syndicalisme, pays développés, économie capitaliste, années 1970, évolutions et blocages, crise syndicale
En octobre 2004, le groupe américain General Motors annonce la suppression de dix mille emplois dans les usines allemandes de sa filiale Opel. Débordant la hiérarchie syndicale, les salariés de l'usine de Bo-chum (Ruhr) se mettent en grève. Cette grève bloque la production de plusieurs sites européens d'Opel et s'étend bientôt aux autres salariés du groupe, ainsi qu'aux usines Volkswagen, Ford et Porsche. En dépit de sa dimension européenne, il est probable que cette mobilisation ne parvienne pas à infléchir la décision du groupe. De surcroît, au-delà de ce mouvement ponctuel, les syndicats allemands rencontrent des difficultés croissantes à renouveler leurs adhérents. Leur pragmatisme politique, bien éloigné de leurs principes, contribue à éloigner une partie des salariés, préférant adhérer à des mouvements (tels que Attac) qui s'opposent plus clairement à la politique du chancelier Schrôder.
[...] Avec l'extinction progressive des équipes de base, la centralisation, la professionnalisation et l'uniformisation des organisations fédérales et interprofessionnelles, le lien est rompu entre des dirigeants syndicaux de moins en moins présents sur les lieux de travail et les salariés. Dans les usines Peugeot de Sochaux, étudiées par S. Beaud et M. Pialoux, le syndicalisme traverse une crise de reproduction et de représentation. En France, les conflits idéologiques entre organisations demeurent forts, si bien que l'unité syndicale pourtant pratiquée par la CGT et la CFDT dans les années 1970, est désormais largement théorique. [...]
[...] Les électriciens-gaziers français ont ainsi rejeté l'accord sur les retraites négocié entre la direction de l'entreprise et la CGT début 2004. Et s'ils sont moins fréquents, les conflits sociaux sont en revanche régulièrement plus durs Les vieux principes structurant le champ syndical sont remis en cause du fait de la montée de nouvelles catégories d'actifs et des transformations du champ politique. Dans le système toyotiste japonais, la capacité des syndicats à obtenir des améliorations des conditions de vie des salariés repose sur un rapport salarial marqué par l'emploi à vie et le travail à l'ancienneté. [...]
[...] Les facteurs exogènes et endogènes de la crise syndicale Pour expliquer ces transformations, il faut d'abord faire référence aux évolutions macroéconomiques : la dynamique du capitalisme diminue les marges de manœuvre du mouvement syndical. L'inflation puis le net ralentissement de la croissance, le tarissement des gains de productivité et la montée du chômage remettent en cause la légitimité des revendications syndicales. L'emploi, plus que les salaires ou les conditions de travail, est le nouvel étalon de la justice sociale. Particulièrement impliqué dans les institutions fordistes, le mouvement syndical pâtit de la remise en cause de l'État-Providence. [...]
[...] Les conflits sociaux deviennent moins fréquents et moins longs. Entre 1975 et 1984, on compte en moyenne 2,7 millions de journées non travaillées chaque année en France ; entre 1994 et 1998, la moyenne annuelle s'établit à seulement journées. Le diagnostic d'une crise syndicale doit cependant être nuancé en fonction des pays et des secteurs économiques. Bien différentes sont la situation de la France, où le champ syndical est éclaté en de multiples organisations et où le taux de syndicalisation est un des plus bas de l'OCDE mais où les syndicats demeurent des interlocuteurs privilégiés du gouvernement (dans les négociations sur les 35 heures à la fin des années 1990 par exemple) et celle du Royaume-Uni, où le taux de syndicalisation est trois fois supérieur, mais où le TUC (Trade Union Council) a perdu une grande partie de son influence sur le gouvernement et sur son parti, le Labour, devenu centriste. [...]
[...] La crise syndicale s'inscrit dans la crise du mouvement ouvrier. L'idéologie dominante, d'inspiration libérale, participe en outre à la remise en cause de la légitimité syndicale dans le débat public. Une remise en cause idéologique, qui se traduit, dans un certain nombre de pays du moins, par une remise en cause politique. Les administrations Reagan (qui brise la grève des contrôleurs du ciel en remplaçant les grévistes par des militaires en 1981) et Thatcher (qui fait passer une série de lois rognant la liberté syndicale) dans les années 1980 sont connues pour leurs actions antisyndicales. [...]
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