épargne, économie monétaire, dette publique, impôt, inflation
L'inspiration de notre analyse vient de Jean de Largentaye. Il avait, dès 1944, mis l'accent sur la nature monétaire du monde moderne dans lequel nous vivons. Pour lui, à juste titre, la grande différence avec l'économie d'Ancien régime, c'est la monnaie.
L'économie d'Ancien régime est une économie qui tire son revenu des terres agricoles. Elle fonctionne, si on fait exception du commerce extérieur, comme un lieu d'échange, de troc, situé dans les villes, entre les boutiquiers et les artisans et tous ceux qui vivent de la campagne. Les produits sont échangés contre les céréales pour faire simple, comme le montre en 1755 L'essai sur la nature du commerce en général de Cantillon ou en 1776 Recherches sur la richesse des nations d'Adam Smith. L'investissement le plus coûteux jusqu'au 19e siècle reste, en terme d'outillage industriel, les navires. Le capital fixe, l'investissement, compte peu jusqu'à la révolution industrielle de la machine à vapeur à la fin du 18e siècle.
On mesure l'écart qui nous sépare de cette économie à jamais disparue. Le chômage n'était pas aussi dramatique ; l'épargne n'était pas aussi pénalisante.
Le chômage dans une économie moderne a des conséquences beaucoup plus graves que jadis. Comme le souligne Jean de Largentaye, dans une économie d'Ancien régime, « le salaire réel d'un ouvrier employé n'est pas très supérieur aux ressources que les chômeurs peuvent se procurer par leurs moyens, surtout lorsque des terres non encore appropriées sont mises à leur disposition ». En cas de chômage, l'ouvrier dans une économie d'Ancien régime arrive à trouver par ses moyens sa propre subsistance. Et s'il n'y arrive pas, il demande secours aux institutions religieuses, ou il meurt. Dans une économie monétaire, le salaire réel de l'ouvrier n'a aucune commune mesure avec ce que le chômeur pourrait par lui-même arriver à obtenir. Le chômage dans ce cas apparaît comme plus flagrant et les conséquences en sont plus dramatiques. L'État est obligé alors de subvenir aux besoins des chômeurs.
L'épargne est moins un frein au développement dans une économie d'Ancien régime. À cette époque, la société est coupée en deux par une inégalité massive, d'un côté les salariés (agriculteurs, artisans ou petits commerçants) et les propriétaires, de l'autre (propriétaires de terres ou exploitants). Les salaires sont presque au niveau de subsistance : les employés sont pauvres et pour ainsi dire n'épargnent pas. Dans ces conditions, l'épargne ne peut logiquement provenir que des riches. Les reve¬nus de la classe aisée sont tels qu'ils sont les seuls à disposer du luxe d'épargner et de pouvoir investir. L'épargne et l'investissement sont réa¬lisés par les mêmes personnes. Dans la réalité de l'économie d'Ancien régime, la consommation importe peu tant les salaires sont bas, et seul peut compter l'investissement qui est effectivement réalisé auprès d'une épargne préalable. En ce sens, l'épargne de l'Ancien régime n'entrave pas le processus de production : elle est même le seul moyen qui en assure le développement.
Il en va tout autrement dans une économie monétaire. Dans une économie monétaire, tout d'abord, les salaires ne sont pas au niveau de la maigre subsistance. Il existe des classes de la société qui ne sont pas nécessairement soit excessivement pauvres, soit particulièrement opu¬lentes. Celui qui investit n'est pas celui qui épargne : l'investissement et l'épargne sont physiquement dissociés. L'investissement n'est pas financé par de l'épargne mais par du crédit, de la création de monnaie. À présent, l'épargne n'est plus synonyme d'investissement ; mais, par contre, elle constitue certainement une réduction de la consommation globale. Et cette réduction de la consommation n'est pas compensée par l'investissement : pourquoi investir lorsqu'on sait que la demande de consommation est faible.
Dans une économie monétaire, « la cause du chômage, c'est l'épar¬gne » . Et le chômage évidemment pèse à son tour sur le dynamisme de la consommation. Si on suit le raisonnement de Jean de Largentaye, en admettant qu'il n'y ait pas d'investissements nouveaux, « l'équilibre des échanges et des revenus exige que la communauté dépense pour la consommation l'intégralité de son revenu ». Il suffit que la communauté
épargne pour qu'une partie de la production ne trouve pas preneur. Les entrepreneurs vont alors restreindre la production et licencier. Si la volonté d'épargner persiste, les entrepreneurs continueront à encaisser des sommes inférieures à leurs dépenses. « Si les entrepreneurs abaissent leurs salaires et leurs prix, ils n'en seront pas moins contraints, pour limiter leurs pertes, de réduire la production et l'emploi aussi longtemps que la communauté restera capable d'épargne. » Aussi Jean de Largentaye insiste-t-il sur le caractère naturel mais évitable du chômage dans une économie monétaire.
C'est la caractéristique des économies riches : comme revers de la médaille, le prix à payer est le risque perpétuel de « sur-épargne », synonyme de sous-consommation, de sous-production et de sous-emploi. Dès lors que l'économie est fondée sur la monnaie, le chômage apparaît avec l'épargne.
Avec une avance remarquable sur les analyses et les mentalités, il avait vu l'utilisation cynique du chômage de masse. « Par l'incertitude de l'avenir qu'il fait naître dans la classe ouvrière, par l'état de dépendance où il la place à l'égard du patronat, le chômage apparaît comme une lourde rançon de la hausse des salaires. » Les libéraux autoritaires, au contraire, en font une donnée inévitable et normale qui introduit un rapport de force au profit du patronat.
Pour Jean de Largentaye, c'est la rareté de la monnaie, la déflation, qui crée les problèmes les plus aigus de chômage. Il anticipe sur la politique suivie avant et après la création de l'euro. « Le seul moyen de défendre une convertibilité menacée, c'est d'élever le taux d'escompte et de resserrer le crédit, c'est en d'autres termes de retirer de la monnaie sans égard aux besoins de la production. Une telle méthode appartient à la catégorie des remèdes qui pour guérir le mal tuent le patient 3. » La méthode déflationniste utilisée et non démentie jusqu'à présent pèse d'un poids très lourd sur l'économie française. La conséquence, c'est la prépondérance du capital par rapport au travail. La part des profits augmente par rapport à celle des salariés dans le partage du revenu. « En aggravant la rareté du capital, l'insuffisance de monnaie accroît indûment la part du revenu national dévolue à l'ensemble des possédants. Conséquence plus sérieuse peut-être, elle donne aux capitalistes dans la conduite des affaires une prépondérance imméritée, prépondérance que la classe ouvrière souffre chaque jour moins volontiers 4. » L'évolution de la part des salaires dans la valeur ajoutée, depuis 1983, reflète bien la conséquence de cette politique déflationniste. La politique pratiquée de déflation avantage le capital et les possédants (compagnies d'assurances et banques) au détriment de la production et des travailleurs.
[...] Enrayer cette tendance au désinvestissement de l'État s'impose. Il faut commencer par renoncer à la braderie des actifs, qui révèle, chez les doctrinaires de la rigueur, un mélange de quasi-fanatisme idéologique (le secteur privé est en soi meilleur) et un climat de sauve-qui-peut En tout cas, le discours justifiant les privatisations a évolué au fil du temps et en fonction des entreprises à privatiser Il se peut que la privatisation soit efficace car elle soutiendrait l'investissement. Mais, rien ne le prouve a priori. [...]
[...] Cette transposition de la théorie réelle de l'épargne à l'économie monétaire apparaît particulièrement dans la théorie du capital développée par Hayek. Hayek s'efforce de démontrer que même dans une économie purement monétaire le théorème fondamental reste valable. Hayek se réfère de façon explicite à John Stuart Mill et à Adam Smith ; sa théorie du capital est une théorie de l'épargne qui remonte au début du 19e siècle. Hayek définit l'épargne comme étant la partie du revenu monétaire que les détenteurs des facteurs de production affectent à l'achat des biens de production. [...]
[...] Si vraiment les autres membres persistent dans leur foi idéologique pour assurer l'avenir, il faudra alors oser menacer d'abandonner un système monétaire néfaste qui n'aurait jamais dû voir le jour Le dossier se plaide. Cet engagement suffirait à convaincre tous les opérateurs de la nature purement spéculative de l'Euro tel qu'il existe. Ni la BCE ni le recours à plus de déflation de la part des autres membres ne pourraient maintenir la surévaluation rentière de l'Euro. Il ne s'agit pas d'être antieuropéen mais d'ceuvrer pour une vraie Europe fondée sur des principes d'économie positive et non plus sur une tradition idéologique héritée d'un lointain passé, celui des adeptes du Nouvel Ordre Européen. [...]
[...] Depuis toujours, il est admis que leur revenu doit être très inférieur au revenu des actifs. Il est économiquement néfaste puisqu'il réduit la consommation et donc l'emploi des actifs potentiels. Il faut commencer la relance par l'abolition de la vraie contre-réforme du gouvernement Raffarin pour ensuite ajuster les retraites au revenu perçu dans, disons, les dix dernières années d'activité. Vraie réforme qui doit être étayée par la renonciation définitive à la mise à la retraite comme artifice masquant le chômage. Il faut aller plus loin. [...]
[...] La raison d'être des impôts est essentiellement monétaire. Dans la phase de flux, les banques commerciales voient leurs dépôts s'accroître et leurs réserves s'accumuler. La Banque Centrale achète et vend des titres publics aux banques commerciales pour contrôler le taux d'intérêt. Si la Banque Centrale n'intervenait pas pour éponger les réserves excédentaires des banques par ces opérations de vente de titres publics, le taux d'intérêt à court terme tomberait à zéro. De même, la phase de reflux voit les dépôts diminuer : les banques fixent des conditions plus restrictives à l'octroi de prêts. [...]
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