Dans un discours célèbre sur la situation financière, Honoré de Mirabeau déclare : « La dette publique fut le germe de la liberté, elle a détruit le Roi et l'absolutisme, prenons garde qu'en continuant à vivre, elle ne détruise la Nation et nous reprenne la liberté qu'elle nous a donnée ».
Deux siècles plus tard, cette phobie de la dette continue à inspirer largement la politique du trésor français : en 1958, Jacques Rueff rédige à la demande d'Antoine Pinay, alors ministre des Finances, un rapport sur la situation financière, véritable charte qui doit servir de référence pour toutes les pratiques budgétaires de la cinquième République. Ce document prescrit l'équilibre strict des comptes publics (sécurité sociale comprise), la totalité des dépenses réelles doit être financée par des recettes fiscales courantes, ce qui équivaut à dire que le niveau de dépenses publiques effectives que l'Etat met au service de la collectivité sera toujours contraint par une épargne préalable.
Plus de quarante ans après, on ne peut qu'être frappé par la modernité des écrits de J.Rueff ! La volonté farouche de réduction des dépenses de l'Etat a désormais une légitimation européenne, même si l'on est obligé de reconnaître qu'il y a dans la vie politique française depuis fort longtemps une lourde tradition de défiance vis-à- vis de l'endettement public.
[...] Arthuis qui déclare au journal Le Monde (15/05/1996) lors des débats d'orientation budgétaire à l'Assemblée Nationale : . Il est indispensable de mettre un terme aux errements budgétaires du passé . Vous pouvez en prendre la mesure avec le niveau de la dette publique. Quand celle-ci atteint les montants que nous connaissons, l'effet d'éviction joue à plein : le déficit public absorbe toute l'épargne disponible . Les travaux empiriques mettent en lumière peu de preuves de l'effet d'éviction. L'effet d'éviction partiel est inévitable, mais rien ne prouve l'existence d'un effet d'éviction total. [...]
[...] Dès lors, si on adopte ce raisonnement, la situation française semble alors singulièrement inquiétante : une croissance économique très modeste depuis plusieurs années, un endettement de l'Etat largement financé de manière obligataire et une impossibilité quasi institutionnelle de s'endetter dans sa propre monnaie, puisque l'inflation doit être vaincue, et que, dans la logique du traité de Maastricht, elle s'apparente exclusivement à une quantité de monnaie excessive. L' objectif de diminution sensible de la dette publique ne peut être dissocié d' une volonté de désengagement de l'état. [...]
[...] En même temps, l'activité est morose, ce qui pèse sur le niveau des recettes fiscales (même si le taux de prélèvements obligatoires atteint un niveau record de 44,13% du PIB en 1997), et la fracture sociale ne cesse de s'agrandir, rendant chaque jour plus nécessaire un réel effort de financement social. Là où la dette publique diminue, les besoins financiers de la collectivité augmentent ! L'action publique est fondamentalement différente de l'action privée, car elle comprend des dépenses courantes et des dépenses en capital qui contribuent à assurer l'équilibre social d'un pays, aujourd'hui et demain ; dès lors, son financement doit échapper à la seule logique d'un marché du capital, dont les règles sont dictées par la théorie de l'épargne préalable. [...]
[...] Pour reprendre l'expression de A.Parguez, un des chefs de file de l'école post-keynésienne française, l'épargne est créée et non créatrice: . L'épargne est créée par les déficits. Jamais les déficits ne peuvent être source d'un déséquilibre sur un marché . On voit donc que dans un système économique déterminé par la demande, loin de perturber les structures de financement de l'activité, l'endettement de l' Etat est un de ses piliers les plus efficaces, car il contribue à proposer un financement externe à un groupe d'agents économiques contraints dans leurs dépenses par les limites que leur impose leur finance interne. [...]
[...] L'impôt est alors jugé insupportable, alors qu'il peut être socialement et civilement vertueux quand son mode de calcul est démocratique. En situation d'économie ouverte, on pourrait craindre qu'une telle taxe entraîne une fuite des capitaux spéculatifs de court terme hors du territoire national, en quête d'un rendement après impôt plus important. Un contrôle strict des capitaux qui passerait par une réglementation accrue des marchés financiers permettrait de remédier à ce problème. De plus, ils ne constituent pas à l'heure actuelle l'essentiel du financement de la dette publique. [...]
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