Directeur de la réserve fédérale américaine de 1987 à 2006, Allan Greenspan se plaisait à dire « Notre économie change jour après jour et, en ce sens, elle est toujours "nouvelle" ». On pourra discuter longuement de la pertinence de cette affirmation à propos de l'économie et de la société égyptienne. Certes l'Egypte a connu des bouleversements considérables durant la seconde moitié du XXe siècle, mais reste à savoir si ces bouleversements se sont traduits par des mutations économiques et sociales profondes, ou s'ils n'ont que changé la face d'une architecture bel et bien persistante. De nombreux problèmes entrent dans cette analyse pour conclure si, au bout du compte, l'économie et la société égyptienne se sont enfin intégrées dans le système-monde pour participer à un processus international d'enrichissement mutuel, ou du moins à une marche vers ce processus. Par intégration nous n'entendons bien sûr pas assimilation. L'intégration est fondamentalement un processus de connexion et d'adaptation à un ensemble d'autres entités semblables. Dans le cadre des économies et des sociétés contemporaines du monde, cela se traduit naturellement par des flux d'échanges et de communication intenses, une désimperméabilisation des frontières et un processus de modernisation.
Mais l'Egypte est-elle bel et bien entrée dans ce mécanisme ? Les dernières décennies ont vu se mettre en place de considérables efforts de transformation des structures économiques, de la distribution des capitaux et de l'élargissement des différents flux en Egypte. Mais efforts ne signifient pas réussites si l'on ne met pas en place les bonnes réformes et les bonnes incitations, particulièrement si les responsables qui en sont chargés n'y trouvent pas d'intérêt. L'Egypte, rappelons-le, est un régime autoritaire dominé depuis bientôt 27 ans par Hosni Moubarak et en conséquence peut connaître certains freins à une modernisation économique et sociale caractérisée par une libéralisation massive. Dès lors on peut se demander si réorientation des investissements en équipements, de la réception des capitaux, et des flux favorise-t-elle bel et bien l'intégration de l'Egypte dans le système-monde ?
Pour répondre à cette problématique, nous verrons que la mutation des structures et des équipements économiques, la distribution des richesses, et enfin l'organisation des flux dans et hors le territoire, s' ils ont connu de réelles modernisations au cours de trente dernières années, n'en sont pas moins toujours caractéristiques d'une structure économique et sociale extrêmement rigide et fermée.
[...] Au niveau bancaire, nous allons voir que les quatre banques publiques égyptiennes monopolisent la quasi-totalité du marché et assurent donc la majeure partie des crédits et des placements, ce qui de fait les met au cœur du secteur financier. La hausse considérable de la spéculation et de la capitalisation sur l'Egyptian Stock Exchange au cours des deux dernières décennies, si elle constitue un facteur frappant de financiarisation de l'économie, n'en est pas moins opérée en partie non- négligeable par les banques, assurances et fonds d'investissement publics. [...]
[...] Trois zones précises se distinguent dans cette sunbelt égyptienne : le Nil et son delta, la côte ouest de la Mer Rouge et l'embouchure du canal de Suez. Le Caire tout d'abord est le centre de toute cette activité et monopolise l'essentiel des réseaux informatifs. Les 3 millions de mètres carrés de la Media Production City du Caire, équipée des deux satellites Nilesat 101 et 102, en font le plus grand centre de cinéma et de télévision satellite de toute l'Afrique et le Moyen-Orient et une métropole intégrée au réseau international des technologies de l'information. [...]
[...] Promulguée 6 semaines après le coup d'Etat des Officiers libres, la réforme agraire reste l'un des symboles de la révolution. Avant celle-ci, les grandes propriétés détenues par les sociétés cotonnières, la famille royale, les grands propriétaires terriens et l'Etat représentaient 34% de la superficie. La réforme agraire promulguée le 9 septembre 1952 limitait sans l'abolir la propriété. D'abord fixé à 200 feddans 84 ce plafond sera abaissé à 100 feddans ha) en 1961 puis à 50 feddans 21 ha) en 1969. Ces réformes successives ont ainsi accru la parcellisation des terres : en des propriétaires possédaient moins de 2ha. [...]
[...] Cette étatisation de l'économie égyptienne n'est en fait que la contrepartie d'une véritable privatisation de l'Etat égyptien. Le secteur public en effet a été très largement approprié par les cercles actuels du pouvoir et ne constitue en grande partie aujourd'hui qu'un instrument de rente et de clientélisation de la société. La nomenklatura issue de la période nassérienne et de l'Infitah confisque l'essentiel du pouvoir duquel elle tire l'instrument même de cette confiscation. Les pivots du régime et leurs partenaires particuliers placés à la tête des entreprises publiques ou privées monopolisent le pouvoir politique et économique et l'utilisent de manière à conserver leur position tout en s'enrichissant. [...]
[...] On dénombre actuellement une quarantaine de fonds d'investissement en Egypte, dont un tiers d'établissements off-shore, les plus gros d'entre eux étant gérés par les sociétés Hermes Management et Concord International Investment. Le secteur financier constitue donc bel et bien un secteur porteur pour l'économie égyptienne. Soulignons néanmoins la fragilité des banques égyptiennes dans le cadre de la crise actuelle qui secoue l'économie mondiale. Avec un ratio de solvabilité de hors provisions, une forte part de créances douteuses dans un réseau assez largement informel et une information peu immédiate, les banques égyptiennes sont loin d'être à l'abri d'une faillite. [...]
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