L’infiltration mafieuse dans l’économie légale

Résumé du document

Si le phénomène mafieux est bien connu dans sa dimension strictement illégale et criminelle, son infiltration dans la sphère légale est moins fréquemment analysée en dépit des conséquences encore plus significatives sur la société qu'elle génère.

L'émergence de ce phénomène ne doit pas être appréhendée comme un modèle alternatif ou succédant à celui des activités illégales mais au contraire comme son corollaire permettant la maximisation de l'efficacité du processus d'accumulation du capital, et la minimisation des risques.

En effet, la sphère des activités illégales se caractérise par l'instabilité de l'accumulation primitive du capital résultant de l'absence de droits de propriété rigides.

Extraits

[...] En ce qui concerne le volet répressif, les politiques publiques doivent s'attacher à inhiber les objectifs présidant à l'infiltration mafieuse dans l'économie légale. Il s'agit de réinscrire l'instabilité des droits de propriété sur le capital mafieux. Ainsi, l'outil de la confiscation demeure l'instrument le plus efficace. Cependant, sa mobilisation doit se cantonner à sanctionner le mafieux, c'est-à-dire saisir les biens du mafieux sans pour autant affecter la société dans laquelle le capital d'origine illégale a été investi. Ici s'érige la complexité à laquelle les politiques publiques sont confrontées. [...]

[...] La gestion internationale du phénomène mafieux doit s'inspirer des réussites des politiques italiennes et les transcrire à l'échelle internationale notamment en Albanie, ou en Russie. Une gouvernance pertinente de cette problématique doit coupler le volet répressif avec une politique de prévention notamment lors des processus de transition démocratique et économique. En effet, les périodes de transition sont propices au développement des organisations criminelles et plus spécifiquement mafieuses. Ainsi, Clotilde Champeyrache expose les opportunités offertes par la transition vers le capitalisme aux acteurs mafieux. [...]

[...] Les marchés publics étant une cible privilégiée des mafieux, la présence massive des capitaux mafieux dans le secteur du bâtiment n'est pas étonnante[2]. Sanctionner le mafieux, sans affecter la société Le phénomène mafieux dans sa dimension criminelle fait l'objet de multiples discours, d'opérations juridiques et policières de grande ampleur pour des résultats significatifs. Sa dimension mafieuse légale fait l'objet d'une attention toute relative. En effet, les prescriptions à agir ne sont pas de même nature que celles concernant les dimensions criminelles. La dangerosité intrinsèque à la présence mafieuse dans l'économie est à appréhender en parallèle des représentations collectives en la matière. [...]

[...] En effet, la sphère des activités illégales se caractérise par l'instabilité de l'accumulation primitive du capital résultant de l'absence de droits de propriété rigides. Le capital y est alors constamment soumis aux risques de la confiscation judiciaire et de l'extorsion. L'investissement de ce capital mafieux dans l'économie légale permet ainsi de renforcer la propriété de celui-ci. Le célèbre analyste italien des phénomènes mafieux, Pino Arlacchi, conçoit l'infiltration mafieuse dans l'économie légale comme un moyen de trouver un emploi concret aux importants profits réalisés au travers des activités illégales. Ainsi, la sphère légale devient fonctionnelle aux activités illégales elles-mêmes. [...]

[...] La diversité des objectifs poursuivis par la mafia présidant à leur infiltration de l'économie légale se traduit par la mobilisation d'une palette d'instruments. La typologie développée par Fanto permet de résumer l'ensemble de ces architectures économiques qui chacune répond à des objectifs spécifiques. En effet, à l'inverse des entrepreneurs non mafieux dont l'unique objectif demeure la recherche du profit, la mafia ne se focalise pas uniquement sur la poursuite de la rentabilité maximale. Les incitations à investir l'économie légale sont de nature multidimensionnelle : recyclage de l'argent obtenu dans la sphère illégale, diversification des activités afin de dissoudre le risque, mais également modalité de contrôle du territoire, notion complètement étrangère aux entrepreneurs non mafieux. [...]