Le 2 août 2007, une équipe de scientifiques russes plantait un drapeau en titane à 4 000 mètres sous l'eau dans l'océan Arctique pour réaffirmer les droits russes sur des gisements d'hydrocarbures extrêmement convoités en ces temps d'incertitude énergétique. Le 8 août 2008, les chars russes envahissaient la Géorgie sous un faux prétexte pour réaffirmer sa présence dans une région traversée par les oléoducs et gazoducs de la Caspienne. Ces deux exemples illustrent parfaitement la politique énergétique russe de ces dernières années : la Russie place petit à petit ses pions sur le grand échiquier énergétique mondial pour s'assurer une place confortable d'acteur énergétique global.
Au regard des autorités russes, les hydrocarbures apparaissent donc comme une opportunité inespérée après les difficultés de la transition économique. Mais au regard de ce qui se passe dans d'autres pays vivant de la rente énergétique, je pense notamment à ceux du Moyen-Orient, on peut se demander si ces hydrocarbures sont véritablement une chance pour la Russie. Pour répondre à cette question nous aborderons l'incroyable potentiel de croissance et de développement que représente une telle manne pour la Russie. Cependant nous nuancerons son impact positif sur le long terme en abordant les faiblesses structurelles persistantes de l'économie rentière russe dues à un manque de rationalité économique du gouvernement. Enfin nous tenterons d'y trouver une explication en soulignant l'enjeu géopolitique prépondérant que représentent de telles réserves.
[...] L'exportation d'hydrocarbure est-elle capable de fournir à la Russie une croissance et un développement durable ? Si sur le court terme, la rente pétrolière apparaît clairement comme une aubaine pour la Russie, notamment dans cette période difficile de transition économique, sur le long terme cette rente risque fort de nuire à la bonne santé de son économie. Déjà la Russie présente les caractéristiques d'un pays touché par la malédiction de la rente Comme beaucoup d'autres pays rentiers, le dynamisme et l'omniprésence de l'exploitation pétrogazière brident le développement des autres secteurs d'activités, notamment les industries de biens de consommation, en canalisant l'essentiel des investissements étrangers et domestiques, de telles sortes que la Russie ne réussit pas encore à diversifier son économie. [...]
[...] Le renouvellement n'est donc plus assuré pour le moment. L'autre limite structurelle réside dans la saturation et l'obsolescence du réseau de transport des huiles russes. Transneft, qui jouit également d'un monopole d'État dans le transport des hydrocarbures russes, ne travaille pas assez à moderniser le réseau et à créer de nouveaux tronçons pour soulager ceux déjà existants. Beaucoup de projets sont proposés, comme un oléoduc reliant les gisements sibériens à la Chine, mais peu voient le jour faute d'investissement suffisant. [...]
[...] Enfin, l'exploitation des hydrocarbures russes a plus fait pour mondialiser et intégrer le pays dans l'économie mondiale que les dix années de libéralisations forcées de l'ère Eltsine. Alors, comment expliquer le lien entre la croissance et le développement dont profite la nouvelle Russie depuis une petite dizaine d'années et le nouveau rôle du pays sur le marché énergétique mondial ? La mise en valeur et la prospection de gisements d'hydrocarbures par les géants du secteur énergétique russe, mais aussi mondial Gazprom et Rosneft, qui contribuent à 25% du PIB national rappelons-le, stimulent l'économie russe : le BTP, la banque, la pétrochimie, le transport sont autant de secteurs dopés par le secteur énergétique. [...]
[...] La volatilité des cours des hydrocarbures est sans doute l'exemple le plus concret des risques auxquels s'expose la Russie. Ainsi, la croissance et le développement russe ne s'engagent pas dans une voie durable pour le moment et pourraient donc être avortés d'ici quelques années si aucune mesure n'est prise. Mais ces constats ne sont finalement que la conséquence d'une politique énergétique russe dépourvue de toute rationalité économique. Cette politique s'est notamment traduite ces dernières années par la renationalisation d'une grande partie du secteur énergétique russe, de la production au transport en passant par les gisements eux-mêmes. [...]
[...] Ainsi, le risque est de voir se tarir la source de croissance et de développement. Compte tenu de l'épuisement prématuré des principaux bassins d'hydrocarbures actuellement exploités, notamment à cause de gaspillages entrainés par la vétusté des infrastructures, le renouvellement des gisements devient urgent si la Russie veut pouvoir produire suffisamment et ainsi continuer à utiliser la manne pétrogazière comme vecteur de son développement. Cependant depuis plusieurs années déjà, Gazprom et Rosneft, qui profitent du monopole de production, n'investissent pas suffisamment dans la prospection. [...]
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