Le 20e siècle a été marqué par une extension des responsabilités économiques de l'Etat en raison notamment des guerres mondiales et de la crise de 1929 ; un renversement de tendance en direction d'une plus grande autonomie des marchés s'était cependant manifesté à partir des années 1980 sous l'effet de l'ouverture des frontières et des progrès de la mondialisation, au point que l'on a pu évoquer, non sans exagération, un retour de « l'ultra – libéralisme ». Toutefois, la crise économique et financière intervenue dans l'ensemble du monde à l'automne 2008 a de nouveau modifié la donne en direction d'un interventionnisme généralisé et, si possible, coordonné, en vue de limiter les risques de récession et une trop forte progression du chômage.
Cette situation a réactivé le débat traditionnel entre partisans et adversaires de l'interventionnisme public, entre « réformistes » et libéraux.
Dans la conception libérale qui remonte au 18e siècle, l'accent est mis sur la liberté comme principal objectif et sur l'individu comme élément de base de la société. Les libéraux envisagent une société composée d'individus autonomes, à la recherche de leur bien-être personnel ; ceux-ci ont une claire perception de leurs intérêts, bénéficient d'informations suffisamment précises, agissent d'une manière rationnelle et effectuent des choix libres.
L' argumentation libérale démontre la supériorité du mécanisme des prix et des marchés qui constitue la meilleure garantie de l'efficacité pourvu que la concurrence fonctionne correctement. Dans cette perspective, le rôle de l'Etat reste limité ; il doit en particulier s'assurer que la concurrence est libre et loyale ; le développement des échanges comme les investissements en vue de l'avenir supposent en effet que des règles soient respectées pour que les différents partenaires se fassent confiance. Cela implique que les pouvoirs publics définissent les règles du jeu, déterminent et protègent les droits de propriété, préservent la concurrence et le respect des contrats, rendent la justice et maintiennent la loi et l'ordre. En un mot, l'économie de marché est incompatible avec l'anarchie.
[...] Il en résulte que les mesures de politique économique s'appliquant à une situation modifiée risquent d'être inopérantes ou même contre-indiquées, d'où la notion d' impuissance de l'Etat ; il n'en irait autrement que si les autorités agissaient par surprise et provoquaient des erreurs d'appréciation des agents, auquel cas les mesures prises pourraient avoir un impact de courte durée jusqu'à la rectification de ces erreurs. Les arguments pratiques s'appuient notamment sur la prise en considération des délais nécessaires à la mise en œuvre d'une nouvelle politique économique : délais techniques exigés par les experts pour analyser correctement la situation ; délais d'ordre politique ou administratif inhérents à toute décision de caractère public ; délais économiques indispensables pour que les mesures exercent leurs pleins effets. Plus ces délais sont importants, plus l'intervention de l'Etat risque d'agir à contretemps. [...]
[...] Un problème du même ordre est posé par les biens collectifs, c'est-à-dire des biens dont l'usage par un individu ne porte pas atteinte à la consommation des autres, par exemple la sécurité procurée par l'armée ou la police, la défense de l'environnement ou l'éclairage des rues ; comme personne ne peut être privé de l'usage de ces biens et contraint d'en payer le prix, aucune entreprise privée n'est en mesure de les offrir ; il appartient aux collectivités publiques de les fournir en les finançant par l'impôt. Une notion voisine est celle des biens tutélaires, considérés comme essentiels pour la société (santé, éducation) et dont l'Etat peut être conduit à assurer ou favoriser la fourniture. De nos jours, tous les Etats, même les plus libéraux, interviennent dans ces divers domaines, de telle sorte que le qualificatif d'ultralibéral n'a pas beaucoup de signification concrète. [...]
[...] En un mot, l'économie de marché est incompatible avec l'anarchie. Dans la vision interventionniste ou réformiste, l'individu recherche également son intérêt personnel, mais il n'est pas libre de faire des choix et d'exercer sa souveraineté parce qu'il est influencé par les institutions sociales ; il manque d'ailleurs souvent des informations et des connaissances nécessaires pour identifier rationnellement cet intérêt. Il appartient donc à l'Etat de prendre des initiatives pour aider ceux qui se trouvent en difficulté. Cette conception a largement bénéficié du développement de la théorie néo-classique du bien-être dans la mesure où elle aboutissait à un inventaire des imperfections du marché en termes d'efficacité ou d'équité. [...]
[...] Il convient donc de mettre en œuvre des politiques destinées à accroître la demande globale, en particulier les investissements et les dépenses publiques, par exemple sous la forme de grands travaux d'infrastructure ou de la construction de logements. En effet, contrairement à une opinion encore aujourd'hui relativement répandue, la relance par la consommation, en particulier par la hausse des salaires, n'est pas conseillée, car l'augmentation des salaires a pour conséquence immédiate un relèvement des coûts de production qui peut conduire les entreprises, soit à réduire l'emploi, soit à relever leurs prix de vente ; ce relèvement a pour effet de réduire le supplément de pouvoir d'achat initialement distribué. [...]
[...] Celle-ci refuse de considérer l'Etat comme un despote omniscient et bienveillant au service de l'intérêt général et se propose d'appliquer au comportement des décideurs publics les mêmes instruments d'analyse que ceux qui s'appliquent aux entreprises et aux consommateurs. L'argumentation revêt dès lors une tournure politique. La conception traditionnelle de l'Etat néglige en effet les procédures qui aboutissent à la prise de décisions publiques et à leur application. Or, l'Etat n'est pas une entité abstraite et homogène dotée d'une volonté propre, mais une grande organisation dont les décisions sont le résultat des marchandages et compromis qui s'instaurent entre différentes catégories d'agents. [...]
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