Donald MacKenzie, The Credit Crisis, crise financière, économie, croissance, modèle économique
La discipline économique semble historiquement s'être construite autour du calcul et des mathématiques. L'école physiocratique autour de François Quesnay, mathématicien de formation, a eu recours à la formalisation, que ce soit pour des besoins de rationalisation que seule celle-ci permettrait ou pour donner un vernis scientifique à une matière qui s'est toujours estimée pour des raisons sincères ou instrumentales aussi dures que les sciences de la nature.
[...] C'est cette question qui est au cœur du texte que je vais vous présenter, un très long article d'un sociologue, Donald McKenzie, qui n'est pas à la base un familier de la complexité folle de la finance, mais qui dit modestement en introduction "être allé voir". Il s'agit d'une longue enquête basée sur une multiplicité de sources que ce soit 87 entretiens directs avec l'ensemble des acteurs concernés (des praticiens de salles de marchés aux régulateurs), la lecture patiente de manuels de finance pour se familiariser avec les produits structurés et les revues financières. [...]
[...] Ils sont composés de différentes tranches entraînant des flux différents : la tranche senior à risque et rendement faibles, la tranche mezzanine à risque et rendements plus élevés et la tranche equity considérée comme spéculative et prenant en première les pertes. Les CDO peuvent regrouper des ABS, ce sont des CDO d'ABS auxquels McKenzie fait souvent référence. Les CDO² sont des CDO de CDO. Le CDS (credit default swap) est un contrat financier bilatéral par lequel un acheteur de protection paie périodiquement une prime en échange de l'engagement du vendeur de protection à l'indemniser en cas d'événement de crédit sur l'entité référencée par le contrat. [...]
[...] Il se demande d'abord si l'amoralité voire l'immoralité des acteurs financiers est responsable de leurs agissements. Sa réponse provisoire est que ce n'est pas le cas et qu'entre l'appât du gain et la sur-confiance en soi déconnectant totalement de la réalité, il est difficile de trancher (sans mauvais jeu de mots), mais il dit très clairement qu'au cours des entretiens qu'il a menés, il n'a jamais ressenti la moindre conscience du danger que représentent notamment les CDO d'ABS de la part des acteurs du marché. [...]
[...] Plusieurs facteurs peuvent naturellement rendre compte de l'émergence et de l'intensification de l'innovation financière récente. Nous avons vu au cours de ce séminaire que les marchés sont un construit social répondant à des attentes au moins d'une partie des acteurs. C'est la recherche d'information, qu'un marché est censé délivrer, qui en nécessite la création selon la théorie économique standard. Certains marchés comme celui des organes, considéré comme socialement réprouvable, n'existe pas, du moins légalement, pour cette raison. McKenzie retient dans son article l'hypothèse qui consiste à penser qu'un marché de la notation de produits financiers complexes émerge précisément en raison de l'absolue nécessité d'un intermédiaire de donner de l'information jugée fiable et en tout cas guidante pour l'investisseur. [...]
[...] Or si c'était le cas, le coût gigantesque de protection face à un événement de cette ampleur rendrait cette activité non- profitable. Des critiques profondes[2] ont analysé la difficulté à probabiliser l'événement de crédit à partir du passé, car celui-ci réclamerait un monde "stationnaire", non changeant, c'est à dire a-politique. Les modèles de calcul censés renseigner sur le risque semblent devoir éliminer le risque alors même que le rendement est censé provenir de la prise de risque, c'est-à-dire qu'on dépasse le cadre de la finance casino déjà totalement délirante pour aboutir à l'illusion qu'il est possible de dégager un rendement certain et sans risque. [...]
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