Le texte qui suit n'a évidemment pas pour but de présenter un panorama exhaustif de l'économie islamique. Tout au plus vise-t-il à introduire les problématiques les plus saillantes de l'économie islamique en tant que champ d'investigation pour la théorie économique, mais aussi pour les sciences humaines en général. En tant que support d'un plaidoyer pour une collaboration interdisciplinaire dans le domaine des rapports entre éthique et capitalisme, il ne s'agit pas, en tant que tel, d'un travail d'économie pure ou appliquée.
Les pages qui suivent en constituent la première partie, qui cherche à mettre en lumière les fondements théoriques de l'économie islamique, à partir d'une présentation de deux penseurs musulmans : Ibn Khaldûn et Mohammed Baker al-Sadr. Le choix de ces deux penseurs se justifie par leur valeur emblématique : si le premier constitue l'une des figures de référence de la pensée islamique classique, c'est en tant que penseur musulman qu'il élabore sa théorie des échanges, de la propriété et du commerce. Pour des raisons qui tiennent aussi bien à la nature de sa méthodologie qu'au contexte historique dans lequel il s'inscrit, Ibn Khaldûn ne cherche nullement à poser les fondements d'une économie islamique conçue comme modèle spécifique de gestion et d'allocation des ressources.
En revanche, chez al-Sadr, c'est bien le passage d'une pensée musulmane de l'économie en général à la constitution d'une économie proprement islamique que nous assistons, sans que les règles rationnelles qui président à l'élaboration d'un système soit pour autant abandonnées.
Cette double présentation nous est apparue nécessaire pour trois raisons ; la première est que l'économie islamique n'a rien d'une élaboration utopique au sein de laquelle le « devoir-être » présiderait à l'énonciation de principes et de normes dont l'application effective serait considérée comme
évidente — ou secondaire. La deuxième est que, si l'importance de la pensée islamique est aujourd'hui reconnue par les historiens concernant l'étude des sources de la « Renaissance » européenne, il est en revanche moins admis que l'étude du corpus musulman pourrait présenter un intérêt théorique pour la compréhension et l'analyse critique des phénomènes contemporains. Enfin, les débats que suscite actuellement la « finance islamique » indiquent l'urgence d'une clarification de ce qui, au sein de l'économie islamique, constitue un prolongement de la tradition classique, et ce qui en constitue une reformulation radicale.
Si les penseurs musulmans n'ont pas attendu Adam Smith ou Ricardo pour interroger les fondements de l'économie politique, l'élaboration d'une économie islamique conçue comme alternative au capitalisme et au socialisme est — évidemment — récente ; or c'est sur ce projet que repose l'essentiel des applications concrètes de l'économie islamique contemporaine. Un travail ultérieur cherchera à étudier ces applications, à la lumière de cette analyse théorique ; cet ordre d'exposition rejoint ainsi la dynamique de l'économie islamique elle-même, laquelle a été pensée sous sa forme théorique avant de trouver ses applications concrètes.
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