouchtchev, marxisme, socialisme, Paul Ricoeur, Mandeville
Nous ouvrons ici un point essentiel dans les transitions est-européennes, à savoir le lien entre la démocratie et l'économie de marché. C'est une question à la fois abondamment traitée et en même temps délicate, dans la mesure de ce foisonnement de thèses et d'analyses. C'est encore une question délicate dans la mesure des surinvestissements idéologiques qui marquent ces analyses, tant du côté des héritiers revendiqués de la pensée ou de la pratique marxiste que du côté de leurs contempteurs, que l'on a d'ailleurs beaucoup vus à la manœuvre dans ces moments de transition.
[...] Le passage vers l'économie de marché supposait donc en théorie un effacement de l'Etat à la mesure de son investissement passé dans l'économie, et un effort de déréglementation, puisque toute réglementation est, presque par nature perçue comme liberticide. Or, la pratique et l'observation des réalités permettent de noter tout d'abord la très faible spontanéité des acteurs dans les situations de réformes économiques, de transitions vers l'économie de marché. De nombreux économistes ont noté, avec pour certains, un « étonnant étonnement », que les acteurs économiques choisissaient plutôt des situations de rente, ou des comportements de résistance aux changements introduits, plutôt que le risque et la conformité aux nouvelles règles du libre jeu du marché. [...]
[...] L'exemple le plus achevé de cette contradiction opposée à la thèse de la prudence ou du séquençage progressif des réformes est de toute évidence l'exemple polonais. C'est en effet très rapidement et assez « brutalement », selon le vocabulaire utilisé à l'époque, qu'ont été décidées et mises en œuvre les principales réformes du système économique. Le 03 janvier 1990, une petite dizaine de mesures, tenant d'ailleurs formellement sur une feuille de papier, sont annoncées (le « décret en dix points »). Ces mesures visent tout simplement la refondation intégrale de l'organisation économique et sociale. [...]
[...] L'adaptation à l'économie de marché n'est pas un automatisme, elle n'est pas spontanée. Elle nécessite notamment une certaine forme de contrainte ou d'encouragement à adopter des types de comportements précis, conformes à ces nouvelles règles. Or, cette contrainte ou cet encouragement supposent précisément non pas un État faible ou non interventionniste, mais au contraire un État particulièrement fort, respecté et crédible. En d'autres termes, selon Jérôme Sgard par exemple, les transitions ont démenti l'utopie néo-libérale d'une régulation exclusive par le marché dont la condition résiderait dans l'effacement de l'État. [...]
[...] Face à ces interrogations ou à ces affirmations, l'évocation concrète des transitions suggère deux choses essentielles. Tout d'abord, que les processus, les décisions, comme d'ailleurs les résultats ne sont guère identiques d'un pays à l'autre. Il n'y a pas eu un et un seul modèle, une et une seule voie en la matière. Chaque pays a emprunté un chemin parfois différent, les réformes menées ne l'ont pas été partout au même rythme ni dans le même ordre ni avec la même intensité. [...]
[...] L'une des conditions de la réussite des réformes économiques semble bien être donc une condition éminemment politique, on va y revenir Le démenti du crédo libéral Si le discours de la prudence s'est trouvé démenti, les transitions est- européennes ont-elles pour autant permis de valider a contrario les thèses libérales ? On pourrait le penser au travers de ce que nous venons de dire du bilan des réformes économiques menées dans le cadre de « thérapies de choc », à l'exemple du programme polonais notamment. [...]
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