Loin d'être des notions a priori évidentes à cerner, sans doute du fait de leur introduction assez récente dans le discours sociologique, le risque et la précaution tendent parfois à être assimilés à des notions voisines, mais qui n'ont pourtant pas les mêmes champs épistémologiques. Le risco en italien ou resecum en latin (ce qui coupe) désignait tout danger encouru par les marchandises en mer. Le terme de risque, qui en est issu, est polymorphe : il irrigue à la fois les sciences de la matière, du vivant, les sciences sociales et l'économie.
La précaution se distingue de la prudence (pro-videre) qui consiste à « voir en avant, à envisager ce qui peut ou doit arriver et donc prévoir pour pouvoir engager sa responsabilité en sachant ce que l'on fait », de la prévoyance, qui est liée à la notion de sort et de malchance, et enfin de la prévention qui est l'action de réduction de risques clairement identifiés et dont les mécanismes sont connus.
Le terme de précaution s'inscrit dans un processus évolutif historique des mœurs et des perceptions du monde : si le XIXe siècle a inventé la prévoyance et en a fait la principale des vertus, si le XXe siècle lui a substitué la prévention, le XXIe siècle sera sans doute celui de la précaution qui vise l'incertitude du savoir scientifique lui-même. Toutefois, parler de précaution c'est s'engager sur le terrain de la notion de « principe de précaution ». Formulé pour la première fois en Allemagne, à la fin des années 1960, sous le nom de Vorsorgeprinzip, le principe de précaution sera inscrit dans de nombreux textes et fera l'objet de réelles attentes en tant que témoin d'une prise de conscience active des autorités publiques.
S'interroger sur les termes de risque et de précaution, c'est avoir en tête l'image des catastrophes environnementales qui ont pu survenir au cours des dernières décennies, des crises sanitaires et alimentaires de ces récentes années, ou encore des peurs alimentées par le développement de nos sociétés technologiques.
Mais s'interroger sur ces notions c'est également essayer de comprendre comment surgissent, sont perçus et gérés les risques dans nos sociétés. L'augmentation des revendications de précaution de la part d'acteurs jusqu'alors inaudibles impose que l'on s'attarde sur ce qui semble être la conséquence de l'émergence de nouveaux phénomènes, propres au XXe et au XXIe siècle.
L'anticipation, l'analyse, l'évaluation et la maîtrise des risques semblent, en effet, désormais tenir une place centrale dans le système économique et les politiques publiques. Comment peut-on envisager l'approche et la gestion des risques dans nos sociétés, à l'heure de l'apogée des technologies et des sciences ?
[...] Toutefois, il semble clair que tous les risques ne peuvent pas être éclaircis par une mise en risque, notamment les risques technologiques majeurs, ou nouveaux risques. De plus, l'insuffisance de moyens liée à une absence de réelle préoccupation politique, ou bien une mauvaise coordination entre les acteurs peut limiter la portée de cette approche. Enfin, la façon dont le pôle structurant (les autorités publiques, les experts) réagit aux perturbations provoquées par le pôle déstabilisateur (le public, l'opinion publique, les médias) détermine les écarts par rapport à une gestion des risques fondée sur une approche objective. [...]
[...] Le terme de risque, qui en est issu, est polymorphe : il irrigue à la fois les sciences de la matière, du vivant, les sciences sociales et l'économie. Cette dernière matière semble fournir la définition la plus générale du risque comme aléa auquel peut être associée une loi de probabilité. Le risque se différencie en ce sens de l'incertitude[1], qui qualifie un aléa non probabilisable, et du danger, terme plus restrictif désignant la capacité intrinsèque d'un objet ou d'une situation à provoquer un effet dommageable. Le terme de précaution (prae-cavere, prendre garde avant), quant à lui, est défini par J. [...]
[...] Pourtant celle-ci tient également à d'autres sources, à la fois anthropologiques, sociales et politiques. Les opinions et les attitudes des individus à l'égard des risques dépendent aussi des valeurs auxquelles ils croient, de la culture à laquelle ils appartiennent. L'anthropologue britannique Mary Douglas[8] a mis l'accent sur deux dimensions essentielles de toute organisation sociale : le degré de structuration interne d'un groupe et la délimitation qui le sépare du reste de la société. Elle met alors en évidence quatre types d'organisations idéal-typiques qui possèdent chacune leur perception du risque et leur attitude en conséquence. [...]
[...] Ceux-ci s'organisent sous la coupe de l'État à l'échelle nationale mais également à l'échelle internationale, à travers une coopération inter- étatique qui peut se manifester par des accords, des manifestes, des réglementations internationales . Poussant les États récalcitrants à suivre la mouvance. Si la portée de ces accords ne se solde pas par une réussite immédiate (les spectres des accords de Kyoto et de la conférence de Copenhague sont là pour nous le rappeler), on peut toutefois espérer que l'accumulation des initiatives locales puissent jouer un rôle moteur dans la prise de conscience mondiale de la nécessité d'une meilleure gestion des risques. [...]
[...] S'il prend des risques, c'est plus par fatalisme que par audace. L'analyse de Mary Douglas se révèle intéressante pour déceler le comportement de certains groupes d'individus, et même plus globalement, des différentes sociétés, face au risque. La culture américaine, basée sur des théories néo-darwiniennes et calvinistes est donc plus ou moins assimilable au type individualiste et ne réagira pas de la même manière que les groupes d'idéologie écologiste, assimilables à la secte égalitaire, face à un risque probable de changement climatique. [...]
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