Le pacte commissoire est désormais présent dans le Code civil à l'article 2459 qui dispose qu' « Il peut être convenu dans la convention d'hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l'immeuble hypothéqué. Toutefois, cette clause est sans effet sur l'immeuble qui constitue la résidence principale du débiteur ». Cette disposition s'applique par renvoi à l'antichrèse, mais cette sûreté n'était pas utilisée en pratique, la présente étude sera consacrée au pacte prenant appui sur une hypothèque.
La nouveauté majeure réside dans le choix qui est ouvert au créancier ; ce dernier conserve la faculté de recourir à la procédure classique de saisie immobilière, et en plus de se voir reconnaître le droit de demander l'attribution judiciaire de ce dernier (ce qui est autorisé uniquement depuis la réforme de 2006 en matière immobilière), le bénéficiaire d'un pacte peut décider qu'il s'en prévaudra, actionnant alors le transfert de propriété ‘sans autre forme de procès'. Dès l'instant où la créance dont il est titulaire sera exigible, nul besoin pour lui de justifier son choix ni de répondre de ses modalités d'exécution devant un juge.
Outre le mécanisme en lui-même, l'étonnement vient d'abord de la méthode de rédaction. Il n'est pas fait référence au pacte dans les autres articles du Code civil sur lesquels celui-ci influe ; il n'apparaît qu'au sein des articles 2259 et 2260. Par ailleurs, les Codes de Commerce et de la Consommation l'intègre également pour en régler des aspects différents que ceux qui le sont dans le Code civil. Ce manque de cohérence avec son environnement juridique ainsi que sa dispersion présage déjà des difficultés pratiques à venir de sa mise en œuvre due à une absence de régime déterminé.
L'autre surprise vient de son domaine d'application. La validation du pacte par la réforme concerne tant les biens mobiliers qu'immobiliers. En principe, en raison de la tradition protectrice des propriétaires fonciers, la nature du bien commandait le régime d'exécution de la sûreté qui le grevait.
Toutefois, il est nécessaire de rappeler que la prohibition du pacte n'a jamais figuré expressément dans aucun Code. Et il ne peut pas non plus être dit que la jurisprudence ait consacré cette extension des biens mobiliers aux immeubles. En effet, d'une part, il existe à ce sujet certains arrêts qui laisseraient entendre qu'elle se soit opposée à une telle extension, encore que leur interprétation ne fasse pas l'unanimité. Et d'autre part, lorsque la Cour de cassation a eu l'occasion d'influencer le domaine de validité du pacte, ce fut toujours au sein même de la matière mobilière.
En tout cas, elle est venue étendre le champ de la liberté contractuelle et restreindre celui de l'ancien article 2078 du Code civil dès lors que la conclusion d'un pacte ne menaçait pas les intérêts du débiteur ; ce qui se vérifiait alors dans quatre hypothèses. C'est d'abord le cas lorsque tout risque de spoliation est écarté, ce qui est réalisé lorsque le pacte prend appuie sur un gage-espèce, l'assiette de la sûreté étant objectivement déterminable et connue à l'avance.
Si toutefois la nullité du pacte venait à être prononcée, la jurisprudence prenait soins de cantonner cette nullité au pacte lui-même pour maintenir la validité de la convention de garantie sous-jacente, si le « pacte n'en était pas la cause déterminante de la volonté des parties ». La disparition de la raison d'être protectrice de la prohibition se retrouve encore lorsque la Cour de cassation transforme la nullité absolue par laquelle elle était traditionnellement sanctionnée, en nullité relative de protection ; c'est-à-dire, à laquelle le débiteur peut renoncer.
La jurisprudence se fait ici, de plus en plus respectueuse des volontés individuelles. Elle n'exerçait d'ailleurs déjà plus son pouvoir de sanction que lorsque le pacte et l'intégrité du consentement du débiteur étaient incompatibles, à savoir lorsque l'attribution en propriété était concédée avant l'octroi effectif du crédit, dans la mesure où le débiteur était alors poussé par la nécessité de se financer, il était enclin à accepter n'importe qu'elle condition pour y parvenir.
Cette « érosion de la prohibition » au plan de la jurisprudence démontrer qu'elle remplie plus une fonction de « moralisation du crédit » mais se limite à une mission protectrice que la réforme a tenté de reprendre à son compte, sans beaucoup de succès en matière immobilière, il faut bien l'avouer.
Il y a pourtant un curieux paradoxe entre « l'acharnement que les plaideurs à contourner la prohibition à l'époque où elle était un principe général » et le désintérêt dont le pacte souffre à présent où il est valide par principe. La forme dans laquelle il apparaît une fois passé entre les mains de la Chancellerie lui aurait-il fait perdre tous les bénéfices que ces plaideurs espéraient en retirer ?
Il semblerait que la réponse se trouve implicitement, au moins en partie dans le domaine décrit en filigrane par la Cour de cassation en se cantonnant aux seuls meubles ; alors que la réforme elle prévoit invariablement les mêmes solutions, qu'il s'agisse d'un gage ou d'une hypothèque. Elle fait totalement abstraction du particularisme du bien engagé.
Ce constat fait craindre pour l'agilité effective de la réalisation des sûretés réelles recherchée par l'admission du pacte ? Tous les doutes permis quant à l'accomplissement de cet objectif tiennent-ils seulement à des insuffisances textuelles, auquel cas il serait permis d'espérer qu'ils soient dépassés ? Ou bien sont-ils finalement issus de la spécificité de la matière immobilière qui resterait réfractaire à toute utilisation de la propriété à titre de sûreté ? Auquel cas il ne serait peut-être pas souhaitable de dépasser ses doutes.
[...] [159] MACORIG-VENIER F., op. cit. note 78 [160] MACORIG-VENIER F., op. cit. note 78 [161] Article 544 du Code civil. propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue [ ] [162] ZENATI F. et REVET T., Les biens, Editions P.U.F 2008 [163] MESTRE J., op. cit. [...]
[...] L'impérialisme des effets du pacte sur les droits des tiers. Section 2 La redynamisation éthique d'une sûreté délaissée par la pratique. La possibilité technique d'une efficacité renouvelée. L'opportunité économique discutée d'un pacte propre aux immeubles. INTRODUCTION L'hypothèque, un acte grave ? C'est ce qui était enseigné dans les Universités de droit et c'était ce qui participait de l'imaginaire collectif depuis le 19ème siècle alors que le patrimoine et les prérogatives qui s'y attachent étaient devenus essentiellement fonciers. A l'image de la formule d'Honoré de Balzac qui décrivait l'hypothèque comme un canon braqué sur les cœurs cette garantie était entachée d'une effroyable réputation, synonyme de faillite imminente. [...]
[...] Le Code de commerce vient porter un coup d'arrêt aux appétits des créanciers qui auraient vu dans le pacte commissoire un nouveau moyen de faire sortir un bien de l'actif de leur débiteur en faillite. Il vient en effet interdire la conclusion d'un tel pacte dès l'ouverture de toute procédure collective[124], qu'il soit accordé par le débiteur principal lui- même ou par les organes de la procédure. Ainsi, le pacte commissoire aurait vocation à s'appliquer uniquement lorsque le débiteur serait in bonis, c'est-à-dire finalement, lorsque les droits du créancier sont beaucoup moins fortement menacés. [...]
[...] note 26 HOQUARD J.M., op. cit. note 26 Loi n°98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions Article. L. 311-32 du Code de la Consommation. cas de défaillance de l'emprunteur, seuls les modes de réalisation du gage autorisé par les articles 2346 et 2347 du Code civil sont ouverts aux créanciers gagistes, à l'exclusion du pacte commissoire prévu à l'article 2348 qui est réputé non écrit CARBONNEL C., op. cit. note 47 CARBONNEL C., op. [...]
[...] Il a été observé qu'au niveau de la conclusion, les blocages constatés étaient plutôt de l'ordre de la morale contractuelle. A présent, lors de la réalisation du pacte commissoire, ils appartiennent au domaine de la technique juridique. En effet le pacte heurte les fondements de la théorie des sûretés, et ces incompatibilités conceptuelles ont des conséquences désastreuses en pratique quant à la coexistence des différents acteurs qui vont se trouver eux aussi confrontés à la rigueur de la réalisation du pacte (Section 1). [...]
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