La thèse de l'auteur. Il existe non pas une mais deux logiques dans le marché du travail, marchande et statutaire. La première considère les individus comme indifférenciés (elle ignore toute distinction extra-économique), son principe est la mise en concurrence. La logique statutaire est fondée sur la distinction entre les personnes. Elle met en oeuvre des normes sociales, des règles légales et des politiques publiques pour faire jouer ces distinctions dans la vie économique et empêche ainsi les marchés des biens et du travail de constituer des marchés purs. Tandis que la première logique oppose compétitif et non-compétitif, la deuxième oppose le légitime au non-légitime
[...] Rétrograder, du point de vue des salaires ou de la position, est perçu comme choquant. De même les jeunes arrivant sur le marché de l'emploi refusent d'être «déqualifiés» (d'avoir un poste inférieur à ce qu'ils auraient pu espérer avec leur niveau de qualification). Les entreprises elles-mêmes préfèrent licencier que reclasser, sans faire pression pour que le travailleur âgé accepte un salaire inférieur (comme cela se fait au Japon). Les emplois de service sont déclassants, et en cours d'élimination (automatisation des péages, disparition quasi-totale des pompistes . [...]
[...] On peut dire que les normes sociales perturbent le marché du travail et génèrent du chômage mais l'inverse est tout aussi vrai : les lois de la concurrence viennent perturber un marché régi par des règles statutaires. Hétérogénéité de la main d'œuvre Les catégories en difficulté peuvent différer suivant les pays. Cette hétérogénéité de la main-d'œuvre peut être comprise comme résultant d'interférences entre les logiques marchande et de communauté. Il existe deux types de distorsions : 1. distorsion visant à protéger les activités de certains individus en interdisant aux concurrents l'accès au marché des biens ou de l'emploi (monopole d'embauche) 2. [...]
[...] Face à cette distorsion, les réactions ont varié suivant les pays, en fonction de leurs conceptions propres en matière de position et de salaire légitime. Le modèle américain Les États-Unis sont le pays qui a adopté la logique marchande la plus poussée, d'où le développement massif d'emplois très peu qualifiés, à très bas salaires et à faible productivité. Ces emplois ne sont pas du tout considérés comme déclassants, contrairement à ce qui se passe en France («emplois McDo»). Toute activité honnête est réputée honorable, et tous les grands mythes de réussite américains ont commencé par ce genre d'emploi (Rockfeller cireur de chaussures . [...]
[...] L'arbitrage entre chômer et occuper un emploi d'attente «déclassant» peut être irrationnel. Ce chômage «visqueux» devient d'exclusion quand il y a un écart trop grand entre une position «légitime» et une situation où l'individu pourrait être concurrentiel. Il est d'ailleurs possible que l'individu ne soit jamais concurrentiel (la composition de l'appareil de production tendant à éliminer les postes de non-qualifiés) : ce type de chômage est donc à terme peu compressible, et relativement peu corrélé avec les effets de conjoncture. [...]
[...] La rigidité des salaires, des horaires et des volumes de personnel au sein de l'entreprise est très forte. Pourtant, les Suédois affichent de bons résultats contre le chômage. En fait, la contrepartie de ces rigidités est une très grande précarité des identités professionnelles : un chômeur est obligé de choisir l'emploi qu'on lui propose, et au niveau même de la formation, le choix se fait en fonction de la demande de travail et non en fonction des aspirations personnelles. Le modèle japonais Au Japon, l'emploi est favorisé par le très grand développement des services marchands. [...]
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