Le Grand bond en arrière (paru en 2006) de Serge Halimi est le récit d'un basculement du monde qui renverse le rapport de force au profit des détenteurs du capital et des multinationales au détriment des salariés et du plus grand nombre. Cette contre-révolution libérale, le « néolibéralisme », est décisive à plusieurs points de vues : elle prépare le terrain aux multiples crises financières répertoriées depuis les années 1990 ; elle porte une responsabilité capitale dans la crise des subprimes ; elle a asséché et bouché le débat politique en imposant une seule idéologie, le TINA de Margaret Thatcher, « There is no alternative » ; elle a converti la quasi-totalité des pays du monde à sa conception réductionniste du réel et de l'économie ; elle a entraîné une montée extraordinaire des inégalités dans tous les pays de l'OCDE. Bref, c'est l'histoire de la mondialisation, de ses architectes et de ses gardiens.
Pourtant, aussi décisif que soit ce tournant des années 1980, le travail intellectuel et idéologique du néolibéralisme remonte bien avant : dès l'entre-deux-guerres, des économistes – Friedrich Hayek, Milton Friedman – et des journalistes – Walter Lippmann entre autres – se réunissent afin de forger un corpus idéologique pour travailler dans la durée le corps social, politique, universitaire et patronal.
Avec le Grand bond en arrière, Serge Halimi, livre une somme de 600 pages qui est tout à la fois, un livre d'économie, d'histoire, de politique et d'histoire des idées. La démonstration est massive et puissante, l'histoire de la crise d'aujourd'hui est là pour en témoigner : les dangers, la folie et le caractère pousse au-crime de la pensée néolibérale pointés dans son livre se sont brutalement matérialisés depuis 2008 avec la crise protéiforme que nous connaissons.
[...] La bataille contre l'inflation a pour principal moteur la protection des créanciers et les épargnants les classes capitalistes et les plus riches en abritant contre l'érosion monétaire les taux d'intérêt qui leur sont servis. Au nombre de ceux qui redoutent le chômage plus que l'inflation, il y a ceux pour qui la seule source de revenus qu'ils peuvent espérer dans leur existence est le salaire ; le choix entre chômage et inflation est donc un choix politique entre capital et travail. [...]
[...] La position de Michel Rocard qui résume le projet de la gauche et par là même sa désorientation est symptomatique : Notre projet historique est de promouvoir la libre entreprise. Mais ce n'est pas facile, parce que nous devons faire ça avec un peuple qui n'a pas de culture économique. Ernest Antoine Seillière, patron du MEDEF, explique, quatre ans après l'arrivée de Jospin à Matignon, l'état du paysage politique français : Il y eu une époque, ça a duré vingt ans, où on a inscrit la retraite à 60 ans comme un droit et un principe en même temps d'ailleurs, je vous le signale, qu'on a fait toutes les nationalisations. [...]
[...] Cela ne s'était pas produit depuis 1820. Cela ne se reproduira pas après 1960 L'équation était simple, l'économie n'étant plus un jeu à somme nulle, l'augmentation de la part des uns n'imposait pas la réduction de la part des autres puisque la taille de la galette allait s'accroissant. Les conflits sociaux relevaient donc presque d'un passé dépassé : l'harmonie du pluralisme politique était dorénavant garantie, chaque groupe ou parti était en mesure d'obtenir quelque chose s'il savait attendre son tour dans la file des solliciteurs. [...]
[...] Serge Halimi, Le grand bond en arrière, Editions Fayard, Paris 2006, p Ibid., p. 54/55. Ibid., p.51. Ibid., p Daniel Bell, The End of Ideology, The Free Press, New York p Cite in Serge Halimi, Le grand bond en arrière, Editions Fayard p.47-48. Serge Halimi, Le grand bond en arrière, Editions Fayard, Paris p.240. Serge Halimi, op. cit., p Ibid., p Cité in Lewis Lapham, Tentacles of Harper's, septembre 2004, cité in Serge Halimi, op. [...]
[...] Dès 1998, on assiste à une première crise sérieuse : la crise asiatique. Beaucoup de commentateurs s'interrogent sur les vertus du néolibéralisme, on craint une déflation mondiale. Serge Halimi rappelle que rarement dans l'histoire économique de l'humanité on a pensé et conçu l'économie à partir de postulats à ce point identiques et largement inspirés du modèle américain : on calque les mêmes problématiques produites aux États-Unis à des contextes très différents. La problématique d'Halimi est claire : comment a-t-on pu passer d'une approche comparative, louant les différences entre États le devenir des États n'est pas de suivre et de singer l'État dominant à l'idée que chaque société n'était plus qu'une argile façonnée par les lois de l'économie, que la communication et le marché allaient dissoudre les différences entre les nations, indiquant la voie de la modernisation ? [...]
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