L'atmosphère qui imprègne la révision monétariste est tout d'abord celle de la revanche de la rente. L'objectif idéologique du monétarisme est en effet de légitimer la reconstitution du patrimoine de l'épargnant, érodé par la faute de politiciens subissant l'influence néfaste des technocrates, publics ou privés débordant d'idées keynésiennes. Le début des années 70, marqué par la montée conjointe de l'inflation et du chômage, était particulièrement propice à ce retour en grâce. L'article de Milton Friedman de 1968 balisa le chemin de croix de tous ceux qui voudront se déclarer néo-keynésiens, puis nouveaux keynésiens.
« Nous sommes tous keynésiens », proclamait le président des États-Unis républicain Richard Nixon en 1970. Durant l'âge d'or du keynésianisme, Milton Friedman lui-même s'était contenté de discuter le modèle IS/LM de la synthèse néo-keynésienne proposée par Hicks. Jusqu'à son article de 1968, il insistait sur deux hypothèses, nécessaires pour préserver dans le cadre de ce modèle le point de vue quantitativiste d'une neutralité de la monnaie :
- la première hypothèse est celle d'une parfaite flexibilité des prix évoluant proportionnellement au rythme de la création monétaire.
- la seconde hypothèse est celle d'une insensibilité de la préférence pour la liquidité au taux d'intérêt, à l'encontre de l'hypothèse keynésienne de détention de monnaie pour motif de spéculation
[...] Ainsi, parmi ces fondamentaux, Friedman proposa-t-il de reprendre en chœur quelques vieux refrains. L'économie converge spontanément vers le plein- emploi. Le marché du travail et le marché des fonds prêtables sont équilibrés par l'entremise d'un salaire et d'un taux d'intérêt naturels. Et, si le chômage a pu diminuer pendant trente apparentes glorieuses années, ce n'est en aucun cas grâce à la redistribution et l'investissement public. C'est . parce que les travailleurs ne se sont pas rendu compte que leurs salaires réels ont baissé, consécutivement à l'inflation inévitablement provoquée par ces politiques. [...]
[...] La baisse du salaire réel résultant du retard d'ajustement des salaires sur l'inflation permet un accroissement de la production grâce à des embauches supplémentaires à productivité marginale décroissante. Les chômeurs volontaires, victimes d'illusion monétaire, acceptent ces emplois. Le chômage effectif diminue en dessous de son taux naturel. La courbe de Phillips de court terme est donc élastique, tout comme la courbe du premier âge. Mais sa seule raison d'être réside désormais dans l'erreur d'anticipation des travailleurs à court terme, permettant le cheminement de l'économie le long de la courbe. [...]
[...] Leurs travaux annonçaient l'avènement du troisième âge de la courbe de Phillips. Cette distinction entre néo-keynésiens et nouveaux keynésiens est faite par Marc Lavoie. Les premiers sont fidèles au cadre de la courbe du deuxième âge qui complète la synthèse néoclassique, symbolisée par ISLM puis par le modèle Offre-Demande global dans lesquels le cas keynésien se réduit respectivement aux hypothèses ad hoc de rigidité des prix et de rigidité nominale des salaires. Les seconds proposent une courbe du troisième âge dans le cadre de modèles d'équilibre général en concurrence imparfaite avec rigidités réelles ou nominales. [...]
[...] Au contraire, chez Friedman, le déplacement le long de la courbe de court terme du deuxième âge provient explicitement d'une baisse du salaire réel. Mais cette baisse du salaire réel et du chômage n'est que temporaire. Du fait de l'indexation du salaire sur l'inflation effectivement réalisée, le coût réel du travail retrouve à la période suivante sa valeur initiale pour laquelle l'offre et la demande de travail diminuent pour revenir à leurs niveaux d'équilibre. L'emploi et l'inflation convergent vers leurs valeurs stationnaires. [...]
[...] Cette assertion repose chez Friedman sur l'hypothèse d'une stabilité de la relation entre la croissance de la quantité de monnaie nécessaire à l'économie et le taux de croissance du produit. Si on laisse de côté le débat sur les taux de change, la règle d'or de la politique monétariste communément admise est alors de faire progresser la masse monétaire au même rythme que le taux de croissance du PIB. L'objectif est de prévenir l'inflation et d'enrayer toute possibilité d'un scénario accélérationniste en cas d'erreurs d'anticipation des agents. [...]
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