Le report de l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans, a estimé l'UNEDIC le 28 septembre dernier, génèrera pour l'assurance-chômage un surcoût de 440 à 530 millions d'euros par an à partir de 2017, dans l'hypothèse où le taux d'emploi des seniors en France resterait stable. Outre la question de l'indemnisation, la croissance programmée du nombre des actifs inoccupés renvoie au problème de leur positionnement par rapport aux autres chômeurs. Alors que la loi permet aux plus de 60 ans d'obtenir, sur simple demande, une dispense de recherche d'emploi, tout indique que les personnes concernées ne répondront pas aux critères traditionnels de définition du chômage : elles seront donc tout simplement écartées des statistiques publiques et du marché du travail.
Cet angle mort n'est qu'une illustration de la nécessité d'expliciter les limites d'une notion complexe. Indispensable à la réalisation de l'objectif keynésien de plein-emploi des États-Providence, la définition du chômage a coïncidé historiquement avec la montée en masse du phénomène dans les pays industrialisés. La pression pour une approche statistique effective et opérationnelle n'en fut que renforcée.
[...] Il a notamment contribué à la stagnation relative du taux de chômage allemand lors de la crise, sous la pression du chômage technique et des temps partiels, véritables amortisseurs du ralentissement économique. Face à la prolifération de ces zones grises, l'harmonisation statistique internationale semble à la fois essentielle et largement insuffisante. L'hétérogénéité des expériences sur le marché du travail, illustrée par cet éclatement des catégories statistiques traditionnelles, fait du reste l'objet de diagnostics différenciés quant aux causes économiques du chômage, révélant un phénomène pluriel et protéiforme. De nombreuses personnes, on l'a vu, seraient désireuses de travailler si elles trouvaient un emploi, bien qu'elles ne recherchent pas activement. [...]
[...] Aussi nécessaire soit-elle, la définition limite par essence ce qu'elle décrit. Elle peut donc paraître inopérante lorsqu'un même phénomène se manifeste de manière aussi peu monolithique que le chômage. Les apports de la statistique et de la théorie économique nous aident néanmoins à bâtir un concept protéiforme. Produit de l'histoire et des efforts d'harmonisation des organisations internationales, d'une part, le cadre conceptuel dégagé par le Bureau international du Travail s'est progressivement imposé en matière de mesure de l'emploi et du chômage, et permet d'élaborer une statistique conventionnelle de la santé d'une économie. [...]
[...] Cette répartition est certes fluctuante, au gré notamment des flexions conjoncturelles d'activité. Typiquement une période de ralentissement économique déplacera un certain nombre d'actifs en recherche vers la population inactive, tandis que l'amélioration de la conjoncture créera au contraire un effet d'appel du groupe des inactifs vers celui des actifs. Mais, catégories et populations coïncident, à un instant donné. La réalité moderne est caractérisée au contraire par ce que Cézard a nommé dès 1986 le halo du chômage à savoir un décalage entre la classification opérée par les offices statistiques, et de manière générale, un éventail de situations vécues comme intermédiaires. [...]
[...] Par ailleurs, quel que soit le niveau de l'activité, il existe dans toute économie à moyen terme un processus d'appariement entre chômeurs et emplois. Consacré chômage frictionnel par les néo-classiques tenants des théories de la prospection Stigler en tête-, sa persistance renvoie au problème plus large de l'inadéquation structurelle entre offre et demande de travail (formation, type de métiers, ou encore localisation en sont les critères majeurs). Cette inadéquation structurelle est multifactorielle et rigide à moyen terme. L'existence d'un déséquilibre de long terme induit également d'autres types de chômage. [...]
[...] Aujourd'hui phénomène macrosocial reconnu dans la diversité de ses facteurs (chômage cyclique, conjoncturel, structurel, saisonnier), le chômage apparaît comme la situation qui caractérise les personnes sans emploi, disponible et en recherche active d'emploi. Le chômage est donc défini, dans cette conception consacrée par le Bureau international du Travail (BIT) en 1982, par opposition à l'emploi (premier critère), mais également à l'inactivité (deuxième et troisième critère). Dans le cas des pays caractérisés par un fort taux d'emploi informel et un service public de l'emploi peu développé, la XIIIe conférence du BIT prévoit également un assouplissement de la définition excluant le critère de recherche, que les institutions ne peuvent pas garantir. [...]
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