Dès les années 1970 aux Etats-Unis, puis dans les années 1980 en Europe, les différents PDEM mirent en œuvre des politiques de dérégulation ou déréglementation. On entend par là des politiques qui visent à diminuer ou à supprimer les contraintes imposées par l'Etat ou les collectivités locales dans la conduite de certaines activités économiques, et à y restaurer des relations marchandes et contractuelles jugées plus efficaces. Les contraintes en question peuvent s'appliquer au volume des activités, à leur prix, au droit d'y entrer ou d'en sortir. Elles concernent aussi bien le marché du travail, les techniques de production et l'organisation de certaines professions, comme les activités financières, que les activités exercées par l'Etat lui-même au sein des services publics et des entreprises publiques ; dans ce cas, la déréglementation prend le visage de la privatisation, totale ou partielle, de ces activités.
Les analyses théoriques fort sophistiquées qui furent à l'origine du processus de déréglementation concevaient bien qu'il devrait affronter de multiples résistances de la part de toutes les professions « protégées ». Mais elles pensaient aussi que la logique, la cohérence et les gains de la déréglementation devaient finir par l'imposer comme une nouvelle norme de l'organisation des activités productives. Or nous allons voir qu'à bien des égards, la déréglementation est un processus beaucoup plus complexe que prévu, dont les résultats sont incertains et qui n'est pas exempt de contradictions.
[...] Mais à plus long terme, les exigences de rentabilité immédiate peuvent se payer fort cher en termes de diminution de la sécurité et de la prévention. Sur de multiples marchés (par exemple en matière sanitaire, sur les marchés financiers ou dans l'approvisionnement en énergie), la déréglementation peut introduire ces risques systémiques pour lesquels on fera inévitablement appel à l'Etat. Le service universel peut-il remplacer les services publics ? Les activités concédées revendiquent de pouvoir être des services universels en prenant en charge des missions d'intérêt général non rentables à condition que celles-ci soient financées par la fiscalité et non par les autres consommateurs sous forme de subvention croisée On cumulera ainsi l'efficacité de l'entreprise privée avec la vérité des coûts et des préférences des consommateurs, sans laisser la place à de possibles dérives bureaucratiques et technocratiques, ni à une distorsion des marchés. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, les modifications induites par la déréglementation dans la dynamique de la croissance devraient être longues à se faire sentir. III. Troisième enseignement : la déréglementation n'est pas exempte de contradictions Moins d'Etat, mais plus de régulateurs ? Le périmètre de l'Etat entrepreneur s'est incontestablement rétréci, puisque les activités du secteur concurrentiel ne lui appartiennent quasiment plus, et que la déréglementation introduit toujours davantage de marché dans la conduite des monopoles naturels comme on le voit en France avec la déréglementation du marché de l'électricité. [...]
[...] Baumol suppose en effet que les coûts de transaction sont faibles. Or les coûts de transaction, introduits dans l'analyse économique par Ronald Coase pour expliquer l'existence de la firme, sont aussi à l'origine de la réglementation : dès lors que les coûts de réglementation sont inférieurs aux coûts de transaction, il est irrationnel de passer par le marché. Mais ces coûts respectifs sont difficiles à évaluer, surtout sur le long terme. Et si la déréglementation ne se déroule pas toujours comme prévu, il est possible que ce soit parce que les coûts de la réglementation ont été surévalués et les coûts de transaction sous-évalués. [...]
[...] Moins de monopoles publics, mais plus de monopoles privés ? Un aspect important de la déréglementation a consisté à briser les monopoles, que ceux-ci soient publics ou privés. D'où l'éclatement de certaines entreprises hégémoniques sur les marchés, les précautions pour veiller à ce qu'aucune entreprise ne soit en position dominante dont elle pourrait abuser, et enfin la déréglementation des services publics nationaux. Mais bien souvent, les marchés recréent spontanément des situations de monopole par la voie de fusions-acquisitions, comme on l'a vu dans le transport aérien nord-américain ou les chemins de fer britanniques. [...]
[...] Mais il est bien difficile aux autorités de régulation de vérifier la pertinence des arguments avancés par les entreprises : par asymétrie d'information, les premières ne peuvent pas facilement connaître les fonctions de coût des secondes et sont donc obligées de recourir à des instruments tels que le taux de rendement ou des plafonds de prix qui font l'objet de marchandages et de compromis. II. Deuxième enseignement : la déréglementation comporte une bonne part d'incertitudes La déréglementation, une bonne affaire pour l'Etat ? A court terme, les Etats ont bien profité de la déréglementation grâce aux recettes des privatisations et à la diminution des subventions versées à des activités peu ou pas rentables. [...]
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