Réduire le temps de travail. La tradition française veut que l'Etat intervienne et légifère sur ce sujet néanmoins controversé, qui voit s'affronter différents points de vue radicalement opposés. D'un côté se trouvent les adversaires farouches de toute idée de RTT, refusant de "partager la pénurie" et appelant les Français à travailler plus, avec une plus grande flexibilité pour réellement créer des emplois. De l'autre côté, les partisans d'une telle mesure prêchent pour une mise en place d'une RTT identique pour tous, partout et tout de suite, sans toujours prendre en compte les impacts économiques sur les entreprises. Dans un tel contexte, souvent plus passionné que raisonné, comment ne pas craindre que la RTT ne soit source de nouveaux conflits entre ceux qui estimeraient avoir tout à y gagner et ceux qui seraient persuadés d'avoir tout à y perdre?
[...] Ainsi, selon les modèles macro-économétriques, des gains de productivité supplémentaires ont un effet favorable sur la croissance et les prix mais négatifs sur l'emploi, tout au moins à court-moyen terme. Les réorganisations qui conduisent à un allongement de la DUE augmentent toutes choses égales par ailleurs le potentiel productif et s'avèrent favorables à toutes les variables: PIB, emploi, prix. Les allégements de cotisations employeurs ont également un impact favorable sur ces trois variables. Enfin l'effet pur partage du travail est favorable à l'emploi mais rapidement défavorable à la croissance du fait des hausses de coût qui en résultent. [...]
[...] Le processus s'est convenablement déroulé: la négociation a permis de nouveaux équilibres mutuellement gagnants, portant à la fois sur le temps de travail, l'emploi, les rémunérations, l'organisation du travail, la formation. Aux vues des données empiriques observées par les différentes enquêtes sur lesquelles nous nous sommes basés, il paraît intéressant de les mettre en corrélation avec les hypothèses fondamentales sur lesquelles se base G. Cette. Ainsi, suivant le modèle, d'importants gains de productivité horaire (paramètre η1) permettraient de compenser une RTT. [...]
[...] Raymond Barre s'était résolument déclaré opposé à l'idée de réduire la durée du travail pour créer des emplois. Néanmoins pour faire face à la crise qui a touché la France au début des années 80, Pierre Mauroy, alors premier ministre, considéra que la RTT constituait et de loin la mesure la plus efficace contre le chômage: la durée légale du travail est donc passé de 40 à 39 heures. Avec le recul que nous avons sur cette RTT, on se rend compte que l'ampleur de celle-ci ne fut pas suffisante: Alain Lipietz, dans L'audace ou l'enlisement, critique la mollesse de cette politique et écrit quand on vous offre 12 minutes de moins par jour, on sait très bien qu'il n'y aura pas plus d'embauche Pour corroborer ces propos, Jacques Freyssinet estime pour sa part que la réduction du temps de travail n'a des effets notables sur l'emploi que si elle est forte et généralisée. [...]
[...] La relation entre la durée du travail et le taux de chômage d'équilibre de long terme est donc déterminante. Cette approche relève souvent de modèles de négociations salariales ou de modèles de salaire d'efficience et aboutissent, jusqu'à une époque récente, à un impact nul voire défavorable d'une RTT sur le taux de chômage d'équilibre. Les approches en termes de négociations salariales sont schématisés à l'extrême: la durée du travail effectif est exogène, le salaire horaire est négocié et le niveau d'emploi déterminé par optimisation de l'entreprise (Cahuc et Granier, 1992). [...]
[...] La réduction de la durée du travail ne peut pas, ne doit pas être également profitable au patron et à l'ouvrier. Elle a pour objet essentiel et plutôt exclusif de donner à l'ouvrier des loisirs qu'il n'a pas sans diminuer son gain ni l'obliger à augmenter son effort. Elle doit donc être nécessairement appliquée au détriment du profit patronal et, dans ces conditions, elle ne sera certaine et définitive que si elle est l'œuvre des ouvriers eux-mêmes. Lorsque Fernand Pelloutier, en 1900, dans La vie ouvrière en France, écrit ce passage, il devait être loin d'imaginer que la réduction du temps de travail (RTT) est encore au cœur du débat social plus de 100 ans après. [...]
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