L'actualité française des délocalisations chaque jour s'alourdit... Quelques exemples récents : ST Microelectronics (Rennes) s'installe à Singapour, Thomson (Côte d'Or) en Chine, Salomon (Annecy) en Roumanie. Les destinations privilégiées sont les NPI comme Singapour, Taiwan ou la Chine, et les PECO comme la Roumanie, la République Tchèque ou la Hongrie.
Parallèlement, certaines entreprises continuent à investir en France, comme Toyota à Valenciennes...On ne peut expliquer cela sans reconnaître que la question du coût du travail, souvent invoquée comme LA cause des délocalisations, n'est un problème ni unique ni prioritaire.
L'explication qui paraît évidente est le coût de la main d'oeuvre qui serait 5 à 40 fois inférieur à celui de la France. L'argumentation semble solide : le travail coûte trop cher, l'activité s'enfuit. Mais elle est contestable, sinon comment expliquer que certaines entreprises étrangères continuent à investir en France ?
O. B.O. définit une délocalisation comme « la fermeture (éventuellement progressive) d'une unité de production implantée sur un territoire, accompagnée de sa réouverture sur un autre territoire ».
Cette définition diffère de celles produites dans les rapports récents, qui procèdent à une triple restriction. Selon ces derniers :
Pour la Mission interministérielle sur les mutations économiques, une délocalisation suppose que la production soit ensuite réimportée en France, et se distingue de la relocalisation, qui consiste dans le déplacement d'un site de production à l'étranger afin de se rapprocher d'un nouveau marché et de vendre sa production sur place (investissements horizontaux) ;
Drumetz (2004 in « La délocalisation », Bulletin de la banque de France) considère qu'il n'y a pas délocalisation si l'objectif est de faciliter l'accès à de nouveaux marchés, seules les migrations du territoire national pour tirer parti des écarts nationaux de coût de production sont comptabilisées dans les délocalisations.
Fontagné et Lorenzi (2005, rapport du CAE, n°55 Désindustrialisation, délocalisation) : est délocalisation la fermeture d'une unité de production en France suivie de sa réouverture à l'étranger en vue de réimporter sur le territoire national les biens produits à moindre coût et / ou de continuer à fournir les marchés d'exportation à partir de cette nouvelle importation ».
Selon O.B.O., cela revient à confondre le phénomène de délocalisation avec l'objectif visé à travers la délocalisation.
A partir du moment où on ferme une unité de production dans un pays pour la rouvrir à l'étranger, on a affaire à une délocalisation.
Délocalisationfermeture d'une unité de production en France pour la réimplanter à l'étranger N'EST PAS une externalisation (l'entreprise qui ferme son unité de production en France fait appel à un fournisseur étranger avec lequel elle signera par exemple un accord de sous-traitance).
Cette distinction est fondamentale car elle renvoie au choix de l'entreprise de produire en interne un bien ou de passer par le marché.
Mais ce sont deux alternatives, on ne peut en produire une analyse séparée càd que le problème des délocalisations est un sous ensemble du problème plus général de la réorganisation des activités économique, on se situe dans un problème plus général de stratégie d'entreprise
on considère qu'une délocalisation n'a de sens qu'à l'échelle internationale ; cela est légitime puisque, in fine, il s'agit de trouver les termes de politiques macro-économiques susceptibles d'être engagées par des Etats. Mais cela occulte le fait que toute les régions françaises ne sont pas affectées de la même manière par la réorganisation des activités économiques. Il convient donc aussi de s'interroger sur les politiques d'aménagement du territoire et de développement économique local.
Dans cet ouvrage, O.B.O. se propose de parler du processus actuel de réorganisation des activités, et non seulement des délocalisations, qui n'en sont qu'une facette. Plus qu'une seule dictature des coûts, les évolutions actuelles seraient le fruit d'une triple dictature des coûts, de la finance et des compétences.
[...] Cette division entre propriété et gestion pose problème, comme l'illustrent les récents scandales financiers et/ou faillites d'entreprises comme Enron, Parmalat, WorldCom, Vivendi Il est donc nécessaire de s'émanciper de l'analyse néoclassique qui réduit l'entreprise à un entrepreneur, et considérer le nœud des relations et des interactions stratégiques entre acteurs au sein de la firme. La théorie de l'agence est souvent mobilisée pour expliquer les rapports actionnaires/dirigeants. L'actionnaire engage le dirigeant pour gérer au quotidien l'entreprise, le dirigeant dispose des informations sur la vie de l'entreprise, les choix opérés, sur son niveau d'effort qui échappent à l'actionnaire, et les objectifs des deux parties divergent : l'actionnaire a un objectif de profit, le dirigeant un objectif de haut revenu. Le dirigeant peut donc se servir de son surcroît d'information pour atteindre ses propres objectifs. [...]
[...] Au sein de l'Union européenne, les pays qui connaissent un surcoût horaire du travail bénéficient également d'une surproductivité. En 2003, un salarié français coûte certes 5 fois plus cher qu'un salarié tchèque (139/17), mais il est 2 fois plus productif (121/61), si bien que le coût salarial unitaire est en France 2,5 fois plus élevé qu'en Tchéquie, non pas 5 fois plus élevé. Deuxième constat important, l'évolution des indicateurs semble témoigner d'un phénomène de rattrapage. C'est la thèse défendue par Pascal Lamy, lorsqu'il indique que, d'ores et déjà, le salaire annuel d'un directeur commercial en Chine est proche de celui pratiqué en France. [...]
[...] Le moyen essentiel de ces stratégies est l'innovation. L'activité de recherche, sur laquelle reposent ces stratégies, est une activité très spécifique. Les investissements en R&D sont risqués (on n'est jamais sûr du résultat de la recherche) et font supporter à l'entreprise des coûts irrécupérables (le coût est fixe et indépendant de l'échelle de production). Ces raisons font que les grandes entreprises sont avantagées dans la course à l'innovation, car elles sont en mesure de développer en interne des départements de recherche, leur échelle de production permet de mieux amortir les coûts fixes de la recherche, et elles peuvent s'appuyer sur des capacités d'autofinancement. [...]
[...] D'où la nécessaire complémentarité entre différenciation horizontale et différenciation verticale. Il convient donc de combiner une approche standard (qui insiste sur le rôle de la propriété intellectuelle) avec une approche évolutionniste (qui se focalise sur la nature tacite des compétences et l'inertie des routines). On peut ainsi définir des régimes d'appropriabilité Pour la fin de ce chapitre, voir les développements sur la firme cognitive et les logiques de l'innovation dans L'économie de l'entreprise (2003) ainsi que son récent article paru dans la Revue Economique et Sociale (juin 2006) : Les Territoires de l'innovation[1]. [...]
[...] En clair, d'éviter tout comportement opportuniste d'un éventuel partenaire. La stratégie néo-fordiste de flexibilité-coût n'est donc pas réductible à une stratégie de minimisation des coûts de la main-d'œuvre, les entreprises se doivent plutôt de minimiser l'ensemble des coûts de production, d'une part, et des coûts de coordination, d'autre part. La géographie des activités dépend fondamentalement de la nature des avantages spécifiques des firmes, de la nature des avantages comparatifs des territoires (coût et qualité de la main-d'œuvre, des infrastructures de transport, de communication, de formation, existence d'entreprises complémentaires performantes ) ainsi que des contraintes organisationnelles en termes de flexibilité/fiabilité. [...]
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