"Un État qui rapetisse les hommes pour en faire des instruments dociles entre ses mains, même en vue de bienfaits, s'apercevra qu'avec de petits hommes rien de grand ne saurait s'accomplir". Telle pourrait être résumée la façon dont John Stuart Mill (1806-1873), dans son ouvrage titré "De la liberté" (1859), parvient à allier sa philosophie utilitariste à une nouvelle forme de pensée libérale.
Dans ce chapitre introductif, Mill s'efforce d'exposer de façon succincte sa philosophie libérale. Pour le philosophe, la question de la menace que pourrait représenter l'Etat quant aux libertés des individus est une interrogation cruciale pour l'avenir. Il estime, à contre-courant avec la pensée politique de l'époque, qu'il est nécessaire d'expliquer les dangers que pose la démocratie représentative, eût égard à ces libertés, et d'agir en conséquence pour protéger ces droits fondamentaux.
Il s'agit alors de s'interroger sur les raisons philosophiques et historiques qui conduisent Mill à remettre en cause la démocratie comme forme de gouvernement idéale, et sur les conséquences de la réponse qu'il apporte quant à la redéfinition des formes de l'Etat.
[...] Comme dit précédemment, Mill ne souhaite pas que l'Etat se désengage des affaires publiques ou de la protection des individus ; il cherche plutôt à optimiser les pouvoirs accordés à l'Etat afin de permettre la satisfaction pour le plus grand nombre possible de citoyens. Pour cette raison, Mill trouve dans la doctrine socialiste une solution aux inégalités économiques et sociales qui caractérisent la société dans laquelle il vit. Pour lui, le bonheur et la liberté ne peuvent s'acquérir que par la résolution de ces inégalités. [...]
[...] Et ce qui me répugne le plus en Amérique, ce n'est pas l'extrême liberté qui y règne, c'est le peu de garantie qu'on y trouve contre la tyrannie. Mill, s'inspirant de sa propre expérience en Angleterre, témoigne lui aussi de cet état de fait, en faisant référence aux valeurs de respectabilité de l'ère victorienne, selon lesquelles toute forme d'excentricité est perçue comme profondément négative. Pour l'auteur, cette dictature de la respectabilité est un exemple de la tyrannie de la majorité qui s'est installée dans les démocraties européennes et américaine. [...]
[...] Mill, par une brève explication de l'évolution historique des rapports de force entre gouvernants et gouvernés, en vient à démontrer pourquoi l'idéal démocratique cache en réalité des aspects inquiétants dans sa mise en œuvre. Puis, il cherche à réhabiliter cet idéal mis en danger, par l'exposition de sa philosophie libérale, qui consiste en une forme de limitation des prérogatives de l'Etat. Pour autant, il serait erroné de penser que Mill prône le désengagement total du pouvoir politique des affaires publiques : il souhaite, au contraire, la présence d'un Etat fort, mais juste. I. [...]
[...] Cependant, John Stuart Mill s'est interrogé sur la manière dont ces deux principes pourraient fonctionner ensemble dans une même société. Il s'agissait de comprendre comment concilier les deux objectifs, entre libéralisme et socialisme, soit le désengagement de l'Etat de la sphère privée, mais en même temps la protection des individus par l'Etat. Dans ses Principes d'économie politique (1848), Mill souligne l'importance de cette réconciliation entre liberté et égalité, sans pour autant parvenir à en apporter la solution : Le problème à résoudre est d'une particulière subtilité et d'une grande importance ; comment donner la plus grande quantité d'aide possible tout en créant, le moins possible, une dépendance par rapport à cette aide Il apparaît donc que la redéfinition de l'Etat opérée par la doctrine libérale de John Stuart Mill pour lutter contre la tyrannie de la majorité, ne vise précisément pas à désengager l'Etat des affaires de la société, mais à redessiner ses contours pour mieux en deviner les limites. [...]
[...] De façon plus précise, c'est par le respect d'un principe dit de non-nuisance que Mill entend protéger le droit au non-conformisme. Ce principe est la traduction politique et juridique concrète de l'objectif mentionné auparavant. Le principe de non-nuisance, élément central de l'ouvrage de Mill consiste à ce que nul individu ne puisse être contraint d'agir (ou de ne pas agir) d'une certaine manière, sauf si son action (ou son inaction) nuit à autrui. La limite de l'ingérence de l'Etat est fixée à la nécessité de protéger les individus membres de la société de l'action des autres de ses membres. [...]
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