Nous nous référerons à l'ouvrage de Philippe Askenazy, "Les désordres du travail - enquête sur le nouveau productivisme ", publié en 2004 aux éditions Le Seuil. Auteur de La Croissance moderne pour lequel il a reçu le prix de l'Académie des sciences morales et politiques, P. Askenazy est un économiste français, directeur de recherche au CNRS et chercheur à l'Ecole d'économie de Paris. Il a notamment participé à la rédaction d'un rapport du Centre d'Etudes Prospectives d'Économie mathématiques appliquées à la Planification (CEPREMAP).
Dans cet ouvrage, il conteste l'idée dominante selon laquelle le productivisme réactif, qui s'annonçait comme une forme d'émancipation, rendrait le travail moins pénible, l'enrichirait et permettrait l'épanouissement des salariés. A contrario, le chercheur démontre que l'arrivée de ce nouveau productivisme, en France dans la décennie 90 et aux États-Unis quelque années avant, s'est accompagné d'une dégradation des conditions de travail et d'une intensification de celui-ci.
C'est ce qui l'amène à s'interroger : le problème vient-il de la nature même des nouvelles organisations réactives, ou bien du fait que l'on n'a pas su prendre en compte la question des conditions de travail lors de leur mise en place ?. Autrement dit, faut-il condamner le productivisme réactif dans son principe ou l'adapter ?
[...] Les autres salariés voient s'accroître la pression au travail et la flexibilité horaire sans pour autant gagner du temps de loisirs significatif. Philippe Askenazy défend l'idée selon laquelle l'application de la réforme a eu pour effet pervers d'amplifier les inégalités de conditions de travail, en renforçant l'amplitude des horaires et la segmentation des journées, faisant reposer le coût de la mesure sur le bas de l'échelle, notamment sur les femmes aux emplois peu qualifiés comme les caissières de grandes surfaces. [...]
[...] Rejetant ces deux interprétations, l'auteur détaille les modalités de l'intensification du travail qui accompagnent ce nouveau productivisme. Tandis que les salariés qui n'avaient que des contraintes mentales voient augmenter leurs contraintes physiques, ceux qui assumaient des tâches physiquement pénibles voient augmenter leur charge mentale. L'exemple de la firme américaine Mac Donald, où l'organisation du travail est strictement encadrée, est significatif à mon sens. On y retrouve et la division horizontale du travail taylorienne et la division verticale smithienne. L'opération de vente est standardisée, et le personnel, recruté parmi des populations peu turbulentes, est peu qualifié, peu rémunéré et peu enclin à s'unir. [...]
[...] C'est donc la désorganisation des organisations innovantes qui est à blâmer et non le principe du productivisme réactif en lui-même. Afin d'appuyer sa thèse selon laquelle les réformes entreprises en France sont inefficaces et contre-productives, l'auteur met en évidence les effets pervers induits par la réduction du temps de travail sur la condition des salariés Afin d'alléger le poids du travail, le Parti Socialiste avait, avec l'instauration des 35h, décidé d'en baisser la durée. Même si les lois Aubry s'étaient fixé avant tout comme objectif la création d'emplois, elles ont eu un impact non négligeable sur les conditions de travail, en renforçant la flexibilité en contrepartie d'une réduction du temps de travail. [...]
[...] Les contraintes visuelles, liées au développement du travail sur écran, progressent également. Ces évolutions se retrouvent partout quelque soit le statut du salarié ou la taille de l'entreprise. Mais ce sont en fait les troubles musculo- squelettiques (TMS) qui représentent la majorité des maladies professionnelles (ce qui dément l'idée selon laquelle le travail, plus intellectualisé, serait moins pénible physiquement). Ainsi, de 1990 à 2000, le nombre de cas reconnus a été multiplié par 13 ! P. Askenazy met en avant les conséquences économiques de ces maladies professionnelles : le coût des accidents du travail atteint du PIB tandis que les pertes productives liées à la fatigue physique et mentale des salariés se feront sentir très fortement dans plusieurs décennies, menaçant à long terme l'équilibre des économies européennes. [...]
[...] En outre, il ressort implicitement de l'ouvrage de P. Askenazy qu'il faudrait copier le modèle américain qui a su prendre à bras le corps la question du malaise au travail. Je ne pense pas que cela soit une solution crédible dans la mesure où la configuration politique, sociale, syndicale et économique des Etats-Unis n'est pas celle de la France. Par exemple, l'auteur fonde son analyse sur les grandes entreprises, négligeant le fait que la majorité des entreprises en France sont des PME. [...]
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