Les travaux de Paul DUBOIS, économiste à l'INSEE, ont mis en évidence « la rupture de 1974 », à savoir la brusque augmentation du chômage dans les PDEM à partir de cette époque, débouchant parfois, comme en Europe, sur un phénomène de masse – environ 20 millions de chômeurs dans l'Union européenne à 25 en 2005, soit environ 9 % des actifs -, mais aussi durable – près d'un chômeur sur deux en Europe étant dans cette situation depuis plus d'un an – et discriminant – le risque variant considérablement en fonction de l'âge, du sexe, de la qualification et de l'origine ethnique et sociale du demandeur d'emploi. Cependant, les situations nationales diffèrent sensiblement, et l'on peut regrouper les pays développés en trois grands types : les pays « anglo-saxons » avec un taux et une durée de chômage assez faibles dans un contexte de flexibilité du travail et de protection de l'emploi limitée, les pays d'Europe du Nord qui associent des résultats flatteurs en matière de chômage à diverses formes de « flexsécurité » ou de gestion prévisionnelle de l'emploi et enfin les autres pays d'Europe continentale dont les chiffres du chômage demeurent en général moins bons dans un environnement institutionnel assez contraignant en matière économique et sociale. Le cas du Japon est quant à lui très particulier eu égard aux difficultés de comparaison de ses statistiques d'emploi et de chômage avec le reste de l'OCDE.
Si les profils du chômage sont ainsi multiples, il reste caractérisé par les traits définis internationalement par le Bureau International du Travail : être sans emploi, être disponible rapidement, chercher activement un emploi. Mais au-delà de ce constat, l'importante hétérogénéité entre les PDEM concernant à la fois les statistiques du chômage (niveau, évolution, durée,…) et leur contexte institutionnel pourrait laisser entendre qu'une corrélation voire une causalité pourrait exister entre des situations de déséquilibre sur le marché du travail et des données défavorables à l'emploi : le chômage trouverait sa source dans l'écart entre un équilibre théorique et la réalité du marché. C'est bien la question des causes du chômage qui est au centre des débats contemporains, lesquels trouvent leurs fondements dans la controverse entre KEYNES et PIGOU pendant l'entre-deux-guerres. L'argumentation néo-classique met en avant les vertus autorégulatrices d'un marché du travail comparable aux autres marchés, où offre et demande déterminent un prix et une quantité d'équilibre, un chômage persistant ne pouvant être que volontaire ou provoqué par des éléments exogènes au marché. La « Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie » conteste l'existence d'un véritable marché du travail, et souligne la possibilité de l'existence d'un équilibre macroéconomique de sous-emploi : les explications du chômage ne peuvent alors se trouver dans d'éventuels déséquilibres du marché du travail. Les monétaristes et nouveaux classiques d'une part, les théoriciens du déséquilibre et les néo-keynésiens d'autre part, ont renouvelé ce débat en y intégrant plusieurs dimensions microéconomiques, de nombreux développements soulignant d'une part à quel point la notion d'équilibre est soumise à discussion et, d'autre part, que le chômage dit structurel devient une dimension permanente de la plupart des économies étudiées, même s'il varie notablement dans le temps. Il s'agit donc de s'interroger sur la nature même du chômage contemporain : est-il pertinent d'en limiter les causes aux seuls déséquilibres du marché du travail ? N'est-il pas préférable d'envisager aussi des déséquilibres macroéconomiques plus larges ?
[...] Les deux sortes de chômage peuvent coexister dans des secteurs d'activité différents. En revanche, le choc de la nouvelle économie fondée sur de nouvelles technologies et l'essaimage d'entreprises innovantes est positif, particulièrement aux États unis : il améliore simultanément la rentabilité de l'offre et les revenus des demandeurs, ce qui permet une hausse significative de l'emploi, comme en témoigne la forte baisse du taux de chômage aux États-Unis dès le début des années 1990 et en Europe à la fin de la même décennie. [...]
[...] BECKER[3] : la perte de savoir-faire entraîne, dans le chômage de longue durée, la perte d'employabilité, ce qui devrait impliquer une réduction de la durée de la période de recherche d'emploi. De plus, la vision classique de la formation du salaire insiste sur le rôle des différences compensatrices : les disparités de salaire s'expliquent par des degrés différents de pénibilité et de stabilité, ainsi que par des différences d'apprentissage et de confiance accordée aux travailleurs. Comme l'ont montré P. CAHUC et A. ZYLBERBERG[4], on peut ramener cette orientation à deux modèles fondamentaux : la théorie hédonique des salaires (S. ROSEN[5]) et la théorie du capital humain (G. [...]
[...] Les principaux auteurs qui développent ces théories sont américains : AKERLOF, SHAPIRO, STIGLITZ, WEISS ou YELLEN. Enfin, l'existence de coûts de rotation est à l'origine d'un troisième dysfonctionnement du marché du travail : les actifs occupés insiders bénéficient d'une rente de situation, comme l'ont bien démontré LINDBECK et SNOWER dans les années 1980[11]. Le remplacement d'un actif par une personne extérieure à l'entreprise, à plus forte raison s'il s'agit d'un chômeur, entraîne des coûts de formation et une baisse de la productivité. [...]
[...] La demande de travail varie de manière inverse au salaire réel pour maximiser le profit, jusqu'au moment où à l'équilibre la productivité marginale du travail est égale au salaire réel. Bien que la démonstration formelle de cet équilibre général réalisée par J.K. ARROW et G. DEBREU suppose des hypothèses très fortes et laisse donc entendre qu'un tel équilibre est impossible à vérifier dans l'économie concrète, ce cadre de pensée demeure la référence de l'approche néo-classique, même si elle l'a profondément renouvelé en revenant sur des conditions manifestement obsolètes. [...]
[...] Conclusion Au terme de cette réflexion, il apparaît clairement que le chômage contemporain, loin de n'être que le produit des déséquilibres du marché du travail, trouve ses causes dans des déséquilibres de nature macroéconomique. De plus, il est essentiel de distinguer les éléments exogènes des phénomènes endogènes au marché du travail, ce qui renvoie à la distinction entre chômage naturel et chômage d'équilibre. L'explicitation des mécanismes conduisant à un chômage conjoncturel, classique ou structurel est particulièrement importante dans la perspective des politiques à mettre en œuvre pour tenter de réduire ces divers types de chômage, ce dernier étant à la fois complexe et pluriel. [...]
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